Genève et Lausanne concernées
Bientôt des magasins ouverts le dimanche dans les rues commerçantes?

Le Conseil fédéral veut faciliter l’ouverture dominicale des commerces dans les centres urbains, dont Genève et Lausanne. Actuellement, seuls les gares, les aéroports et les stations de montagnes bénéficient de dérogations.
Publié: 13.03.2024 à 17:10 heures
Le National a adopté une motion en faveur d'une ouverture dominicale des commerces des centres-villes de Lausanne et Genève.
Carole Berset

Les commerces des centres-villes de Lausanne et Genève seront-ils bientôt autorisés à ouvrir le dimanche? C’est bien possible! Le National a adopté mardi, par 109 voix contre 79, une motion de Philippe Nantermod (PLR/VS) en ce sens. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

Le Conseiller fédéral Guy Parmelin et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) souhaitaient eux aussi assouplir la législation actuelle, afin que les commerces des rues très fréquentées des villes bénéficient des mêmes dérogations que les magasins situés dans les gares et les stations touristiques de montagne.

Selon la Handelszeitung, la rue du Rhône et la rue du Marché à Genève pourraient bientôt bénéficier de ce statut de «zones touristiques», autorisant l’ouverture dominicale. Et à Lausanne, la place Saint-François et la rue de Bourg. Selon le journal Schweiz am Wochenende, à Zurich, ce sont la vieille ville, la Bahnhofstrasse et l’Europaallee qui seraient concernées par cette exception, tout comme les vieilles villes de Lucerne, Lugano (Piazza Grande), Berne et Bâle (avec la Freie Strasse).

Le nouveau cadre légal envisagé stipule que les villes comptant plus de 60’000 habitants et dont la part des clients étrangers dans le total des nuitées hôtelières représente au moins 50%, pourront ouvrir certains commerces dans des quartiers touristiques le dimanche. En effet, bien qu’elles constituent les principales destinations en termes de nuitées, les villes de Zurich et de Genève ne peuvent actuellement pas bénéficier de cette exception. «L'objectif consiste à renforcer l'attractivité des grandes villes pour les touristes internationaux durant les week-ends, en leur proposant une offre comparable à celle disponible dans les métropoles européennes», explique Boris Zürcher, chef de la Direction du travail au SECO.

Fin novembre 2023, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche a lancé une consultation concernant la révision de l’ordonnance relative à la loi sur le travail, le but étant de mettre en place les bases juridiques nécessaires à ce changement. Les quartiers touristiques qui pourront bénéficier de cette mesure seront en revanche définis par les cantons: une ville entière ne pourra pas profiter de cette disposition. «La question des heures d'ouverture des magasins, y compris le dimanche, sera également réglée au niveau cantonal et chaque canton pourra décider s'il veut faire usage du nouveau règlement ou non», précise Boris Zürcher.

Des produits de luxe… mais pas que

Les commerces concernés par cette nouvelle disposition devront notamment offrir un assortiment de produits spécifiquement destinés aux besoins des voyageurs. Une définition large, qui s’étend au-delà de l’unique vente d’articles de luxe. «On retrouvera les mêmes types de produits qui figurent déjà dans le règlement actuel. Il s’agit par exemple de guides, de souvenirs ou encore de spécialités locales. Les articles de base en matière d'alimentation et d'hygiène font aussi partie de la liste. D'autre part, la vente de produits de luxe tels que des vêtements, des chaussures, des bijoux, des montres ou des parfums, permettra de satisfaire la demande des touristes internationaux», détaille Boris Zürcher.

Président de Travail.Suisse, l'organisation faîtière indépendante des salariés, Adrian Wüthrich se réjouit d’avoir pu limiter le shopping dominical à certaines catégories de commerces et de produits: «Lors des premières discussions, il était tout d’abord question d’ouvrir tous les magasins établis dans une zone touristique urbaine. Les négociations ont permis de restreindre le nombre d’enseignes qui pourraient bénéficier d’une ouverture le dimanche à celles répondant aux besoins particuliers des touristes. Travail.Suisse rejette néanmoins aussi la proposition actuelle.»

Cette limitation ne devrait pas engendrer de concurrence déloyale entre les commerces qui bénéficieraient de cette mesure et les autres. «Les critères qui permettront de déterminer quels magasins profiteront de cette exception seront les mêmes à Zurich qu’à St-Moritz, Wengen ou Gstaad, résume Boris Zürcher. Or, nous n’avons constaté aucune problématique liée à une éventuelle concurrence déloyale ou distorsion de la concurrence dans les régions de montagne. Les commerces qui bénéficient de cette mesure ne desservent pas les mêmes segments de marché que ceux qui en sont exclus. Je ne crois pas que cela posera problème dans les villes.»

Tactique du salami

Travail.Suisse désapprouve néanmoins la révision de l’ordonnance, arguant que la fermeture des commerces le dimanche permet aujourd’hui de garantir un précieux temps libre en commun notamment pour les familles. «C’est un point très important pour nous. À cela s’ajoute que les zones touristiques urbaines pourraient aussi concurrencer d’autres formes de tourisme, les voyageurs ne pouvant pas à la fois faire du shopping à Genève et se promener en montagne», explique Adrian Wüthrich.

L’idée d’une ouverture dominicale remonte à une initiative lancée en février 2021 par la directrice de l'économie publique zurichoise Carmen Walker Späh. La cheffe de l’économie du canton avait alors exigé que la Confédération autorise les employeurs des commerces de détail à faire travailler leurs salariés au moins huit dimanches durant cette année. Cette mesure visait à favoriser le tourisme urbain, particulièrement mis à mal pendant la pandémie. «Cet argument paraissait totalement pertinent durant cette période, poursuit Adrian Wüthrich. Nous estimons toutefois que cette mesure ne se justifie plus actuellement, le tourisme dans les villes étant revenu à la normale.»

En janvier 2022, les cantons de Zurich, Lucerne et du Tessin avaient également demandé à assouplir l’ordonnance concernant la fermeture dominicale. «C’est un débat perpétuel, dont l’objectif s’inscrit dans une tactique du salami. L’enjeu de chaque nouvelle proposition consiste à gagner progressivement du terrain. Il s’agit pour nous de lutter afin que le dimanche ne devienne pas un jour de travail normal.»

Compensations salariales

Les travailleurs concernés par le travail dominical devront bénéficier de compensations allant au-delà des périodes de repos compensatoire prévues par la Loi fédérale sur le travail (au moins 24 heures consécutives), mais aussi au-delà du supplément de salaire de 50% défini dans l’Ordonnance 1 relative à la Loi sur le travail. «Pour l’instant, la proposition indique simplement que la rémunération devra être plus élevée que celle mentionnée dans la Loi. Or, payer les salariés un centime de plus que les 50% supplémentaires déjà prévus garantirait déjà de respecter cette condition. Si le Conseil fédéral accepte la nouvelle ordonnance, ce point devra encore être clarifié», dit Adrian Wüthrich. Travail.Suisse évoque par ailleurs la possibilité de trouver un compromis qui convienne à tout le monde en profitant de cette occasion pour définir enfin des conditions collectives de travail pour toute la branche de la vente. «Les conventions collectives de travail permettraient notamment de régler la question des jours de congé.»

La branche du commerce de détail souhaiterait néanmoins étendre la possibilité d’ouvrir les dimanches à tous les magasins. «Le secteur dans son ensemble n’est pas satisfait de la proposition en l’état. Il se pourrait donc qu’il rejette l’ordonnance», conclut Adrian Wüthrich.

En collaboration avec Large Network

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