Dans les grandes entreprises du secteur financier ou pharmaceutique, les promotions constituent pour beaucoup le point culminant de l'année de travail. Dans beaucoup de boîte, la page avec les nominations des nouveaux directeurs ou vice-présidents est même la plus visitée sur l'intranet.
Bien souvent, un poste décroché à l'échelon supérieur est célébré par un apéro digne des plus grands accomplissements. Mais pendant que certains soignent leur égo et trinquent à un salaire plus élevé, d'autres se terrent dans la frustration. Tel est le lot de nombreuses réalités au travail avec parfois une baisse de la qualité du travail des personnes qui n'accrochent pas le wagon de tête.
Chez Axa Suisse, on souhaite mettre un terme à cette façon de faire. Le groupe d'assurance a supprimé tous les titres de son organigramme et de ses cartes de visite pour le début de cette nouvelle année. Désormais, il n'y aura plus de directrices, de vice-présidentes ou encore de vice-présidentes adjointes.
Un changement culturel
Une démarche cohérente au sein du groupe: «Nous avions déjà commencé à supprimer les privilèges pour les cadres, explique à Blick Daniela Fischer, 47 ans, responsable du personnel chez Axa. Personnellement, je n'ai de toute façon jamais été fan des titres ou des symboles de statut.» Pour elle, ceux-ci permettent de soutenir des structures dépassées, marquées par la hiérarchie, et «ne correspondent plus à la culture à laquelle nous aspirons chez Axa».
L'objectif de l'assureur est une organisation du travail dans laquelle les collaborateurs se rencontrent «d'égal à égal», et dans laquelle ils peuvent également s'investir de manière profitable pour l'entreprise, quelle que soit leur position.
«L'abolition des titres s'inscrit parfaitement dans un monde du travail en rapide évolution. Cela ouvre de toutes nouvelles possibilités d'organisation», affirme Daniela Fischer. Ainsi, les responsabilités sont réparties sur davantage d'épaules. Certes, Axa n'est pas allée jusqu'à s'organiser de manière purement démocratique, mais les différentes équipes et les employés ont un pouvoir de décision nettement plus important qu'auparavant.
Une démarche cohérente
Pour ce faire, le groupe d'assurance a redéfini 13 niveaux de responsabilité et 450 profils de poste. Ceux-ci définissent les principales tâches, les exigences et le domaine de responsabilité. Un processus fluide, car ces profils ont fait l'objet de critiques internes. «Nous devons encore améliorer la description, reconnaît Daniela Fischer. Les profils de poste contiennent parfois encore trop d'éléments de l'ancien monde.»
Heike Bruch, professeure de leadership à l'université de Saint-Gall, s'intéresse aux nouvelles formes de travail et à l'attractivité des employeurs. Elle tire quelques avantages de l'évolution chez Axa: «La suppression des titres et des symboles de statut est une étape très cohérente si une entreprise veut travailler de manière moins hiérarchique et donc plus moderne.»
Le spécialiste pense que ce système est moins excluant et exclusif, mais plutôt intégrateur. «Axa est ainsi certainement une pionnière dans le secteur financier», ajoute-t-elle. C'est justement en période de pénurie de personnel qualifié qu'Axa se rend ainsi plus attractive sur le marché du travail. «Cela attire des gens qui veulent travailler de manière différente.»
Populaire auprès des jeunes
Et ces derniers sont souvent les jeunes. Ceux-ci doivent normalement attendre très longtemps une promotion dans les entreprises gérées de manière hiérarchique. Le potentiel de frustration est donc élevé. «Avec les 13 niveaux de responsabilité que nous avons mis en place, les étapes de développement sur l'échelle de carrière sont plus accessibles, explique la directrice des ressources humaines d'Axa. La hiérarchie des responsabilités répond parfaitement à l'envie de la jeune génération de vouloir faire bouger les choses le plus rapidement possible dans l'entreprise.»
Heike Bruch met toutefois aussi en garde contre un risque non négligeable: celui de voir les travailleurs expérimentés faire faux bond: «Pour certains, il est encore très important d'avoir un titre. Comme motivation, mais aussi comme preuve que l'on a accompli quelque chose.»
De plus, la suppression des titres n'a d'effet que si elle est authentique et que la culture favorise réellement la coopération et une direction moins hiérarchique. «Si les changements se limitent à la surface, ils sont démotivants pour toutes les personnes concernées», prévient l'experte.
Les collaborateurs restent à bord
Axa était consciente de ce danger et a préparé ses collaborateurs pendant des mois au changement de culture. Avec succès: «Sur les 4200 employés, seuls quatre n'ont pas encore signé leur nouveau contrat de travail», déclare non sans fierté Daniela Fischer.
Avec la suppression des titres, Axa a également introduit un nouveau système salarial qui promet plus de transparence, surtout en ce qui concerne les bonus. Désormais, le montant de ceux-ci est aussi fixé dans le contrat de travail. La part variable est identique pour tous les collaborateurs du même niveau.
Si l'entreprise se porte bien, c'est la direction et le Conseil d'administration – et non le supérieur hiérarchique direct – qui décident de la part du bonus déjà fixé qui sera effectivement versée. «Cela crée plus de transparence et est moins arbitraire que l'ancien système», se réjouit Daniela Fischer.