Un séjour à l’hôpital peut s’avérer risqué. Selon les estimations officielles, 5% des patients subissent un préjudice durant leur traitement médical, un dommage pourtant évitable. Chaque année, environ 60'000 personnes seraient victimes d'erreurs médicales évitables dans les hôpitaux suisses. Parmi elles, environ 10'000 subissent des conséquences graves, selon nos calculs, une estimation jugée crédible par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).
L'office fédéral a tiré la sonnette d'alarme dès 2019
L'un des plus grands dangers pour les patients des hôpitaux suisses est l'infection des plaies après une opération. Mais les patientes peuvent aussi recevoir un mauvais médicament après une attaque au lieu d'être opérées. Mais les erreurs peuvent aussi être plus variées: comme cette femme de 53 ans à l'hôpital de l'Île de Berne, qui a reçu le mauvais traitement après un AVC. Ou cet homme de 77 ans à l'hôpital universitaire de Bâle, victime de brûlures durant une opération.
Tout cela est connu depuis 2019. L'Office fédéral de la santé publique avait alors partagé leur exigence: «En Suisse, la qualité des soins médicaux doit être améliorée.» Mais jusqu'à présent, ces désidératas sont restés lettre morte.
Un professeur d'Oxford critique la Suisse
La situation avait été mise en lumière par le professeur Charles Vincent de l’université d’Oxford, qui, dans un rapport commandé par la Confédération, dénonçait le manque de transparence dans les hôpitaux suisses en matière de qualité des soins. L’OFSP avait alors admis qu’il manquait d’informations pour mettre en place des améliorations concrètes. Le Conseil fédéral a réagi en modifiant la législation, créant une Commission fédérale de la qualité.
Le Conseil fédéral avait alors fixé comme objectif annuel à la commission de réaliser une «étude sur les événements indésirables au sein du système de santé suisse». Les auteurs de l'étude devaient fournir des données sur le type, l'ampleur, la gravité et l'évitabilité des erreurs médicales. Or, cette étude fait toujours défaut. Personne ne peut donc dire avec certitude pourquoi tant de patients hospitaliers sont victimes d'"événements indésirables évitables» – c'est ainsi que les chercheurs appellent les erreurs hospitalières.
Le Conseil national demande un registre de déclaration des erreurs médicales
En été 2023, Baptiste Hurni, alors conseiller national PS et aujourd'hui conseiller aux États, a posé la question. Il a demandé un «véritable plan national de prévention des erreurs médicales en Suisse».
«Les erreurs médicales sont malheureusement encore trop nombreuses en Suisse», écrivait Baptiste Hurni dans son intervention. Et ces erreurs seraient pudiquement qualifiées d'"événements indésirables» dans le secteur de la santé. «Les erreurs sont certes humaines. Mais pour qu'elles ne se reproduisent plus, il faut savoir qu'elles existent et les nommer.» Il faut un registre national de déclaration des erreurs médicales.
Dans sa réponse, le Conseil fédéral a fait référence à l'étude qu'il avait commandée à la commission qualité en 2021. Les résultats devaient être disponibles en 2023, écrivait le Conseil fédéral il y a un an. Mais cela n'a pas non plus été le cas.
La commission craignait la résistance des hôpitaux
La commission qualité craignait qu'une telle étude ne se heurte à la résistance des hôpitaux. C'est ce qu'écrit l'Office fédéral de la santé publique. C'est pourquoi la commission voulait d'abord réaliser une étude de faisabilité avant de collecter des données. Ces documents, demandés par Blick sur la base du droit à la transparence, montrent en outre que la fondation Sécurité des patients Suisse n'a pas été en mesure de fournir l'étude de faisabilité commandée pendant un an et demi.
La fondation Sécurité des patients en mauvais état
Les documents mettent la lumière sur une fondation en très mauvais état. C'est étonnant dans la mesure où la fondation est toujours décrite comme la gardienne des droits des patients. A l'époque, peu après la présentation de l'offre, le directeur et le président de la fondation avaient démissionné et une nouvelle proposition avait été ensuite définitivement rejetée.
La directrice Annemarie Fridrich excuse cet échec par d'importants changements structurels et personnels. En outre, il y aurait eu un litige sur les droits de publication des résultats de l'étude. Elle rejette le reproche selon lequel la Fondation pour la Sécurité des Patients serait en mauvais état. Elle s'est entre-temps réorganisée et ne se fixe plus pour objectif que d'accepter des mandats de recherche directs.
Un nouveau mandat de près d'un million de francs
La commission qualité a finalement lancé un appel d'offres public pour le mandat d'étude. Elle a en outre décidé d'accélérer les choses, la peur des hôpitaux s'étant apparemment dissipée. La commission a décidé de faire collecter directement des données, sans en vérifier d'abord la faisabilité.
En avril de cette année, le Centre universitaire lausannois de médecine générale et de santé publique, Unisanté, a obtenu le marché. Coût de l'opération: 980'000 francs. L'étude doit être terminée le 30 avril 2026, soit sept ans après que l'Office fédéral de la santé publique a tiré la sonnette d'alarme.