«Les Jeunesses Socialistes (JS) me forcent à partir». Et ce, avant que l'initiative sur l'impôt sur les successions ne soit votée. Cette déclaration de Peter Spuhler a déclenché une avalanche. Il a été suivi par d'autres entrepreneurs comme Hans-Peter Bertschi, Simon Michel, Magdalena Martullo-Blocher ou Thomas Straumann. Tous envisagent désormais de quitter le pays ou de vendre une partie de leur entreprise.
Ce qui rend l'initiative de la JS particulièrement explosive, c'est l'impôt pour les super-riches, laquelle prévoit de ponctionner 50% de l'héritage (à partir d'une fortune de 50 millions de francs), et de manière rétroactive.
Mais Peter Spuhler et les autres entrepreneurs doivent-ils pour autant émigrer avant la date de la votation, soit le 2026 au plus tôt, pour qu'on ne leur chipe pas leur héritage? Un coup d'œil sur les petits caractères de l'initiative des jeunes donne un premier élément de réponse.
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Voici ce que dit concrètement l'initiative
Il s'agit de ces deux passages clés de l'initiative.
Le premier indique que «la Confédération et les cantons édictent des dispositions d'exécution sur la prévention de l'évasion fiscale, notamment en ce qui concerne le départ de Suisse (...)». En clair: quelqu'un qui transfère son domicile fiscal dans un autre pays passe quand même à la caisse.
Un autre passage stipule que «jusqu'à leur entrée en vigueur, le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution par voie d'ordonnance dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation [de l'initiative] par le peuple et les cantons. Les dispositions d'exécution s'appliquent rétroactivement aux successions et donations versées après l'acceptation [de l'initiative]». Toutes les donations et successions effectuées après l'acceptation de l'initiative, mais avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, seront également imposées rétroactivement.
Les experts en droit fiscal ont passé l'initiative au peigne fin
Un spécialiste du droit public et un spécialiste du droit fiscal ont passé au crible le texte de l'initiative. Markus Schefer est professeur de droit public et constitutionnel à l'Université de Bâle. Pour lui, la formulation de l'initiative ne sous-entend aucune rétroactivité.
Certes, l'initiative entend «empêcher l'évasion fiscale, mais cela ne peut pas s'appliquer rétroactivement à l'héritage dans son ensemble tant que les dispositions d'exécution de l'initiative ne sont pas en vigueur» précise Markus Schefer. Le texte de l'initiative limite expressément la rétroactivité aux situations liées à des successions et des donations. Dans les autres cas, les mesures visant à empêcher l'évasion fiscale n'ont pas d'effet rétroactif.
Peter Spuhler et les autres entrepreneurs peuvent donc attendre sereinement la votation. Et même, en cas de oui, ils pourront toujours émigrer avant que la nouvelle loi n'entre en vigueur.
Luzius Cavelti, professeur de droit fiscal à l'université de Bâle, est un peu plus réservé. Selon lui, le texte de l'initiative n'est pas très clair et il subsiste un flou juridique. Il souligne: «Le Conseil fédéral dispose d'une marge de manœuvre dans l'élaboration des dispositions d'exécution. D'un point de vue juridique, je considère l'initiative de la JS comme anticonstitutionnelle. Elle sélectionne un petit groupe de personnes concernées qui sont les seules devant être taxées. Cela contredit le principe constitutionnel de l'universalité de l'imposition.»
Il est envisageable d'imposer les personnes riches plus que la moyenne via la progression, mais une imposition qui ne concerne qu'un petit groupe conduit en effet à une inégalité de traitement inadmissible du point de vue du droit fiscal.
Luzius Cavelti souligne toutefois qu'«en Suisse, il est d'usage de débattre de tels points litigieux sur le plan politique et de ne pas prendre de décision juridique». Le professeur renvoie au Tribunal fédéral qui a constaté à plusieurs reprises une violation des principes constitutionnels, sans toutefois intervenir directement dans les décisions prises au niveau politique.