La langue, le riz casimir (notre journaliste Food insiste sur ce point), le second degré, les traditions... On a beau vivre dans le même pays, les coutumes de part et d'autre du Röstigraben divergent sur beaucoup d'aspects, notamment au niveau professionnel. Et sur ce point, ce sont les Suisses-allemands qui remportent la palme de l'attractivité!
Blick, sur les constats de Stéphane Bruneau, cofondateur de Yodea Recrutement, a réuni trois raisons de trouver illico presto un travail chez nos voisins alémaniques.
Les discriminations salariales
Premier constat — valable pour tous les contextes — la Suisse romande est plus portée sur la culture latine, tandis que la Suisse alémanique se rapproche de la mentalité germanique, scandinave et anglo-saxonne. «Je constate via mon activité des différences salariales liées au sexe bien plus importantes du côté romand qu'alémanique, affirme l'expert. Étant plus imprégnée de la culture latine, la Suisse romande fait preuve de plus de machisme envers les femmes.»
Et ce, dès l'entretien d'embauche, «les employeurs romands négocient plus sévèrement les salaires demandés par les femmes que par les hommes», relève-t-il. Cela est d'autant plus flagrant pour certaines professions, comme les métiers techniques, déjà très peu féminisés. «Du côté alémanique, c'est tout l'inverse. Les employeurs vont être plus cléments sur la question salariale envers les femmes attirées par ces secteurs très masculins afin de diversifier davantage leur équipe et d’augmenter leurs effectifs féminins.»
Même topo avec le congé parental. Même s'il existe aujourd'hui un consensus dans toute la Suisse, des différences persistent entre cantons. Les régions alémaniques tendent plus à s'inspirer des pays germaniques et scandinaves, largement plus développés sur la question.
Côté romand, c'est plus compliqué. L’assurance pour le congé maternité est couverte par les allocations pour perte de gain (APG). «Pourtant, à Genève, une cotisation supplémentaire est tout de même perçue pour l'assurance maternité, et ce, sans aucun avantage. Il ne viendrait jamais à l'idée de faire de même pour le service militaire, ce qui dénote une différence de traitement», souligne Stéphane Bruneau.
La confiance envers les employés
D'après l'expert, c'est une histoire de mentalité. Les employeurs germaniques auraient plus tendance à faire confiance à leurs collaborateurs que du côté romand, où la surveillance hiérarchique est de mise. Conséquence directe: le télétravail est moins répandu en Suisse romande qu’en Suisse alémanique, selon une étude de Credit Suisse.
En revanche, les espaces de co-working connaissent une nette progression en Romandie. Chez nos voisins alémaniques, le succès escompté n'a pas été au rendez-vous. «C'est une question de temporalité. La Suisse alémanique avait développé ce concept en amont, mais avec la pandémie, ces centres ont dû restreindre leur activité et les gens se sont retrouvés confinés chez eux», analyse l'expert. Ces espaces partagés sont arrivés plus tard en Romandie, pendant la Covid-19, et l'ampleur a pris petit à petit.
Les jeunes diplômés sur le marché du travail
Les jeunes pousses qui débarquent sur le marché de l'emploi sont mieux loties du côté alémanique que romand. Un an après leurs études, les diplômés des hautes écoles romandes gagnent généralement moins et sont plus facilement au chômage que les Suisses-alémaniques. Trois raisons sont avancées selon notre expert.
Premièrement, les Romands sont en moyenne plus jeunes lorsqu'ils commencent à travailler. La raison? Les Alémaniques accordent une importance de taille à l'apprentissage, puis se dirigent dans un second temps vers les études supérieures. Ils alignent les cours du soir ou allongent la durée de leur formation (par exemple un Bachelor sur 4 ans) en travaillant en parallèle. Ils acquièrent ainsi de l'expérience. Du côté romand, les jeunes privilégient directement la voie gymnasiale, sans forcément passer par la case stage. «Plus jeunes, avec moins d'expérience, les Romands sont automatiquement moins rémunérés», conclut l'expert.
Mais ce n'est pas tout. Les rémunérations varient nettement d'une région à l'autre. «Les salaires, excepté à Genève, sont habituellement plus bas en Romandie qu’en Suisse alémanique. Bâle, Zurich et Berne paient plus que Lausanne, Neuchâtel ou Fribourg. Seule une trentaine de kilomètres sépare Berne de Fribourg, pourtant les salaires divergent grandement.»
Finalement, la différence salariale s'explique aussi par le niveau de langue. «Du côté alémanique, les jeunes ont plus facilement tendance à être trilingue (français-anglais-allemand). Sans compter que la première langue de travail en Suisse reste l’allemand et que l'Allemagne, première puissance économique de l'Union européenne, est le principal client de la Suisse (même en Romandie).
... Alors, convaincu, on fait ses valises?