Dans la commune zurichoise de Hausen am Albis, on fait des affaires entre amis le plus discrètement du monde. La fondation locale Widmer-Frick a vendu en silence une maison lui appartenant à l'agence immobilière d'une conseillère municipale de la commune. Jusque-là, rien d'anormal. Mais le conseil de fondation responsable de la vente est composé exclusivement de collègues du conseil municipal de l'acheteuse.
La maison a donc été vendue discrètement, sans contre-offre. L'affaire s'est finalement ébruitée après des questions et des critiques de la population. Malgré tout, ni le prix de vente ni les circonstances de ce deal douteux n'ont été dévoilés.
La veuve Widmer-Frick, ex-épouse d'un industriel, a créé dans les années 1960 — en l'absence d'héritiers — une fondation sociale destinée à soigner les personnes âgées à domicile. Avant sa mort, elle a apporté trois maisons comme patrimoine de la fondation. Les revenus des loyers ont permis de financer une infirmière qui soignait les personnes âgées à domicile, un peu comme le précurseur des soins à domicile.
Gestion douteuse
La gestion actuelle de la fortune de la fondation soulève toutefois des questions. Notamment pour l'ancien conseiller municipal de Hausen, Hans Binzegger: «Ces derniers temps, il y a eu quelques incohérences auxquelles j'aimerais avoir une réponse. Mais la fondation ne donne aucune information à ce sujet.»
Le conseil de fondation est composé, comme prévu par la fondatrice, exclusivement de trois membres des autorités qui doivent y siéger d'office: le président de la commune, l'adjointe aux affaires sociales et le secrétaire communal, qui fait également office de président de la fondation.
C'est ce conseil de fondation qui a vendu le bien à l'agence immobilière de la responsable «Finances et biens immobiliers» de la commune, Beatrice Sommerauer Nägelin, qui est justement la voisine du bâtiment en question. Tout cela sans appel d'offres, sans communication publique, sans chiffres concrets. La conseillère municipale s'est certes récusée lors des négociations, son conjoint a mené les entretiens de vente, mais elle détient tout de même la moitié des parts de l'entreprise.
Sans une intervention de Hans Binzegger, l'affaire n'aurait sans doute jamais été révélée. L'homme critique vivement la vente et le manque de communication: «Je ne veux pas provoquer de malaise, assure-t-il, je veux juste que le public sache dans quelles circonstances les ventes ont été réalisées.»
Zéro transparence
Un coup d'œil sur la fondation révèle rapidement que celle-ci communique rarement vers l'extérieur. La transparence? Elle ne connait pas! Elle ne dispose même pas d'un site web. Et ce, malgré la proximité des autorités et l'objectif social de la fondation.
Georg von Schnurbein est professeur de gestion des fondations à l'université de Bâle. Interrogé par Blick, il déclare: «Une communication transparente est élémentaire pour les fondations sociales, surtout lorsqu'il s'agit de fondations proches des autorités.» Le fait que la fondation ne dispose même pas d'un site web est inhabituel, selon lui. «Une communication proactive devrait avoir lieu.» Le «Swiss Foundation Code» a précisément pour but de réglementer les pratiques.
Une question de transparence
Georg von Schnurbein critique également la vente du bâtiment mentionné: «La vente est problématique. Vendre un bien immobilier du patrimoine de la fondation sans contre-propositions est une négligence.» En effet, le conseil de fondation est tenu d'obtenir le meilleur prix possible lors de la vente du patrimoine de la fondation. «Sans appel d'offres public ou de contre-offres, on ne sait pas si le meilleur prix possible a effectivement été obtenu», fait-il remarquer.
Le président du conseil de fondation et secrétaire communal de Hausen, Christoph Rohner, ne souhaite pas faire de déclaration malgré plusieurs demandes de Blick. Le conseil communal ne donne pas plus de réponses. Le conseil de district, qui fait office d'organe de surveillance, se laisse citer comme suit: «Le conseil de district d'Affoltern ne voit pas la nécessité d'intervenir dans cette affaire sur le plan de la surveillance. Un problème de récusation n'est pas évident.»
Le professeur von Schnurbein ne voit pas cela du même œil. Il considère que la surveillance des fondations n'a pas sa place auprès des conseils de district: «Elle devrait en fait être réglée au niveau cantonal», estime-t-il. D'une part en raison de l'expertise juridique, d'autre part en raison de la proximité avec les réalités régionales.
Hans Binzegger souligne quant à lui: «Tout ce qui m'importe, c'est la transparence! Les habitants ont le droit de savoir ce qui se cache derrière cette vente.»