Que l’on soit queer dans une famille homophobe, noir·e dans une belle-famille raciste ou gaucho dans une famille de droite, les fêtes de fin d’année ne sont pas toujours une partie de plaisir pour tout le monde. Alors mieux vaut arriver préparé·es à affronter les pires arguments, car cette année, on ne se laissera pas faire face à nos tontons droitards. Voici donc 8 réparties bien wokes – la dernière va vous surprendre.
«Est-ce que tu condamnes le Hamas?»
Oui, je condamne les crimes de guerre du Hamas, tout comme je condamne les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes constitutifs d’un génocide commis par les autorités israéliennes depuis le 7 octobre à Gaza. Les événements du 7 octobre ont causé des souffrances terribles que je ne veux pas relativiser, mais ils doivent être placés dans le contexte de la souffrance continue de la population palestinienne, forcée à l’exil et déplacée en masse en 1948, vivant depuis 1967 au moins sous l’occupation israélienne illégale et dans un régime d’apartheid. Seule la fin de l’occupation israélienne permettra la paix dans la région.
«Les jeunes d’aujourd’hui n'ont plus envie de travailler»
Peut-être, mais ce n'est pas une mauvaise chose. On travaille pour subvenir à nos besoins et, dans une économie capitaliste, pour les profits de nos patrons. Sauf qu’une croissance infinie sur une planète finie, c’est ni durable, ni réaliste. En plus, à force de nous répéter que notre job doit avoir du sens pour mieux nous faire avaler la pilule du salariat, il ne faut pas s’étonner si on se rend éventuellement compte que bosser 42 heures par semaines, ça n’a aucun sens.
«T’es vegan? Moi j’aimerais bien, mais j’aime trop le fromage»
Alors essaie d'adopter un régime presque entièrement vegan, mais en continuant de manger du fromage. Je ne te dis pas quoi manger, moi. Tu savais que l’élevage seul était responsable de 14% des émissions de CO2 dans l'atmosphère, et que l’OMS reconnaît que manger trop de viande augmente le risque d’obésité, de diabète et de maladies cardio-vasculaires?
«On ne peut plus rien dire!»
Mais qu’est-ce que tu ne peux plus dire exactement Roger? Que les Noir·es ne savent pas travailler, que t’as pas de problème avec les pédés tant qu’ils ne montrent pas leurs fesses dans les rues de Martigny et que t’as envie de te faire ta secrétaire? Te taire à l’avenir, c’est pour ton bien: le racisme et l’homophobie sont punis par l’article 261bis du Code pénal et le harcèlement sexuel est interdit par l’article 4 de Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes. Décidément Roger, ce serait trop dommage de ne pas pouvoir faire Noël avec toi l’année prochaine parce que tu ne t’es pas encore rendu compte que ta liberté s’arrête là où commence la nôtre.
«Les hommes font quand même déjà beaucoup d’efforts»
Alors continuez comme ça. Mais tant que vous y êtes, faites encore un petit effort pour empêcher qu’une femme meurt toutes les deux semaines sous les coups d’un proche, que deux femmes sur trois subisse une forme de violence sexuelle dans leur vie, que les femmes gagnent globalement 43% en moins que les hommes ou que plus de deux tiers du travail du care soit encore fait par les femmes. Vous aurez le droit de vous reposer sur vos lauriers le jour où on aura atteint l’égalité, pas avant.
«T’as pris du poids depuis l’année passée!»
Je fais mes réserves pour survivre à la montée du fascisme, à la sixième extinction de masse des espèces et au réchauffement de 3,1 degrés de la planète qui aura pour conséquence la fonte irréversible des calottes glaciaires, l’élévation incontrôlable du niveau des mers et l’amplification des phénomènes météorologiques extrêmes, résultant de terribles crises sociales, sanitaires et migratoires. Sinon toi ça va?
«On éviterait bien des problèmes s’il n'y avait pas autant d’étrangers en Suisse»
Anita, ta peur de perdre ton boulot et ta colère contre l’augmentation des loyers sont légitimes. Mais qui décident d’engager des personnes aux exigences salariales plus basses (ou qui sont tellement désespérées qu’elles accepteraient n’importe quel job) parce qu’en réduisant les coûts de personnel, on peut augmenter les profits? Les patrons.
Qui décident d’augmenter les loyers sans même se baser sur les coûts effectifs et en ignorant la limitation légale des rendements sur le logement? Les propriétaires. Les personnes étrangères sont juste des boucs-émissaires désignés par la bourgeoisie pour qu’on évite de se rendre compte que la vraie responsable, c’est elle.
«Le wokisme, c’est le nouveau mal du siècle»
Dis-moi Jean-Michel, comment tu définis le wokisme? Tu peines? Je vais t’aider: être woke est un terme apparu dans les années 1960 dans le cadre de la lutte antiraciste aux Etats-Unis. On était woke, donc éveillé·e, face aux discriminations sociales vécues par les personnes noires, mais aussi par les personnes queers ou les femmes.
Le mot «wokisme» a ensuite été détourné par l’extrême droite il y a quelques années pour devenir un outil rhétorique de disqualification des luttes portées traditionnellement par la gauche. Si on est féministe, antiraciste ou écolo, on est woke, et autant le Centre que l’UDC s’accordent à dire que c’est mal. Mais du coup, être contre le wokisme revient à être contre la gauche, les pauvres, les femmes, les personnes queers et migrantes. Ça te rappelle pas l’Italie des années 1940, Jean-Michel?
A défaut d’énerver tous les tontons droitards qui me liront, j’espère que cette chronique vous aidera à survivre aux fêtes. Et rappelez-vous: vous êtes assez, vous êtes aimé·es, vous êtes fort·es et vous êtes important·es.