L'hiver est arrivé en Suisse début janvier, bien emmitouflé et un peu en retard. Si vos orteils gèlent sur place dès que vos semelles effleurent la neige, si vous vivez dans votre onesie à capuche ou si vous clamez être frigorifié lorsqu'un souffle de bise vous frôle... vous appartenez à la catégorie des frileux. Et non, ce n'est pas juste. Pendant que vous grelottez, d'autres se pavanent sans écharpe et aèrent joyeusement le bureau, alors que la neige recouvre les pavés... Avec un brin de jalousie, vous vous dites que ces réchauffés doivent posséder du sang de dragon.
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Or, cette résistance au froid dépend surtout de caractéristiques purement physiologiques (et les personnes frileuses ne sont pas non plus affiliées aux bonhommes de neige). Ainsi que nous le rappelle le Dr. Mathieu Saubade, médecin hospitalier au Service de médecine du sport du CHUV et médecin agrée au département Promotion de la santé et prévention d'Unisanté, la sensibilité au froid est très individuelle, car elle implique différents facteurs propres à chaque personne: «Nous possédons toutes et tous une sorte de thermostat cérébral, situé dans l’hypothalamus, dont la mission est de conditionner notre réponse au chaud et au froid.»
La frilosité n'est toutefois pas complètement indépendante de notre volonté: «Outre les conditions de température extérieures, ce système est notamment influencé par des caractéristiques individuelles comme la masse graisseuse (capable de stocker plus de chaleur), notre taux d’hydratation, notre consommation d’alcool ou encore l'état de nos vaisseaux sanguins», ajoute notre expert.
Pourquoi ai-je souvent les pieds gelés?
Les orteils et autres doigts frigorifiés ne doivent pas vous être inconnus, que vous en soyez le propriétaire ou la principale victime: si votre moitié décongèle régulièrement ses pieds en les glissant contre vous, réduisant votre température corporelle de moitié au passage, ne lui en voulez pas. Ce n'est pas de sa faute!
«En effet, le calibre des vaisseaux sanguins situés en périphérie du corps diminue au contact du froid, menant à un phénomène de vasoconstriction, précise le Dr. Saubade. Il ne s’agit pas d’une pathologie, sauf dans le cadre de certaines maladies, mais cela explique pourquoi on aura plus facilement froid aux extrémités. Les variations hormonales chez les femmes pourraient expliquer une sensibilité plus marquée à ces phénomènes, mais tout le monde peut être concerné, avec une différence de tolérance individuelle.»
Faut-il manger plus pour avoir moins froid?
Hormis l'hydratation convenable mentionnée plus haut (au moins 1,5 litres d'eau par jour, selon l'association suisse pour l'alimentation), nous pouvons également agir sur l'alimentation, lorsque cela est possible, pour conserver la chaleur dans l'organisme: «Certains régimes alimentaires peuvent également impacter la réponse de l’hypothalamus, poursuit le spécialiste. Des régimes pauvres en calories ou pas assez variés pourront favoriser la sensation de froid, car une sous-nutrition tend à ralentir le métabolisme et baisser la température interne. Il convient ainsi de viser un bon équilibre alimentaire, en mangeant de tout et en quantités adaptées.»
Le médecin note par ailleurs que certaines maladies telles que l’hypothyroïdie et l’anémie, ou encore la prise de médicaments tels que les neuroleptiques, peuvent aussi augmenter la sensibilité au froid.
Peut-on lutter contre la frilosité?
Ainsi, lorsqu'on connaît l'origine de cette sensibilité, il est possible de prendre certaines mesures pour développer notre résistance. À noter que la source de la frilosité peut être mentale: «Elle peut être influencée par le mode de vie, l'éducation, la culture, l'habitude d'exposition au froid selon les régions, voire à certains traumatismes psychologiques, lorsque le cerveau associe la sensation de froid à des expériences négatives.», pointe le Dr. Saubade.
En dehors de ces cas spécifiques, il n'y a qu'une solution: combattre le froid par le froid, en s'y exposant davantage et de manière régulière. «On peut s’habituer au froid, dans la mesure où le corps peut être entraîné à stimuler plus de chaleur interne s’il est régulièrement soumis au froid, confirme notre intervenant. Cela peut notamment passer par des douches froides ou même de se baigner en hiver.»
L'idée de plonger dans le lac par -2 degrés est franchement horripilante (sauf pour le célèbre ice man néerlandais Wim Hof et les adeptes de brasses glacées), mais possède de nombreux bienfaits qui pourraient motiver les âmes téméraires: «À terme, ce type d’habitude permet d’accroître notre résistance, stimule l’immunité, améliore le sommeil et favorise la production de bonnes graisses ou graisse brune», encourage le Dr. Saubade.
Il convient néanmoins de se jeter à l'eau en compagnie d'une personne expérimentée, de prendre les précautions nécessaires, de ne pas s'immerger trop longtemps et d’en discuter avec son médecin avant de se lancer: «En effet, la baignade en eau froide est déconseillée aux personnes souffrant de certains troubles cardiaques, d’épilepsie ou ayant des antécédents d’AVC, par exemple», prévient le Dr. Saubade.
Pas d'inquiétude, on vous applaudira même si vous commencez par un jet d'eau froide à la fin de votre douche. Les retrouvailles avec vos pantoufles n'en seront que plus extatiques.