«Nous sommes des DINKS, notre maison est calme et silencieuse», «nous sommes des DINKS, nous pouvons partir en vacances dix fois par an», «nous sommes des DINKS, nous pouvons utiliser notre argent pour nous acheter des choses qui nous font plaisir… comme un bateau!», «nous sommes des DINKS, nous pouvons dormir huit heures par nuit», «nous sommes des DINKS, les seules fesses que nous devons essuyer sont les nôtres!» S’il vous arrive de vous balader sur TikTok, vous les avez forcément déjà vus, ces jeunes couples vantant leur vie sans enfant où l’hédonisme est érigé en principe cardinal.
Qui sont les DINKS?
Acronyme de «dual income, no kids» (deux salaires et pas d’enfants) le terme DINKS apparait pour la première fois à la fin des années 80 dans un article du Los Angeles Times et connait un fort regain de popularité grâce aux réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok. Sur le réseau social chinois, certaines vidéos dépassement même les 4 millions de vues.
Depuis 2022, le mouvement a même son podcast dédié dont les dizaines d’épisodes déjà disponibles couvrent des sujets aussi variés que le regret parental, les différentes manières de faire son coming out «childfree» auprès de ses proches, les avantages des animaux de compagnie par rapport aux enfants, les raisons pour lesquelles le capitalisme veut que vous fassiez des gosses ou encore sur des enfants capables de voir les morts… ou qui ont carrément assassiné leurs parents! Vous avez dit dramatique?
Mener la grande vie sans enfants
Selon un article du média Fortune, les raisons invoquées par ces jeunes couples qui renoncement à la parentalité sont multiples. Si les considérations écologiques ou la peur d’un monde perçu comme de plus en plus menaçant sont souvent citées, la raison principale demeure la volonté d’utiliser leurs ressources, parfois substantielles, non pas pour financer couches, biberons, jouets ou frais d’université, mais bien pour vivre leur meilleure vie, voyager à travers le monde, gâter leur animal de compagnie ou encore partir à la retraite de manière anticipée.
En outre, comme le relève Fortune, bien que les frais engagés par certains DINKS pour mener la grande vie semblent parfois démesurés, ceux-ci ne s’avèrent en aucun cas comparables au poids financier de la parentalité qui pèse sur de plus en plus de familles également en Suisse.
Qui veut la peau des DINKS?
Pour autant, tout n’est pas rose au pays des DINKS et ces derniers essuient leur lot de critiques. «Nous sommes des DINKS, qu’importe la quantité de possessions matérielles que nous accumulons, nous nous sentons vides à l’intérieur», a par exemple commenté ironiquement un utilisateur en dessous du TikTok du compte followourcompass. Une remarque acerbe likée par 5700 personnes.
Idéologiquement proche du mouvement pronataliste qui, à l’inverse des DINKS se sentent investis de la mission de transmettre leurs gènes afin d’éviter la disparition de la culture américaine, Elon Musk ne se prive pas non plus de taper sur les couples ayant fait le choix de ne pas procréer. Sur X, le père de douze enfants, dont les petits X Æ A-XII, Exa Dark Sideræl et Techno Mechanicus, a ainsi déclaré: «Les personnes qui décident délibérément de ne pas avoir d'enfants font preuve d'une horrible moralité: elles exigent en fait que les enfants des autres s'occupent d'elles lorsqu’elles seront devenues vieilles. C’est n’importe quoi!»
Début octobre, l’essayiste et journaliste au Journal du Dimanche Aziliz Le Corre a quant à elle publié «L’enfant est l’avenir de l’homme» paru aux éditions Albin Michel et dans lequel elle fustige le choix des «no kids» et dénonce un «égoïsme exacerbé» parfois dissimulé derrière des arguments «vertueux» en rapport avec la crise climatique.
Pourquoi tant de haine?
Sociologue et professeure à la Haute école de travail social à Lausanne et spécialiste des pratiques économiques du quotidien, Caroline Henchoz adopte un discours plus nuancé, notamment au sujet des accusations d’égoïsme forcené portées par certains contre les DINKS: «En Suisse, l’état investit très peu dans les politiques familiales, ce qui peut aussi expliquer ce choix quand on connait le coût relatif à l’éducation des enfants.»
Quant aux couples disposant de moyens suffisants et qui renoncent malgré tout à la parentalité, la spécialiste forme une hypothèse: «On peut aussi expliquer cette tendance par une plus grande conscientisation de la part des jeunes générations des renoncements qu’implique la parentalité et une prise de conscience qu’une vie épanouie ne passe pas forcément par le fait d’avoir des enfants.»
Enfin, la chercheuse également spécialiste des questions de genre note que par le passé, alors que les femmes se trouvaient alors majoritairement au foyer ou travaillaient à mi-temps, peu d’hommes se voyaient reprocher leur individualisme lorsque ces derniers exprimaient leur désir de continuer à investir leur carrière mais également leurs loisirs: «On remarque que cette accusation est plus présente depuis que les femmes sont plus nombreuses à revendiquer, elles aussi, ces mêmes désirs», conclut Caroline Henchoz.