Quand la stagnation et l’inflation décident de s’associer, cela donne la «stagflation»: une phase de croissance faible et d’inflation élevée. D’un côté, les prix montent, et de l’autre, les revenus n’augmentent pas pour compenser le renchérissement. C’est le pire des scénarios, car en général, l’inflation s’accompagne de croissance et le ralentissement économique vient avec des prix bas, mais pas dans ce cas.
Cette année, nous avons vécu cette combinaison malencontreuse qui pourrait se prolonger jusqu’en 2023. S’ajoutant aux dégâts causés par la pandémie de Covid-19 en 2020 et 2021, l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 est venue accentuer le ralentissement de l’économie mondiale et la flambée des prix. Une situation qui affecte consommateurs, salariés, jeunes couples, épargnants et retraités.
L’inflation est à 3% en Suisse en octobre, mais c’est sans compter les primes d’assurance maladie, dont la forte hausse de 6,6% entame la confiance financière de deux tiers des Suisses. D’après comparis.ch, 40% auront de la peine à s’en acquitter. Avant cette hausse déjà, une étude de l’OFSP avait montré que les primes maladie amputent jusqu’à 27% du revenu des ménages. En Suisse, les prix de l’alimentation, du gaz, du mazout, de l’habillement et des communications mobiles ont aussi augmenté jusqu’en octobre, même si on note une détente des prix de l’essence.
La croissance, elle, ralentit depuis début octobre. Elle sera de 2% cette année et de 1,1% l’an prochain. Les entreprises sont à la peine: seules celles actives dans l’énergie réalisent des bénéfices records. Pour les autres, l’envolée des coûts de production pèse sur les résultats. La Suisse dépend beaucoup de la croissance mondiale, qui pourrait rester faible jusqu’en 2024, la guerre en Ukraine perturbant fortement l’activité, l’investissement et le commerce à court terme.
Les ménages dépenseront moins en loisirs
Les conséquences se feront sentir sur les ménages suisses. Plombés par la hausse des prix de l’alimentation et du logement (qui incluent les dépenses d’énergie), ils limiteront le reste de leurs dépenses à ce qui est nécessaire, à savoir la santé et les transports, mais réduiront les autres dépenses telles que les loisirs et la culture, ce qui pèsera à son tour sur la croissance.
La hausse des loyers affectera les autres dépenses
La hausse des loyers, observée déjà ce mois d’octobre, pèsera également sur le budget des ménages et se fera aux dépens d’autres dépenses de consommation. Mais d’où vient cette hausse? De la stagnation, qui ralentit les constructions. D’où une pénurie de logements rapide et à large échelle, pronostiquée par la dernière étude de la banque Raiffeisen. La pénurie, combinée à l’inflation et à la hausse des taux hypothécaires, pourrait faire augmenter les loyers de 3% en moyenne en 2023, et jusqu’à 10% dans certains cas.
La cherté de l’immobilier décourage les jeunes couples
Le boom temporaire des achats immobiliers connu durant la pandémie pourrait accuser le coup, en raison de la hausse des taux hypothécaires, de l’érosion de l’épargne et de la chute des portefeuilles boursiers. Déjà avant la pandémie, les acheteurs de moins de 30 ans, en raison d’exigences financières toujours plus élevées, se faisaient de plus en plus rares.
En octobre dernier, le prix des maisons individuelles a légèrement reculé, signe d’une demande qui commence à baisser. Sur le marché des appartements, les prix grimpent encore: les personnes ayant acquis un appartement en copropriété en octobre ont dû débourser davantage (+ 0,7%). Mais là aussi, les acheteurs vont se raréfier.
Au moins un retraité sur huit dans la paupérisation
Enfin, un phénomène va être accentué par la stagflation: les personnes âgées touchées par la pauvreté sont de plus en plus nombreuses (on en comptait déjà 1 sur 8 avant la flambée des prix), car leurs rentes ne suffisent pas à couvrir le coût de la vie. Les aînés, qui représentent un cinquième de la population, pourraient constituer une locomotive de l’économie. C’est de moins en moins le cas, du moins pour un huitième d’entre eux, voire plus. Essence, produits alimentaires, prix de l’énergie et charges liées au logement vont accaparer leur revenu disponible.
En conclusion, la stagflation rétrécit l’économie, car elle réduit les ressources, tant du côté des coûts que de celui des revenus. L’espoir vient du côté d’une détente prochaine de l’inflation.