«Une gifle pour les personnes précaires»
Caritas critique l'immobilisme du Conseil fédéral face à la hausse des prix

L'augmentation du coût de la vie pèse sur les ménages précaires... Mais le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité d'agir. Pour le directeur de Caritas, Peter Lack, cet immobilisme est inacceptable. Il propose trois solutions concrètes pour sortir de cette situation.
Publié: 22.11.2022 à 06:02 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2022 à 16:24 heures
Pour le directeur de Caritas, Peter Lack, la pauvreté augmente lorsque les frais annexes et les primes augmentent.
Photo: Keystone
Rudolf Studer Monachino

Malgré la hausse des prix de l’énergie, celle des primes d’assurance maladie et l’inflation, le Conseil fédéral ne semble pas avoir cédé à la panique. Le gouvernement estime même qu’il n’y a pas lieu d’agir et a balayé des propositions d’allocation énergétique ou de réduction supplémentaire des primes pour les ménages à faibles revenus. Mot d’ordre: «observer» l’évolution future de la situation.

Pour le directeur de Caritas, Peter Lack, cette décision ne passe pas. «C’est une gifle pour la population de ce pays, touchée par la pauvreté ou menacée de l’être», s’insurge l’homme de 53 ans en évoquant les 1,3 million de personnes concernées. «Le Conseil fédéral fait trop peu pour que celles-ci puissent mener une vie digne», dénonce encore le résident bâlois.

Une crainte de voir la pauvreté augmenter

Pour Peter Lack, la posture du Conseil fédéral est d’autant plus incompréhensible que la Confédération et les cantons avaient déployé des mesures de soutien financier aux entreprises et aux particuliers pendant la pandémie de Covid-19. Actuellement, les centres et les épiceries Caritas sont confrontés à une affluence nettement plus importante, souligne le directeur, jusqu’à «40% de plus».

Et encore, la situation n’aurait pas atteint son seuil critique. «En 2023, lorsque les décomptes de charges et les primes plus élevées arriveront, ça va vraiment couler, prédit Peter Lack. La situation va alors encore s’aggraver.» Son œuvre d’entraide craint «que de nombreuses personnes tombent en plus dans la pauvreté ou s’endettent».

La fréquentation des épiceries Caritas ne cesse d'augmenter.
Photo: Keystone

Une proposition de plan d’action

Il est d’autant plus important d’agir maintenant. «Des instruments efficaces sont sur la table, il suffit de les utiliser», appelle le directeur de Caritas. Il a concocté à ce sujet un plan en trois points.

1. Réduire plus fortement les primes

Pour Peter Lack, la réduction individuelle des primes fait partie des instruments les plus efficaces s’il est appliqué à un groupe de personnes bien défini. «Il faut une augmentation de 30% de la part de la Confédération, et les cantons doivent également suivre, détaille le cinquantenaire. Cela aide énormément, car les coûts de l’assurance maladie sont une charge énorme.»

La mesure coûterait environ un milliard de francs. Le Conseil national a donné son feu vert à cette mesure. Le Conseil des États se prononcera à ce sujet lors de la session d’hiver.

2. Compenser entièrement le renchérissement

Le Conseil fédéral veut augmenter les rentes AVS et AI ainsi que les prestations complémentaires de 2,5%. Une hausse insuffisante pour Peter Lack: «Il faut une compensation complète du renchérissement pour toutes les assurances sociales», appelle le directeur de Caritas.

Il faudrait aussi prendre en compte la hausse des primes d’assurance maladie, qui manque dans le calcul du renchérissement. «En réalité, il faut une augmentation d’au moins 30%, calcule encore Peter Lack. La Confédération doit réajuster en conséquence.»

3. Attribuer des aides directes

Enfin, Caritas demande aussi des aides financières directes pour les cas de rigueur. «Il y a des gens qui passent à travers le filet social quand ils n’ont plus d’argent», explique Peter Lack. Il s’agit le plus souvent de dépenses imprévues. Une facture du dentiste, un nouveau matelas ou même de nouveaux vêtements, par exemple. «Cela concerne souvent des familles et des personnes seules au budget serré, qui doivent être aidées rapidement et sans complications.» Les cantons et les communes devraient mettre à disposition des fonds supplémentaires à cet effet.

Beaucoup de familles sacrifient leur budget consacré à la nourriture avec l'augmentation des prix.
Photo: Keystone

L’association reste sans voix

Peter Lack met en garde contre des coûts de suivi bien plus élevés si rien n’est fait. Car si l’argent ne suffit plus, les gens doivent économiser ailleurs. «Pour les personnes touchées par la pauvreté, cela signifie souvent qu’il faut économiser sur la nourriture – c’est-à-dire sur une alimentation saine.»

La situation se répercute particulièrement sur les enfants et les adolescents lorsque l’argent manque pour les envoyer en camp de vacances ou s’adonner à des activités sportives. «Cela signifie aussi une exclusion des activités sociales», abonde le directeur de Caritas.

Pour l’institution solidaire, on risque d’entrer dans un cercle vicieux dont beaucoup auront de la peine à sortir. «Nous devons empêcher cela, martèle Peter Lack. Le fait que le Conseil fédéral balaie d’un revers de main toutes les mesures est irresponsable et nous laisse pantois. Nous devons nous y opposer.»

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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