Glisser nos pieds sous la table d’une pizzeria, pérégriner dans les rues d'une ville inconnue, pleurer au cinéma avec un seau de popcorn sur les genoux… Tous ces passe-temps favoris cèdent leur place d’honneur à une pile de factures qui tangue dangereusement.
D'après notre sondage mené en collaboration avec M.I.S Trend, 56% de la population suisse a réduit son budget alloué aux vacances et aux loisirs pour affronter la hausse des prix. L’idée semble injuste et inquiétante, puisque nos horaires de travail, eux, ne bougent pas d’une milliseconde. Ne risque-t-on pas de s’épuiser, si tous nos loisirs passent au second plan, dans un rythme de vie toujours aussi effréné?
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«Il est important de conserver un équilibre entre facteurs de stress et facteurs de ressources, confirme Nadia Droz, psychologue FSP spécialisée en santé au travail. Cette logique peut paraître inhabituelle, sachant que le temps alloué aux loisirs tend à diminuer durant les périodes stressantes, mais dans l’idéal, il faudrait veiller à conserver, voire augmenter nos ressources quand nous sommes très occupés.»
Voilà qui fait écho aux sages paroles du Dr. Joe Dispenza, gourou américain de la pleine conscience: pour lui, il faudrait méditer vingt minutes par jour, sauf lorsqu’on vit une journée très chargée: là, il faudrait méditer pendant une heure!
«Si cet équilibre est menacé, on risque de voir le stress dépasser les ressources, prévient notre experte. Il peut ensuite se transformer en stress chronique et démarrer le processus de l’épuisement pouvant mener au burn-out. Lorsqu’on analyse les mécanismes de création de l’épuisement, on constate en effet une disparition du loisir ou de la détente au profit d’une activité stressante.»
Le cerveau a besoin de s’aérer
Rien de tel qu’un duel de squash ou un verre en terrasse, en sortant du travail, pour transiter sereinement d’un univers à l’autre. Les loisirs interviennent ainsi comme une bouffée d’air qui rafraîchit nos pensées stagnantes.
«Les hobbies nous apportent entre autres du mouvement, contribuant ainsi à réduire notre sédentarité, note Nadia Droz. Ils nous amènent aussi à nous focaliser sur autre chose que le travail, créant une forme d’aération de l’esprit: le cerveau a besoin de ces zones de repos ou de loisir pour rééquilibrer le système hormonal.» Le cortisol, l'hormone du stress, n'a d'autre choix que de battre en retraite face aux bienfaits de nos hobbies.
Une étude publiée en mars 2023 dans le «British Journal of Sports Medicine» démontre en outre que l’activité physique est plus efficace que les médicaments pour lutter contre l’anxiété et la dépression. «Certains loisirs, dont le sport et la musique, contribuent en effet à réduire le stress et l’anxiété, en interrompant les ruminations, ajoute Nadia Droz.
Soulignons aussi les bienfaits que peut apporter les contacts avec la nature, souvent réduits lorsque nous travaillons dans un contexte urbain.» Non, le ficus qui a élu domicile sur un coin du bureau ne compte malheureusement pas... Même s’il est très beau.
Lutter contre les interruptions
La bonne nouvelle, c’est que n’importe quel loisir est à même de nous ressourcer un peu, tant que l’activité choisie est pratiquée de manière continue, permettant un état de concentration relatif au «flow». Ce terme nous vient du psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi, décédé en 2021, dont l’anniversaire tombait justement ce vendredi 29 septembre.
Ainsi que le rappelle Nadia Droz, l’un des principaux facteurs du stress chronique est l’interruption: «Durant la journée, nous sommes sans cesse coupés dans nos activités par des notifications ou des stimuli divers. Je connais même des personnes qui reçoivent un message sur leur smartphone quand leur sèche-linge s’est éteint! Le fait d’empêcher toute interruption demande désormais pas mal d’organisation.»
D'après la psychologue, ce constat est alarmant, puisque ces interruptions nous empêchent de plonger véritablement dans une activité. On ne va pas se mentir… la vibration du smartphone serait capable de couper même le plus brillant épisode de «Sex Education», dont la 4e saison est sortie le 21 septembre 2023 sur Netflix.
«Qu’il s’agisse de lecture, de yoga ou même d’un film regardé du début à la fin sans autres distractions, toute occupation pratiquée sans dérangement, peut nous procurer un état de conscience modifié, agréable et apaisant pour le cerveau», constate Nadia Droz.
La conclusion est simple: nous avons absolument besoin de loisirs pour préserver notre santé mentale, même s’il s’agit d’une simple balade en forêt. Il ne reste plus qu’à adopter un chien: en plus de nous remonter le moral, il ne nous laissera simplement pas le choix!