«J'aurais dû dépenser la moitié de mon salaire pour le loyer afin d'habiter dans logement décent.» Sarah Kaufmann est zougoise jusqu'au bout des ongles. Mais il y a trois ans, elle a dû quitter son canton d'origine... à cause des logements trop coûteux. Sarah Kaufmann a tout de même réussi à trouver un logement moins cher proche de sa région natale depuis. Mais sa situation illustre ce qui nous concerne tous depuis longtemps.
Pour les ménages suisses, les loyers correspondent aux dépenses les plus importantes du budget. La fameuse règle générale veut que le logement ne dépasse pas 30% du salaire brut mensuellement.
Or, ce poste budgétaire a considérablement évolué au cours des dernières années. Rien qu'en 2023, les loyers proposés ont augmenté dans de nombreux cantons. Et les loyers existants ont également augmenté après les deux hausses du taux d'intérêt de référence l'année dernière. Dans quelle mesure la règle générale des 30% est-elle donc encore réaliste?
Pour les ménages à bas revenus, c'est peine perdue
L'association faîtière Budget-conseil Suisse s'en tient à cette règle. «Pour les revenus les plus bas, le loyer ne devrait pas représenter plus d'un tiers du revenu net, explique le directeur Philipp Frei. Dans l'idéal, nous recommandons même un quart du revenu net.» En chiffres, pour une famille avec deux enfants et un revenu inférieur à 5000 francs, le loyer ne devrait pas dépasser 1650 francs. Pour une personne seule avec un revenu inférieur à 4500 francs, pas plus de 1485 francs.
Cela assurerait ainsi la sécurité financière du ménage. Les pourcentages ne sont toutefois que des valeurs indicatives. «Il faut toujours considérer le cas particulier», poursuit Philipp Frei. Le budget doit toujours être équilibré en fonction de la situation personnelle.
Le service de conseil en matière de budget sent que l'augmentation des coûts des loyers devient de plus en plus une charge. Les ménages à bas revenus, en particulier, n'ont guère d'options. Une évaluation de la Haute école de Lucerne montre que les 20% des ménages aux revenus les plus faibles dépensent en moyenne la moitié de leur revenu disponible pour le loyer. Les revenus les plus élevés n'ont besoin pour cela que de 17,2% pour le loyer brut. Ces chiffres datent de 2021, la situation s'est donc encore aggravée depuis.
Caritas demande un taux plus bas
Pour Caritas, il est donc clair que «le quota selon lequel le loyer ne doit pas représenter plus d'un tiers du revenu du ménage est en fait déjà trop élevé pour les personnes à faible revenu». Comme elles ont de toute façon déjà moins d'argent à disposition pour le reste de leur vie, la part devrait même être inférieure à un tiers. Un vœu pieux pour de nombreux locataires.
«Les locataires à bas revenus doivent par conséquent économiser l'augmentation des coûts du logement dans d'autres domaines de la vie comme l'alimentation, la santé ou les loisirs», explique Daria Jenni, porte-parole de Caritas. La qualité de vie diminue donc. En Suisse, on cherche depuis longtemps des solutions pour augmenter le nombre de logements abordables, mais les mesures prises n'ont pas encore porté leurs fruits.
Si ces évolutions se poursuivent, des phénomènes tels que ceux observés chez nos voisins européens pourraient bientôt devenir réalité dans notre pays. Ainsi, selon Budget Conseil Suisse, les jeunes pourraient quitter le domicile familial beaucoup plus tard ou davantage d'adultes pourraient s'installer en colocation. Ce sont des alternatives auxquelles certains Suisses devront bientôt réfléchir.