Un sexologue nous répond
Comment éviter que le désir ne s'endorme avec l'âge?

Le préjugé selon lequel la vie sexuelle prend sa retraite avec l'âge est tenace. Même si la vision de son corps se dégrade bien souvent avec l'âge, le sexologue Ben Kneubühler en est persuadé: un regard plus bienveillant sur la sexualité des seniors est possible.
Publié: 06:30 heures
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Selon une étude allemande, il y a peu de différences en matière d'intimité entre les jeunes adultes et les séniors.
Photo: F1online
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Maja Zivadinovic

L'intimité sexuelle ne se dégrade pas nécessairement avec l'âge. C'est ce qu'affirment plusieurs chercheurs allemands. Dans le cadre d'une étude dans laquelle ils ont interrogé des personnes âgées de 60 à 82 ans ainsi que des personnes âgées de 22 à 36 ans, ils ont constaté que les différences en matière d'intimité sont minimes. Un constat confirmé par le sexologue Ben Kneubühler, interviewé par Blick. «Ce qui change, c'est la manière de (re)vivre le sexe.»

Ben Kneubühler, pourquoi le sexe chez les personnes âgées est-il toujours aussi tabou?
Parce que notre société continue malheureusement de considérer «vieillesse» et «sexualité» comme deux notions contradictoires. Dans l'imaginaire collectif, celui qui vieillit doit rayonner de sagesse, mais pas de désir. Pourtant, l'expression sexuelle n'est pas une question d'ancienneté, mais un besoin profondément humain qui ne part pas forcément avec l'âge.

Des études montrent que les seniors sont encore tout à fait actifs sexuellement.
Oui, ils le sont. Les chiffres varient, mais environ la moitié d'entre eux font état d'une activité sexuelle. Mais bien évidemment, cette dernière évolue: les capacités du corps diminuent et cela invite les personnes à ralentir le rythme pendant l'amour. Mais cela ne signifie pas une perte, bien au contraire. Beaucoup font l'expérience d'une nouvelle liberté sexuelle au cours de leur vieillesse, bien loin de la pression de la performance de la jeunesse. La sexualité devient alors davantage un dialogue qu'un sprint.

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Au-delà du sexe, c'est surtout le besoin de proximité, de contact et d'intimité qui persiste jusqu'au terme de nos vies
Ben Kneubühler, sexologue
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La sexualité est un besoin fondamental, mais celui-ci diminue-t-il avec l'âge?
Au-delà du sexe, c'est surtout le besoin de proximité, de contact et d'intimité qui persiste jusqu'au terme de nos vies. L'envie d'échanges érotiques peut tout aussi bien diminuer, que se renforcer, par exemple lorsque le stress de la vie diminue ou lorsque de nouvelles relations se forment.

Que faire alors lorsque le besoin est toujours là, mais que l'on a du mal à accepter le processus de vieillissement et la nudité?
Cette incertitude, beaucoup la ressentent, quel que soit leur âge. La différence est que les personnes âgées n'ont jamais appris à regarder leur corps avec amour. Pour qu'une relation plus bienveillante puisse naître, il faut se regarder avec douceur, mais aussi avec fierté, pour ces histoires que le corps raconte. Et avec humour! Car un corps qui a été aimé et qui a aimé en porte forcément les traces.

Que se passe-t-il si, après 40 ans de mariage, seul l'un des partenaires a encore besoin de sexe?
C'est à ce moment-là que commence le véritable travail relationnel. Des besoins différents font partie de l'ADN d'un couple, et il est très important de ne pas les passer sous silence. Même si cela n'apporte pas de solution immédiate, il est fondamental d'en parler. Souvent, un «je ne veux pas» ne cache pas simplement un manque d'envie, mais un «je ne sais pas comment faire».

Avec l'âge, les femmes souffrent souvent de sécheresse vaginale, les hommes de troubles de l'érection. Ces obstacles signifient-ils la fin de la sexualité?
Pas nécessairement. Un soutien médical peut être utile, mais un changement d'attitude vis-à-vis de la sexualité est au moins aussi important. Moins de rigidité dans les schémas connus, plus d'exploration du toucher, du rythme ou de la respiration. Tout cela peut ouvrir de nouvelles portes. Dans la sexothérapie, nous voyons que l'excitation sexuelle est un processus physique et psychique appris qui est ensuite répété. Cela signifie que même à un âge avancé, il est possible d'apprendre à redécouvrir son propre corps et son plaisir. La sexualité devient ainsi un espace de connexion et non un challenge.

Quel est l'impact de la sexualité sur le corps et l'esprit des personnes âgées?
Elle peut avoir une influence incroyablement positive. Elle favorise la sécrétion d'endorphines et d'ocytocine, ce qui entraîne un sentiment général de bien-être et réduit le stress. Le corps en profite en augmentant la circulation sanguine et en maintenant une certaine forme physique. Et sur le plan psychique, la sexualité peut renforcer l'intimité, la sécurité et le sentiment d'attachement. Dans de nombreux cas, elle contribue à augmenter l'estime de soi.

Ce thème est-il également présent dans les maisons de retraite?
La réalité est que même dans les établissements de soins, le désir de proximité physique et de sexualité ne disparaît pas, bien au contraire. Dans ce secteur, nous devons, en tant que société, faire beaucoup plus pour répondre à ces besoins. Heureusement, on s'efforce de plus en plus de lever le tabou sur ce sujet. Certains établissements proposent des conseils en matière de sexualité ou sont à l'écoute des besoins de leurs résidents. On ne peut que s'en réjouir!

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