Un sondage suisse choquant
La moitié des familles peine à joindre les deux bouts

Le Baromètre suisse de la famille 2024 le montre: de plus en plus de familles, jusque dans la classe moyenne, ont de grosses difficultés financières. Blick vous détaille le sondage.
Publié: 14.03.2024 à 06:04 heures
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Dernière mise à jour: 14.03.2024 à 11:34 heures
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Le directeur de Pro Familia, Philippe Gnaegi, tire la sonnette d'alarme: de plus en plus de familles sont en difficulté financière.
Photo: KEYSTONE/Jean-Christophe Bott
Benno Tuchschmid
Benno Tuchschmid

Le sondage est choquant: une majorité de familles en Suisse sont, selon leurs propres indications, dans une situation financière difficile – et un nombre écrasant d'entre elles ne pensent pas que la situation va s'améliorer dans les prochaines années. C'est ce que montre le Baromètre suisse des familles 2024.

La crainte prédomine chez 80% des familles

Plus de 2100 familles ont rempli un questionnaire en ligne entre le 8 et le 18 novembre 2023. L'enquête avait déjà été réalisée il y a un an. Les événements actuels montrent à quel point l'inflation, la hausse des primes d'assurance maladie, les frais de logement et de garde ont aggravé la situation financière des familles.

En détail: 79% des familles interrogées au niveau national craignent que leur situation ne se détériore plutôt ou fortement au cours des trois prochaines années. C'est 11% de plus qu'il y a un an. 52% des familles – tous revenus confondus – déclarent que leur budget familial ne suffit pas ou à peine. Pour quatre familles sur dix, la situation financière est l'une des raisons qui les poussent à renoncer à avoir plus d'enfants.

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La Suisse romande et le Tessin particulièrement touchés

Blick a analysé en détail les résultats de l'enquête. Ils sont explosifs sur le plan sociopolitique. Les soucis financiers ne concernent même plus seulement les bas revenus – ils ont touché une grande partie de la classe moyenne: même avec un revenu familial de 8400 à 10'000 francs bruts par mois (101'000 à 120'000 par an), plus d'un tiers des personnes interrogées affirment qu'il reste peu de choses à la fin du mois.

Selon Pro Familia, la proportion de familles dont le revenu du ménage ne suffit pas ou à peine est particulièrement élevée en Suisse italienne, en Suisse romande, dans les ménages monoparentaux et pour les revenus inférieurs à 100'000 francs.

Pour Philippe Gnaegi, directeur de Pro Familia, l'association faîtière des organisations familiales suisses, ces résultats sont un signal d'alarme: «Si dans le pays le plus riche du monde, près de 80% de toutes les familles sont aussi pessimistes quant à l'avenir, nous avons à réfléchir.»

Les inquiétudes se reflètent dans le livret d'épargne: 30% des familles interrogées disent ne rien pouvoir mettre de côté à la fin du mois, et plus des deux tiers d'entre elles ne peuvent pas mettre plus de 500 francs. Il y a aussi l'autre extrémité de l'échelle: 9% ont plus de 2000 francs de côté par mois.

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Un fossé économique

Un nouveau fossé se creuse en Suisse, entre ceux qui vivent sans soucis, et une large couche de la population qui tremble à la fin du mois. Le chef de Pro Familia, Philippe Gnaegi, déclare: «Pour ceux qui ne peuvent mettre que très peu de côté, une facture de dentiste imprévue représente déjà un problème majeur.»

Le fossé des revenus pourrait devenir un facteur politique. Les résultats de la votation pour une 13e AVS l'ont déjà montré: les communes dont les habitants sont plus riches que la moyenne ont voté contre l'extension des prestations sociales, tandis que les communes pauvres et de classe moyenne ont voté en partie très nettement pour – et ce indépendamment du fait qu'il s'agisse d'un village rural avec l'UDC comme force politique dominante – ou d'une ville pauvre qui vote majoritairement à gauche.

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La caisse maladie est le souci numéro 1

Cette évolution est très pertinente dans la perspective de l'initiative du PS du 9 juin sur l'allègement des primes – et devrait donner des sueurs froides au comité bourgeois du non et au président du PLR Thierry Burkart. L'initiative stipule que les primes ne doivent pas dépasser 10% du revenu disponible. La Confédération et les cantons devraient payer les coûts supplémentaires qui se chiffrent en milliards. 

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Selon le Conseil fédéral, cela profiterait surtout à la classe moyenne – les ménages les plus pauvres bénéficient déjà aujourd'hui de réductions de primes. Le baromètre des familles le révèle clairement: pour tous les ménages, quel que soit leur revenu, la caisse maladie est le souci numéro 1.

Et une grande partie de la population semble pour le moins ouverte à une intervention de la politique. 51% des personnes interrogées dans le cadre du baromètre des familles estiment que la politique doit se concentrer sur la réduction des coûts des primes d'assurance maladie.

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Des conséquences désastreuses sur le plan économique

Mais les difficultés financières ne font pas que repousser les limites politiques en Suisse. Elles poussent également les gens à augmenter leur temps de travail. 49% envisagent d'augmenter leur taux d'occupation en raison de la situation financière de leur famille.

Parallèlement, des chiffres indiquent que les parents reconsidèrent la garde de leurs enfants – afin d'économiser des frais de crèche. Ainsi, l'année dernière, 50% des parents ont déclaré faire garder leurs enfants par des tiers. En 2024, ils ne seront plus que 37%. Philippe Gnaegi déclare à ce sujet: «Nous ne disposons pas encore de suffisamment de données. Mais tout porte à croire que les familles retirent leurs enfants de la crèche – pour économiser de l'argent.»

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Le directeur de Pro Familia estime que cette évolution – si elle se confirme – a des racines profondes: «Cela pourrait signifier que les femmes restent à nouveau davantage à la maison pour des raisons financières. Ce serait désastreux sur le plan économique – le marché souffre déjà d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.»

Philippe Gnaegi estime qu'il est urgent d'agir sur le plan politique: «La Suisse doit se demander si elle mène réellement une politique familiale digne de ce nom. Nous devons nous réveiller au plus vite.» Pour conclure, on peut relever au moins une bonne nouvelle du côté des familles: 80% des personnes interrogées sont satisfaites de leur propre vie familiale. C'est déjà ça.

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