Vendredi 20 décembre. La session parlementaire d’hiver vient de s’achever. Sophie Michaud Gigon, conseillère nationale écologiste et secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC), répond à nos questions dans le train du retour.
La Vaudoise vient de s’offrir un joli cadeau de Noël avec le dépôt d’une motion avec laquelle elle est parvenue à fédérer une alliance politique de tous bords. Le but? Mettre les plateformes de vente en ligne comme Temu et Shein au pas. L'alliance exige que les plateformes étrangères ne puissent vendre en Suisse que des articles qui respectent la réglementation locale en matière de sécurité des produits.
Une offensive lancée en juin déjà et une pression qui commence à porter ses fruits. Interview.
Sophie Michaud Gigon, que retenez-vous de cette dernière session parlementaire de l’année?
Qu’on n’avance pas assez sur la question des plateformes de vente en ligne. Même si on a terminé en beauté avec la pression que nous exerçons sur ces géantes depuis le mois de juin. Durant cette session, nous avons mené une action conjointe avec la FRC et Swiss Retail Federation (l'association des moyennes et grandes entreprises du commerce suisse de détail) pour déposer une motion visant à améliorer la protection de la santé des consommateurs.
Il ne s’agit donc pas d’une Lex Temu comme nous avons pu le lire, mais d’une adaptation de la Loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI)?
Au Parlement, il est très difficile de faire une loi ex nihilo. Le plus efficace est d’utiliser une révision en cours pour introduire une obligation. Afin de s’assurer que pour les objets usuels, la sécurité des produits soit assurée. Avec l'essor des plateformes commerciales en ligne étrangères, les consommateurs suisses sont de plus en plus souvent confrontés à des produits peu sûrs, voire dangereux, qui peuvent être commandés en quelques clics sur Internet.
Ces plateformes semblent au-dessus des lois, est-ce qu’une révision de la LDAI est suffisante pour les mettre au pas?
Pas en tant que tel, c’est évident. Il s’agit d’un outil dans un effort qui doit être conjoint. Entre la pression judiciaire, les lois qui doivent se renforcer, les dénonciations au Secrétariat d'État à l'économie (SECO) et les plaintes déposées par la FRC ou son homologue européen, par exemple. Dans le cadre de cette session parlementaire, nous avons ciblé un trou juridique concernant l’aspect sécuritaire des produits et soulevé la question de la responsabilité par une interpellation déposée le 18 décembre. Évidemment qu’à titre personnel, je souhaiterais qu’on diminue cette surconsommation et freine ce modèle d’affaires du tout-à-jeter développé par ces géants comme Temu ou Shein, qui pratiquent des prix très bas.
Justement, à l’heure où le pouvoir d’achat des Suisses s’érode, vous souhaitez les convaincre de renoncer à l’achat de produits moins chers?
Non, je n’essaie pas de convaincre les consommateurs. En revanche, j’ai des revendications assez claires envers ces plateformes. D’abord, d’encadrer la question des publicités, du ciblage et l’utilisation de dark patterns, des interfaces qui permettent de manipuler le comportement des utilisateurs. Il y a une différence entre les achats au meilleur prix pour soulager le porte-monnaie et la consommation qui explose poussée par ces dark patterns. Et la deuxième, c’est en lien avec le modèle d’affaires du tout-à-jeter.
Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’une telle réglementation sera difficile à appliquer?
Elle le sera, si on ne considère que celle-ci. Pour moi, il faut un ensemble de mesures qui doivent s’assurer qu’il y ait un cadre de régulation de ces plateformes. Car elles ne peuvent pas simplement se déployer sur notre marché sans être assujetties à nos lois. Des efforts sont faits dans d’autres pays, ce que fait l’Union européenne pour imposer une réglementation nette de ces plateformes va bien au-delà de ce que prévoit de faire le Conseil fédéral.
Qu'attendez-vous du Conseil fédéral en 2025?
Qu’il soit d’accord de légiférer sur la régulation des plateformes de vente en ligne et sur la responsabilité de celles-ci. À l’interpellation que j’avais déposée en juin pour cadrer les achats en ligne, il a répondu que ce n’était pas prévu… C’est pour cela que nous avons décidé d’agir à cette session. Il a fallu convaincre, coordonner l’écriture du texte et fédérer une alliance entre les partis politiques de tous bords pour pouvoir déposer cette motion. Un travail difficile et de longue haleine, mais ça en a valu la peine!
Ce texte est un joli cadeau de Noël sous le sapin?
Oui! C’est aussi une consécration pour la FRC et son travail. Et puis, à titre personnel, c’est une satisfaction assez grande d’être parvenue à mener tout ce travail en 2024.