Du muesli aux graines de chia, du quinoa aux légumes, des desserts sans sucre… Les conseils alimentaires sur Instagram ne manquent pas, et de nombreux influenceurs ont un talent indéniable pour mettre en scène des plats «healthy» de manière quasi artistique.
Quoi, un article qui va critiquer le trend de l’alimentation saine? Non, rassurez-vous: ce que nous mangeons et comment nous le mangeons est indéniablement l’un des facteurs les plus importants pour notre santé. Une alimentation déséquilibrée peut entraîner à long terme du diabète, de l’obésité ou des maladies cardiovasculaires. À priori, il n’y a guère d'originaux pour prétendre qu’une surconsommation de légumes vous nuira.
La «bonne» alimentation
Il y en a pourtant quelques-uns, à l’instar de Nicole Flütsch, psychologue à la Clinique psychiatrique universitaire de Zurich. Elle se préoccupe toutefois moins d’effets physiologiques de l’alimentation que de l’obsession de se nourrir sainement: l’orthorexie mentale est le nom d’un trouble alimentaire méconnu, mais bien réel. Ceux qui en souffrent surveillent de manière compulsive leurs habitudes de table. «Les personnes concernées s’intéressent de manière excessive aux composants des aliments. 'Ortho' vient du grec et signifie 'correct'. La bonne composition de l’alimentation devient une obsession et conduit à la maladie. Ce n’est pas comme pour l’anorexie, où c’est surtout un idéal de beauté intériorisé qui est déterminant pour le trouble alimentaire», explique Nicole Flütsch.
Une alimentation consciente
Selon la spécialiste, de nombreuses personnes se définissent aujourd’hui par leur alimentation. Qu’il s’agisse de sport, de santé ou de respect de l’environnement: «Le mode d’alimentation est presque devenu un style de vie, parfois même le contenu principal d’une existence.»
«Dans les médias, l’alimentation est en outre souvent associée à un danger pour la santé, poursuit-elle. Il y a eu un glissement de l’alimentation plaisir vers une alimentation exagérément consciente.»
Nombreux sont ceux qu'obsède une alimentation saine
On entend que peu parler de cette pathologie, éclipsée par les phénomènes mieux connus de boulimie et d’anorexie. Pourtant, lors d’une enquête menée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en 2010, près d’un tiers des personnes interrogées ont déclaré s’intéresser de manière excessive à une alimentation saine.
Cela n’étonne pas Nicole Flütsch: «Nous vivons à une époque où les médias nous inondent d’informations sur les aliments, ce qui rend difficile pour le consommateur normal de savoir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Souvent, les déclarations sont en plus contradictoires et difficiles à vérifier.»
Remettre en question les contenus médiatiques
L’experte épingle également les réseaux sociaux. «Dans une telle incertitude, les influenceurs, par exemple, apportent une forme de soutien et une orientation. Il est plus facile de se focaliser sur une personne qui nous montre l’exemple de ce qu’il faut faire.»
La psychologue plaide pour que l’on fasse preuve d’esprit critique: «Il est important de remettre en question les contenus médiatiques et de les consommer avec une certaine prudence.» Car même si une alimentation saine semble bonne en soi, cela peut se transformer en un trouble dangereux: «Nous observons souvent que le risque de développer un trouble alimentaire augmente chez les jeunes qui s’interrogent trop intensément sur la qualité de leur alimentation et qui sont trop préoccupés mentalement par le thème de la nourriture. Par peur de manger ce qu’il ne faut pas, ils ne mangent pas assez. C’est alors exactement le contraire d’une alimentation saine!»
(Adaptation par Jocelyn Daloz)