Les espions sont partout. Mardi, Jian G.*, un homme d'origine chinoise, a été arrêté en Allemagne. Motif? Il est soupçonné d'avoir espionné le Parlement européen pour le compte de la Chine en usant de son rôle de collaborateur de longue date de Maximilian Krah, député du parti allemand d'extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD). Le même jour, deux hommes ont également été inculpés en Grande-Bretagne pour avoir fourni «des articles, des notes, des documents ou des informations» à Pékin.
Quelques jours plus tôt, la police bavaroise avait arrêté deux personnes accusées d'espionnage pour la Russie et d'avoir planifié des attaques contre des installations militaires. La Suisse a également eu son cas d'espionnage: un Chinois avait apparemment acheté l'hôtel Rössli à Meiringen (BE) afin d'observer l'aérodrome militaire voisin, depuis lequel les nouveaux F-35 décolleront et atterriront à partir de 2027. Mais quel est le danger de tels agents?
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) a placé les espions chinois et russes tout en haut de son radar. «La Chine dispose en Suisse de dizaines d'agents de renseignement déguisés en collaborateurs d'ambassades ou de consulats», déclare à Blick le porte-parole du SRC Nicolas Kessler.
Selon lui, il est très probable que les employés des services de renseignement chinois feignent d'exercer des fonctions non-diplomatiques dans une plus large mesure que les services russes. «Leur personnel se camoufle surtout en tant que scientifiques, journalistes ou hommes d'affaires», explique Nicolas Kessler.
Une université ferme ses portes aux Chinois
Pour prévenir de telles pratiques, l'université bavaroise d'Erlangen-Nuremberg, par exemple, a exclu les étudiants chinois bénéficiant d'une bourse d'État. Ces bourses sont basées sur des contrats selon lesquels les doctorants doivent garantir leur loyauté envers l'État, suivre les instructions de l'ambassade et donner des informations sur les personnes.
Selon le SRC, une menace encore plus grande provient actuellement des services de renseignement russes. La Suisse est même considérée comme un terrain de jeu pour les espions russes – ceci parce que la Suisse compte en son sein de nombreux sièges d'organisations internationales. Selon le SRC, 220 Russes travaillent toujours dans les représentations diplomatiques et consulaires à Berne et à Genève, dont au moins un tiers sous «couverture diplomatique» pour les services de renseignement russes.
Sur l'espionnage russe et chinois en Europe
Des espions arrivent en tant que réfugiés
L'ampleur et l'intensité de l'espionnage ont augmenté au cours de la dernière décennie, estime Adrian Hänni, historien et expert en services secrets à l'Austrian Center for Intelligence, Propaganda and Security Studies de Graz, en Autriche. «L'espionnage se situe aujourd'hui au moins au même niveau qu'à l'époque de la guerre froide», assure-t-il.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les services de renseignement européens constatent que le Kremlin fait passer des espions pour des réfugiés et forme de vrais réfugiés pour devenir des espions. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Finlande a complètement fermé sa frontière avec la Russie.
Une inventivité croissante des services secrets
En raison des sanctions, il devient de plus en plus difficile pour la Russie d'espionner les Européens. Le SRC s'attend donc à ce que les services russes soient contraints de déguiser leurs officiers en ressortissants non russes, de recruter des agents non russes et de collaborer avec les services de renseignement d'Etats proches du Kremlin.
Certes, l'espionnage classique avec des agents humains reste central, explique Adrian Hänni. Mais les techniques modernes comme les satellites et l'intelligence artificielle sont de plus en plus utilisées. «L'accès secret à des infrastructures numériques comme la 5G, la fibre optique, l'Internet des objets ou des plateformes comme TikTok va devenir encore plus important dans les années à venir», précise l'expert.
L'ambassade de Chine à Berne nie
Que répond l'ambassade de Chine à Berne à ces accusations? «Complètement hors-sol», déclare le service de presse à la demande de Blick. Ces spéculations seraient propagées avec malveillance dans le seul but de diffamer la Chine et de saboter la coopération entre Pékin et l'Europe. «Nous tenons à souligner que la Chine continue d'appliquer les principes de respect mutuel et de non-ingérence.»
Mareike Ohlberg, qui effectue des recherches sur l'influence de la Chine sur les démocraties au sein de la fondation américaine German Marchall Fund à Berlin, a déclaré au micro de l'émission allemande tagesschau.de: «La Chine nie toujours tout en principe lors de telles accusations. Nous savons que la Chine espionne et qu'elle le fait de manière relativement systématique.» La chercheuse part donc du principe que les cas connus ne sont que la pointe de l'iceberg et qu'il existe de nombreux cas qui n'ont pas encore été découverts ou dévoilés.
*Nom connu