Il y a des articles que l'on préférerait ne pas devoir écrire. Celui-là en fait partie. L'histoire tragique de la maman de Nadia, Genevoise de 24 ans, serre le cœur.
La jeune femme, elle, n'a même pas encore eu le temps de pleurer sa mère, tellement l'imbroglio administratif qui lui est tombé dessus est ardu à démêler. Après l'assassinat de sa maman au Salvador, le 19 mai, un funérarium lui réclame près de 15'000 francs pour pouvoir l'enterrer.
Un rêve construit à Meyrin
Posons le contexte. Nadia est née à Genève. Sa maman, Maria, d'origine péruvienne et espagnole, arrive en Suisse en 1998. Jusqu'au mariage de Nadia, en juin 2023, mère et fille partagent un appartement dans la commune genevoise de Meyrin. Puis, en décembre dernier, Maria décide de partir réaliser un rêve partagé avec son conjoint: ouvrir un gite au Salvador.
Pourquoi ce petit pays d'Amérique centrale? Son compagnon en est originaire. «À la base, nous habitions tous Meyrin, raconte Nadia. Je croisais souvent son fils, mais nous ne nous disions même pas bonjour.»
Tuée par son beau-fils
En mai dernier, ce fils, sans emploi et qui avait rejoint le couple au Salvador, aurait égorgé son père et sa belle-mère. Cet accès de rage, Nadia ne peut pas l'expliquer. «Apparemment, il a dit qu'il appartenait à la communauté LGBT, et que son père et ma mère ne l'acceptait pas», rapporte la Genevoise.
Du grand n'importe quoi, selon elle. «Ma mère n'a jamais eu de problème avec aucune communauté. Elle vivait sa vie sans juger. Moi-même, je me suis convertie à l'islam et ça ne lui a jamais posé de soucis.»
Un Suisse arrêté sur place
La police salvadorienne a arrêté l'homme de 29 ans, Suisse et Salvadorien, le 23 mai. Une première audience a eu lieu le 7 juin. Nadia a voulu se porter partie civile, mais n'a jamais eu de réponse.
De son côté, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) confirme l'arrestation d'un Suisse au Salvador. «L’Ambassade de Suisse à San José est en contact avec les autorités locales compétentes et assiste ce citoyen dans le cadre de la protection consulaire», précise Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole. Mais pour des raisons de protection des personnes, nous ne saurons rien de plus.
Nadia a failli ne rien savoir
Nadia elle-même aurait pu ne jamais rien savoir de l'assassinat de sa mère. La police du Salvador ne l'a pas contactée. «Le 23 mai, il était 2h du matin, se remémore la jeune femme, vaillante au bout du fil. Une proche du conjoint de ma mère, sur place, a trouvé une cousine de ma mère qui a prévenu mon oncle, qui lui a donné mon contact.»
C'est uniquement via les proches que Nadia en a appris plus. L'assassin aurait égorgé sa mère. Il serait resté quatre jours dans la maison du couple avant d'appeler un ami pour cacher les corps. C'est cet ami qui l'aurait dénoncé aux forces de l'ordre.
Trop cher pour se rendre sur place
Depuis cet appel qui a bouleversé sa vie, la Genevoise de 24 ans entreprend toutes les démarches possibles. Les informations lui parviennent au compte-goutte. Les consulats péruviens et espagnols, des origines de la défunte, conseillent d'abord à Nadia de se rendre sur place. Cela aiderait, lui disent-ils.
«Mais je suis intérimaire et c'est trop cher», se désole la fille de la victime. Elle s'y rendra de toute façon plus tard, pour rendre hommage à sa mère et visiter ce lieu où elle a perdu la vie.
Impossible de transporter le corps
Outre les multiples démarches administratives, vrai chemin de croix, un autre coup de massue frappe Nadia. Elle ne parvient pas à rapatrier le corps de sa mère. Elle se sent au pied du mur.
«La police a procédé à une autopsie, et le corps de ma mère a quitté l'institut de médecine légale après un mois», explique la jeune femme. Il attend, depuis, dans un funérarium de La Libertad, un département salvadorien.
Le même qui lui réclame désormais près de 15'000 francs pour enterrer Maria. Blick a pu consulter le certificat de décès de Maria, ainsi que la facture du centre funéraire: 15'914.54 dollars américains.
Aucune aide disponible
Pourquoi enterrer sa mère là-bas? Nadia a été confrontée à des détails dont elle se serait bien passée. «L'état de décomposition est trop avancé, rapporte-t-elle. Le ministère de la Santé, au Salvador, ne donne pas son aval pour transporter le corps.» Le funérarium propose alors à la jeune femme, comme étrange «consolation», une vidéo du corps de Maria. Elle refuse.
Par conviction, sa maman ne sera pas incinérée. Seule solution possible: enterrer le corps sur place. Chaque jour passé au centre funéraire coûte 100 francs à la jeune Genevoise, qui a cherché de l'aide partout. Les consulats, le centre d'aide aux victimes Lavi... Il n'y a pas de fonds pour aider à enterrer une ressortissante étrangère, partie de Suisse et décédée dans un pays d'accueil.
Agir d'abord, faire son deuil ensuite
À notre petite échelle, nous entrapercevons en faisant des recherches à quel point il est compliqué de voir clair dans cette affaire. La police et le ministère public genevois n'en ont pas eu vent, bien que Maria, au bénéfice d'un permis C, a passé près de 20 ans à Genève. Au Salvador, ni la police ni le funérarium n'ont donné suite à nos questions. Le DFAE est presque muet.
Poussée par ses copines et sa belle-famille, Nadia a créé une cagnotte en ligne. «Je n'avais pas du tout envie d'en parler, souffle-t-elle. Mais je trouve désolant que ma mère ait payé ses impôts, ses factures, fait tout comme il fallait toute sa vie, pour qu'aucun pays ne nous aide. Le Pérou, l'Espagne, la Suisse, le Salvador... rien!»
La jeune femme tient le coup du mieux possible. «Je suis en dépression, confie-t-elle. Mais on me demande tellement de choses. Je suis obligée d'agir. On verra bien ensuite.»