Après une courte trêve consacrée à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le président français Emmanuel Macron a repris lundi ses consultations afin de nommer un nouveau Premier ministre, son camp le pressant d'agir vite. Issu de la droite, l'ancien commissaire européen Michel Barnier, en fonction depuis seulement trois mois, a été contraint jeudi de démissionner de son poste de chef de gouvernement, après un vote de censure à l'Assemblée nationale.
Pour trouver son successeur, M. Macron, qui a bénéficié d'un répit ce week-end avec Notre-Dame, a reçu tour à tour des députés indépendants, les écologistes et les communistes lundi matin. Il a proposé une «nouvelle méthode» pour construire le futur gouvernement, qui passerait par l'organisation d'une «réunion des différentes forces politiques pour échanger sur une plateforme programmatique», ont indiqué les responsables des écologistes, après avoir été reçus au palais de l'Elysée.
Le président a également indiqué, selon la patronne des écologistes Marine Tondelier, que «la solution ne pourrait plus reposer sur un accord avec le (parti d'extrême droite) Rassemblement national». Alors qu'il lui avait fallu 51 jours cet été pour choisir Michel Barnier, M. Macron est pressé de trancher par son propre camp. A commencer par son allié de toujours, le centriste François Bayrou, préoccupé par «une situation que pas un citoyen français ne peut accepter de voir perdurer ou se complexifier». Pressenti, parmi d'autres, comme potentiel Premier ministre, le patron du parti MoDem ne revendique pas le poste mais presque: «Si je peux aider à ce qu'on sorte de tout ça, je le ferai», a-t-il lancé dimanche.
Besoin de «concessions réciproques»
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (macroniste), a plaidé de son côté pour une nomination «dans les prochaines heures». Son calcul est simple: «additionner» les députés du «socle commun» (droite et centre), des indépendants et du Parti socialiste pour obtenir une majorité absolue à l'Assemblée, afin qu'il n'y ait «plus de censure possible». Et d'appeler à «un programme d'action» commun entre ces groupes politiques, autour notamment de la question des soins, de l'agriculture et de la décentralisation. Mais en pratique, l'arithmétique se heurte à de multiples lignes rouges.
Le socialiste Boris Vallaud, l'écologiste Marine Tondelier et le social-démocrate Raphaël Glucksmann ont réfuté lundi l'hypothèse d'une nomination de François Bayrou, rappelant que le centriste n'a «pas gagné les législatives» et incarne la «continuité politique» d'Emmanuel Macron. Le chef de file des députés du parti de droite Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, a rappelé pour sa part ses «conditions»: «Ni (le parti de gauche radicale) LFI au gouvernement, ni le programme (de l'alliance de gauche) du Nouveau Front populaire», au point d'affirmer qu'un Premier ministre socialiste est «une hypothèse pas crédible».
Or c'est précisément ce que réclame le numéro un du Parti socialiste, Olivier Faure, venu à l'Elysée vendredi proposer des «concessions réciproques» au président, qui lui a déjà concédé des rendez-vous avec les écologistes et les communistes. Mais ce début d'ouverture a réveillé l'ire de LFI, qui a refusé l'invitation à l'Elysée et instruit tout le weekend le procès en déloyauté de ses alliés. «Il n'y a pas de compromis possible avec la politique économique d'Emmanuel Macron», a affirmé la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, pointant «une volonté claire du pouvoir de fracturer le NFP».
Une situation financière problématique
A l'autre bout de l'échiquier politique, le parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN) reste à l'affût. Pas convié à l'Elysée, son président Jordan Bardella demande déjà «à être reçu avec Marine Le Pen», la cheffe de file de l'extrême droite française, par le futur Premier ministre «de manière à pouvoir exprimer très clairement (leurs) lignes rouges», qui n'ont «pas varié»: pouvoir d'achat, sécurité, immigration et scrutin proportionnel. Arbitre de la censure du gouvernement Barnier, le RN prévient d'avance: «Vous ne pouvez pas faire comme si on n'était pas là.»
La pression de nommer un nouveau chef du gouvernement est aussi liée à la situation financière du pays. Avec un déficit cette année qui devrait dépasser les 6% du PIB, la France affiche la pire performance des 27 États membres de l'Union européenne à l'exception de la Roumanie, très loin du plafond de 3% autorisé par l'UE. Alors que le gouvernement démissionnaire s'était fixé l'objectif de réduire le déficit public à 5% du PIB l'an prochain, le projet de budget 2025 n'a pas pu être voté en raison de la censure.
Promise la semaine passée par M. Macron, la «loi spéciale» permettant à l'appareil d'État de fonctionner en l'absence de promulgation d'un budget au 1er janvier est «prête», a assuré lundi matin le ministre du Budget démissionnaire Laurent Saint-Martin, ajoutant qu'il suffirait de réunir un conseil des ministres pour que le texte soit présenté.