Une réfugiée ukrainienne témoigne
«Je n'ai pas de famille, pas d'aide avec les enfants»

Anna Pantia a fui l'Ukraine en mai 2022 avec ses trois enfants. Elle confie la façon dont se déroule son quotidien en Suisse, quels défis lui barrent la route et quels sont ses espoirs quant à l'avenir.
Publié: 09.03.2025 à 21:07 heures
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La famille Pantia (de gauche à droite): Mariia, Anna, Illiah et Sofiia.
Photo: Philippe Rossier
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Nastasja Hofmann et Philippe Rossier

Anna Pantia, âgée de 48 ans, vit avec ses trois enfants dans un immeuble à Bremgarten (AG). Ils y ont emménagé il y a un peu plus de deux ans. «Cet appartement était une énorme chance pour nous», confie-t-elle. Avant cela, la famille vivait dans une commune voisine, avec quelques autres familles. «Mes enfants et moi voulions apprendre l'allemand, rencontrer des gens, je voulais chercher un emploi», explique la mère de famille. Leur précédente situation de logement a été très difficile. 

La famille Pantia n'est qu'un exemple de plus parmi de nombreuses autres familles qui ont dû fuir la guerre en Ukraine pour venir en Suisse. Même si leur histoire n'est pas représentative de tous les réfugiés d'Ukraine, ils sont nombreux à partager ce destin.

«
La situation n'était tout simplement plus supportable
»

Tout en préparant une tisane ukrainienne, Anna nous raconte sa fuite en mai 2022. Chaque nuit, l'alarme se déclenchait et sa famille et elle devaient se cacher pendant des heures dans des bunkers. Le jour, elle recevait de plus en plus de messages de l'école, lui indiquant que les enfants devaient être récupérés à cause de l'alarme. «La situation n'était simplement plus supportable. J'ai dû décider ce qui était le mieux pour mes enfants, alors nous sommes partis.» Le père des enfants n'a pas pu les accompagner et vit toujours à Kiev, sa sœur et ses voisins sont également encore en Ukraine, poursuit-elle. «Pour moi, c'est le principal problème que je rencontre ici. Je n'ai pas de famille, pas d'aide avec les enfants.»

Entre langue étrangère, recherche d'emploi et besoins spéciaux

Notre entrevue se déroule dans le salon des Pantia. Juste à côté, sont assises ses deux filles, les jumelles Mariia et Sofiia, âgées de 15 ans, qui viennent de rentrer de l'école et font leurs devoirs. Son fils Illiah, de 10 ans, vient lui aussi régulièrement en courant dans le salon, curieux de ce qu'il s'y passe. Anna est très concentrée sur ses enfants, et ses filles ont particulièrement besoin d'attention. «Mes filles ont besoin de beaucoup de soutien», dit Anna. Elles sont nées prématurément et ont besoin de soins particuliers. «Heureusement, elles peuvent fréquenter une école en Argovie, à Lenzbourg, qui peut répondre à leurs besoins.»

C'est aussi pour cette raison qu'il est particulièrement difficile pour Anna de concilier sa vie ici en Suisse, car elle sait qu'elle doit trouver un travail stable le plus rapidement possible afin de pouvoir offrir davantage à ses enfants, et pour cela, elle travaille dur sur ses compétences en allemand. Ce qu'elle aimerait surtout, c'est travailler en Suisse comme elle le faisait auparavant en Ukraine, dans la gestion logistique ou en tant que numérologue. En même temps, l'Ukrainienne souhaite également soutenir ses filles du mieux possible et être présente pour son fils dans son parcours scolaire.

S'installer malgré les obstacles

Le chat de la maison miaule bruyamment, interrompant brièvement la conversation. Anna rit, puis elle redevient sérieuse. «Nous devons essayer de vivre ici du mieux possible, il n'y a pas d'autres options. L'essentiel, c'est que j'obtienne une bonne proposition de travail et que je fasse ce qui est le mieux pour les enfants.» Pour ce faire, Anna a notamment créé un groupe avec d'autres Ukrainiennes, qui se retrouvent régulièrement dans les locaux de l'église. Le printemps dernier, elle a organisé un atelier pour toute la communauté, afin de peindre des œufs de Pâques. L'intégration n'est pas ce qui pose problème à Anna.

Son fils Illiah, qui fréquente l'école à Bremgarten, trouve également facile de se faire des amis. Ce qui l'inquiète le plus, ce sont Mariia et Sofiia. «Dans leur école, le problème, c'est que beaucoup d'enfants ont des difficultés de communication, certains sont autistes. Hormis ça, le problème majeur est souvent qu'ils ne maîtrisent pas encore bien la langue.»

Anna est déterminée. Elle explique qu'elle est naturellement très sociable et serviable, elle aime aller à la rencontre des autres et a une personnalité très ouverte, c'est pourquoi elle est convaincue de pouvoir réaliser ses projets en Suisse. Sur le plan émotionnel, en revanche, c'est souvent plus difficile. Chaque jour apporte son lot de défis. Autre personnage clé dans le quotidien dAnna. 

Ne pas se faire d'illusions

Cependant, l'avenir réserve beaucoup d'incertitudes à Anna qui n'exclut pas totalement un retour en Ukraine, même s'il est difficile de se positionner pour l'instant. D'ailleurs, en Ukraine, notre interlocutrice n'a plus rien: ni maison, ni travail, ni sécurité. Pour ne pas perdre complètement le contact avec le reste de sa famille, elle essaie de voyager en Ukraine une fois par année, un voyage épuisant et très coûteux, mais elle y tient pour ses enfants. 

Pour les deux prochaines années en tout cas, Anna souhaite rester en Suisse. Elle veut évaluer les possibilités pour elle et sa famille et en tirer le meilleur parti. Elle reste pragmatique: «Je dois rester réaliste et ne pas me perdre dans des illusions.» Selon elle, tout prend du temps et doit se faire étape par étape, jusqu'à ce qu'enfin, la guerre s'arrête.

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