Emmanuel Amoos (PS/VS) irrité
Un «Röstigraben» du langage inclusif

Le nouveau guide linguistique adopté par la Confédération sème la confusion à Berne: tandis que le français encourage le masculin générique, il est interdit en allemand! Le socialiste valaisan Emmanuel Amoos veut déposer une interpellation.
Publié: 17.04.2023 à 13:36 heures
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Dernière mise à jour: 18.04.2023 à 10:00 heures
L'astérisque de genre, qui fait débat outre-Sarine, est interdit dans les publications de la Confédération. En lieu et place, il est recommandé de mentionner le féminin et le masculin dans les textes en allemand.
Photo: imago images
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Sophie Reinhardt

Comment rédiger un texte où chacun se sent concerné? D'ailleurs, la phrase que vous venez de lire devrait-elle être accordée? Comment? Concerné(e)? Concerné-e? Ou alors concerné-e-x, comme on peut le lire parfois pour inclure celles et ceux qui ne se retrouvent pas dans la binarité du genre?

La lecture peut être fastidieuse, comme ce premier paragraphe le montre. Depuis quelques années, le langage inclusif fait débat, en particulier dans les documents officiels. Ce n'est pas l'apanage du français: la petite étoile (la Gendersternchen) et les deux points (:) permettent de «genrer» correctement, mais ils ne sont pas du goût de tous.

Le 30 janvier dernier, la Confédération mettait en ligne un «Guide de formulation pour un usage inclusif du français», à retrouver ici. Dix pages qui n'ont pas fait beaucoup de remous, hormis à «Forum». L'émission de la RTS — entreprise qui avait aussi connu une polémique du genre — s'est émue du masculin générique proposé par le guide.

«Le genre grammatical qui inclut, c’est le masculin ou genre non marqué», est-il écrit dès la page 3. À l'inverse, certaines pratiques y sont proscrites, selon le document établi par la Chancellerie fédérale.

Extrait du guide.
Photo: DR

D'immenses disparités entre les langues

Plusieurs voix se sont élevées pour critiquer le document, fait savoir la RTS, si bien qu'une pétition a été lancée par un consultant en question de genre, David Saltiel. Motif du courroux: ce guide ne serait «pas scientifique».

Plus surprenant encore, il contreviendrait aux recommandations des directions de l'instruction publique et serait en porte-à-faux avec un autre document fédéral, rédigé il y a deux ans par le Département fédéral de l'Intérieur pour proscrire le masculin générique. Exactement celui qui est recommandé aujourd'hui.

Vous voulez encore plus de confusion? Les personnes bilingues, qui ont consulté le document dans sa version francophone et germanophone, ont pu jouer au jeu des 7 différences. Et elles sont saisissantes: en allemand, la Confédération écrit qu'il faut s'adresser autant que possible aux hommes et aux femmes, par exemple via des formulations doubles («Stimmbürgerinnen und Stimmbürger», pour «Votantes et votants», alors que le français privilégierait «votants»).

Pire, alors que les variantes en français et en italien imposent le masculin générique au titre qu'il «s'adresse à tous et ne discrimine personne», comme on peut le lire dans la préface du guide, son usage se retrouve... proscrit en allemand. Verboten!

Le Conseil fédéral ne voit pas de problème

Une chose est certaine: la cacophonie règne à Berne. Qui a raison? La version en allemand ou la version en français et italien? Les pratiques doivent-elles changer en fonction des langues? Pour Emmanuel Amoos, conseiller national valaisan, c'est surtout le français qui pose problème.

«Avec ce guide, nous perdons 20 ans d'évolution vers plus d'inclusion, regrette le socialiste. Il est aberrant de vouloir défendre l'égalité et lutter contre les discriminations au quotidien, tout en recommandant l'utilisation du masculin générique dans les textes officiels de l'État!»

Le Valaisan a donc demandé au Conseil fédéral s'il était prêt à retirer le guide au profit de nouvelles recommandations, réalisées cette fois avec l'aide d'experts. Mais le gouvernement lui a répondu fin mars qu'il n'y voyait pas d'urgence. «La grande majorité des locuteurs francophones et italophones utilisent et comprennent le masculin générique dans sa valeur inclusive, tel qu'il est enseigné», a fait savoir le Conseil fédéral lors de l'heure des questions.

«Nous perdons 20 ans», critique Emmanuel Amoos.
Photo: Keystone

Une réponse qui n'a pas convaincu Emmanuel Amoos: le socialiste compte déposer une intervention à ce sujet. À noter que cela ne sera pas la première fois que l'écriture inclusive arrive sur le terrain politique. Un autre Valaisan, l'élu du Centre Benjamin Roduit, s'est plusieurs fois ému ces dernières années de cette tendance. Une motion pour interdire l'écriture inclusive avait même franchi l'écueil du National, avant de se heurter aux États.

L'inclusion toujours proscrite

Benjamin Roduit revient tout de même à la charge. Motif? Certains parlementaires utilisent l'écriture inclusive dans leurs textes pour l'heure des questions. Le Valaisan s'est donc interrogé si une remise à l'ordre était prévue. «Les questions ne sont ni contrôlées ni modifiées, à l'exception de leur titre», a répondu le Conseil fédéral.

Mais le Centriste peut dormir sur ses deux oreilles: les pratiques d'écriture alternatives continuent à être proscrites dans tous les documents officiels. En tout cas jusqu'à ce que la question revienne sur la table.

Benjamin Roduit
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