Il faut regarder le documentaire de France Télévisions «Dissolution, Histoire d’un séisme politique». L’on y apprend, de la bouche des intéressés, qu’Emmanuel Macron a de facto frôlé l’accident constitutionnel en décidant de dissoudre, le 9 juin, l’Assemblée nationale. Supposé consulter les présidents de l’Assemblée et du Sénat, le président français les a tout juste informés.
Vite fait. En quelques phrases. À quoi bon les écouter et prendre le temps de les convaincre puisque sa décision, déjà prise, lui semblait la seule issue pour sauver son second quinquennat?
Cette méthode Macron, isolée, têtue, et destinée à son seul bénéfice, reste l’absolu poison de sa présidence alors que démarre, mardi à l’Elysée, une nouvelle série de tractations en vue de former un gouvernement.
Rejet massif dans l’opinion
Plutôt que de tirer les conséquences de son rejet massif dans l’opinion et de la polarisation extrême du pays qu’il a contribué à accroître depuis 2017 – avec pour résultat le vote de la motion de censure fatale à Michel Barnier – le chef de l’Etat se retranche derrière son ultime rempart: les institutions. Lesquelles lui permettent de demeurer à son poste jusqu’en mai 2027. Son message aux forces politiques est aussi simple que brutal: «Puisque vous ne pouvez pas me forcer à démissionner, réfléchissez plutôt à vous partager le pouvoir jusqu’en mai 2027. Vous réglerez vos comptes après».
Un autre président
Ouvrons les yeux: cet Emmanuel Macron là n’est plus le président porteur de projets, de réformes économiques et sociales, d’un volontarisme proeuropéen et d’une remise en cause justifiée de certaines dérives d’un système français de plus en plus sclérosé et coûteux pour les finances publiques.
Le Macron de décembre 2024 est un artificier qui s’emploie à retrouver une marge de manœuvre en dynamitant d’un côté le Rassemblement national de Marine Le Pen (onze millions d’électeurs, et 141 députés avec ses alliés), et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon (71 députés et 7,7 millions d’électeurs à la présidentielle).
Macron, l'apprenti-sorcier
Son raisonnement est arithmétique: les partis traditionnels redoutent le bloc national populiste et la gauche radicale. La seule stratégie de défense est dès lors de faire bloc autour de lui. Quitte à attiser la colère anti-élite. Et donc les radicalités…
Un tel comportement est celui d’un apprenti-sorcier. Vu de Suisse et de nombreux pays parlementaires, un président qui dissout l’Assemblée nationale et perd son pari dans les urnes devrait, en théorie, s’incliner devant la volonté des électeurs. Mais Emmanuel Macron n’a pas renoncé à être, même le dos au mur, le «maître des horloges».
Depuis sa réélection de 2022, son obsession est de trouver, à chaque fois, la brèche qui lui permettra de survivre dans un système présidentiel français où le parlementarisme n’a toujours pas sa place.
«Front antirépublicain»
Le «Front Républicain» anti RN durant les législatives a été la première brèche. La lutte contre le supposé «Front antirépublicain» de la motion de censure – mécanisme tout à fait constitutionnel, voté par des partis conviés tout de même à l’Elysée – est la seconde. Avec pour résultat, aux yeux de l’opinion publique, le sentiment que tout est à négocier entre la droite, le centre, la gauche sociale-démocrate et les écologistes: la réforme des retraites, la politique contre l’immigration ou la remise en ordre budgétaire.
Le Macronisme de 2024 se drape dans la défense de «l’intérêt général». Mais dans les faits, il ne fait qu’entretenir une confusion toujours plus redoutable.