Au cours de sa vie professionnelle, le policier André L.* a vécu de nombreux braquages et interventions sensibles. Mais le Bernois a visiblement du mal à garder ces histoires pour lui. Fin 2018, il a publié un livre sur son travail de patrouille. Le livre, qui est longtemps passé inaperçu, ne donne pas une bonne image de la police cantonale bernoise.
Dès la préface, le Bernois philosophe par exemple sur le n-word, qu'il utilise manifestement sans gêne. «Personnellement, je trouve le mot nègre assez joli et je ne l'associe pas à des pensées négatives, peut-être parce que j'ai grandi à une autre époque», se défend-il. Il est «du genre droit dans ses bottes, qui aime s'exprimer comme il le pense (...), en choisissant les mots qui conviennent à la situation et qui correspondent à mon tempérament».
«Jusqu'à ce que sa main glisse»
Dans un chapitre sur le racisme, l'auteur écrit: «Les policiers ne sont pas racistes. Souvent juste des chiens échaudés.» Il donne plusieurs autres détails dérangeants. Par exemple, ses collègues ont parfois eu recours à l'auto-justice lorsqu'un dealer noir les regarde mal: «Tu es idiot, qu'est-ce que tu veux?»
Cela aurait poussé un policier à bout, «jusqu'à ce que sa main glisse». Ce sentiment a été favorisé par une «justice douce» qui a traité les dealers de drogue avec trop de clémence, se justifie-t-il. L'auteur reconnaît tout de même que l'autodéfense n'est «pas une solution pour mener à terme une affaire».
«Une déclaration contraire à nos valeurs»
Pendant des années, le livre est resté sous le radar. Ce n'est qu'après avoir été contactée par Blick que la police cantonale a pris conscience des déclarations problématiques de l'ouvrage. Et celle-ci est désormais mécontente de l'image qu'il donne de la police cantonale bernoise.
Lorsque Blick s'est adressé à la police concernant le chapitre sur le racisme, sa réaction est sans appel: «Les déclarations faites par l'auteur dans le livre mentionné ne reflètent en aucun cas les valeurs de la police cantonale bernoise, c'est pourquoi nous nous en distançons très clairement.»
A l'époque, André avait informé la direction de la police cantonale de son projet littéraire. A la tête de la police cantonale se trouvait le commandant Stefan Blättler, aujourd'hui procureur général de la Confédération. «Mais la direction de la police cantonale bernoise n'a pas donné son feu vert à l'ensemble du livre», explique-t-on à la police cantonale.
L'auteur est toujours en service à la police cantonale bernoise. Mais elle veut se pencher de plus près sur ce cas. «Comme ces déclarations sont clairement contraires à nos valeurs, nous allons bien entendu chercher à discuter avec le collaborateur concerné.» Nous ne nous prononcerons pas plus avant, car il s'agit d'une affaire de droit du personnel, conclut la police cantonale.
L'auteur s'est défendu auprès de Blick: «Je ne suis pas raciste!» Il aime tout le monde et est très ouvert d'esprit. Il insiste sur le fait que son texte date de quelques années, mais il ne peut et ne veut pas se distancer de son œuvre. Il souligne toutefois qu'il n'est plus du tout toléré de nos jours qu'un policier frappe un suspect. «Si quelqu'un le fait aujourd'hui, il est immédiatement renvoyé.» – affirmation qui reste à confirmer.
Issu de structures racistes
A la Commission fédérale contre le racisme, il est certain que le n-word n'a plus sa place dans la bouche d'un policier. Ainsi, l'auteur ne peut pas définir ce qui est considéré comme raciste ou non. «Pour le n-word, le fait qu'un individu trouve ce mot inoffensif et joli n'a aucune importance», déclare Ursula Schneider Schüttel, présidente de la Commission fédérale contre le racisme.
Selon elle, le mot était utilisé dans des contextes coloniaux pour présenter les personnes noires comme inférieures. «Aux 19e et 20e siècles, le terme a été utilisé dans des théories raciales pseudo-scientifiques pour souligner l'infériorité supposée des Noirs et justifier leur discrimination», a déclaré Ursula Schneider Schüttel.
«La connotation du n-word est indissociable des idées et des structures racistes.» Selon la présidente, ceux qui utilisent ce mot ignorent délibérément la signification historique et émotionnelle qu'il a pour beaucoup.
*Nom modifié