Où sont les femmes? 47 ans après la sortie du tube du Montreusien Patrick Juvet, la question est encore d’actualité dans le monde de la gastronomie. Comme l’an dernier, et comme bien d’autres fois auparavant, le palmarès suisse des nouveaux étoilés Michelin n’a pas brillé pour son inclusivité. Démontrant, une fois de plus, que les récompenses gastronomiques restent encore l'apanage des hommes.
Des nouveaux bibs gourmands aux indétrônables triple-étoilés, en passant par les étoiles vertes, le jeune chef et le sommelier de l’année, aucune femme n’a donc séduit les inspecteurs du Guide rouge. En tout cas pas suffisamment pour être mise en avant parmi leurs choix.
Tout sur les étoiles Michelin 2024:
Tout sur les étoiles Michelin:
Allure gracile, chignon impeccable, c’est entre sourire et larmes que Sarah Benahmed apportait (tout de même!) une touche de féminité à ce palmarès très testostéroné en recevant le Michelin Service Award. Un prix bien mérité, tant, à La Table du Lausanne Palace, la jeune femme se distingue par une attention, un talent, un sens de l’accueil et une bienveillance qui font toute la différence.
Alter ego de son compagnon le chef Franck Pelux, elle sublime ses plats avec plaisir et gourmandise, parvenant à offrir un service irréprochable et une chaleur bienvenue sous les moulures du vénérable hôtel. Jusqu'à lui donner des airs de maison familiale.
Deux fois primée dans deux restaurants, une première
A Strasbourg déjà, à l’étoilé Crocodile, et en 2019, elle avait reçu ce prix Michelin de l’accueil et du service. Une reconnaissance renouvelée aujourd’hui, et ce, pour la première fois dans l’histoire de cette distinction. L’occasion aussi de se souvenir que c’est bel et bien sur ce duo, Sarah et Franck, et non sur le seul (grand) talent de Franck Pelux, qu'Yvan Rivier, alors directeur du Palace, avait parié pour succéder à Edgard Bovier en 2020.
Et dès son arrivée, la native de Tain-L’Hermitage affirmait son style au Gault Millau Channel: «J’aime les salles pleines de vie, où les gens échangent, parlent, rient. Je suis très simple dans mon approche de la vie, et à la fois très exigeante. J’aime les gestes précis, la légèreté. Un bon service doit se dérouler comme un ballet, c’est un travail d’équipe tout en finesse, au service des convives.»
Une déclaration émouvante pour toutes les femmes dans la restauration
Si, l’an dernier, c’était entourée de son compagnon et de son bébé qu’elle était montée sur scène à l’occasion de l’obtention de la deuxième étoile de La Table, c’est seule, et sous les applaudissements de Franck jamais très loin, que Sarah Benahmed est venue chercher son étoile rouge.
Elle a profité du micro tendu pour faire passer un message à toutes celles qui veulent embrasser une carrière: «À tous ceux qui souhaitent être parents, ne laissons pas cette envie s’arrêter juste parce que notre métier nous prend énormément de place. Tout est possible. Je crois que quand on devient maman, on devient une lionne, on peut déplacer des montagnes. Donc à toutes ces femmes qui veulent continuer à exercer ce métier, on peut le faire.»
D'autres femmes qui brillent par leur absence
Un discours pas si banal au regard de ce palmarès masculin et du sort réservé l’an dernier à la cheffe Marie Robert, qui, peu de temps après être devenue maman, avait perdu l’étoile que son Café Suisse de Bex avait décroché en 2019. Invitée cette année à la cérémonie, c’est étrangement bredouille qu’elle en est repartie. Et en ayant le sentiment d’être venue faire de la «figuration», comme elle le déclarait avec une pointe d’humour sur ses réseaux sociaux.
Autre nom féminin cité lors de la cérémonie du jour, celui d’Anne-Sophie Pic dont les 2 macarons sont justement confirmés au Beau Rivage Palace. Et ce, malgré la fermeture du restaurant pendant presque un an et sa réouverture en septembre dernier seulement.
Petite source de satisfaction tout de même, de nombreux jeunes chefs, à l’image du Valaisan Gilles Varone, nommé Young Chef Award 2024, ont tenu à monter sur scène avec leurs compagnes qui œuvrent à leur côté au quotidien dans des établissements qu’ils exploitent en commun. Offrant enfin un peu plus de visibilité à ces «femmes de chefs» longtemps restées dans l’ombre.