Le dossier électronique du patient (DEP) est bien mis en place, a promis le ministre de la Santé Alain Berset lors d'un récent débat au Conseil des Etats. Les chiffres montrent pourtant une autre réalité. Seules 27'000 personnes possèdent un dossier électronique dans notre pays.
Et ce, pour de nombreuses raisons. Pour les patients, la création d'un DEP est facultative et encore assez compliquée. Mais ce n'est pas tout. Comme l'a découvert Blick, ce dossier peut coûter très cher. Et précisément pour les assurés qui se sont décidés à en ouvrir un, alors qu'il était censé réduire les coûts.
A qui la faute?
L'erreur réside dans le système. La plupart du temps, le DEP est alimenté en données par l'assuré lui-même. Pour ce faire, les rapports médicaux, les radiographies et les listes de médicaments doivent être demandés aux fournisseurs de prestations sous forme de PDF ou dans un autre format, puis déposés en ligne.
L'envoi des documents représente pour le personnel un travail que certains cabinets facturent à la charge de l'assurance obligatoire des soins: 16 francs pour 5 minutes d'«étude du dossier en l'absence du patient». Ceux qui n'ont pas encore dépassé leur franchise financent donc dans ce cas eux-mêmes leur dossier électronique.
Si l'on écoute les parlementaires qui s'engagent en faveur du dossier numérique, ils s'accordent pour avouer: «Ce n'est pas vraiment ce qui était prévu.» Car il est clair que tant que les coûts du DEP seront à la charge des utilisatrices et des utilisateurs, tout appel à une plus grande responsabilité personnelle sera inaudible.
Une situation inadmissible selon l'OFSP
Selon l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), il n'est pas admissible que les fournisseurs de prestations facturent les demandes de documents pour le DEP. «Les tarifs actuels comprennent déjà les dépenses liées à la gestion des dossiers médicaux, explique le porte-parole de l'OFSP Andrea Arcidiacono à Blick. La mise à disposition du dossier médical ne devrait donc pas entraîner de frais supplémentaires, et il est en outre la propriété de l'assuré.»
Yvonne Gilli, présidente de la Fédération des médecins suisses (FMH), ne partage pas cet avis. Elle conçoit que la remise d'une copie des rapports devrait être gratuite, mais «les prestations pour la gestion du dossier électronique du patient sont toutefois des prestations supplémentaires qui, dans l'esprit de la FMH, représentent une charge supplémentaire».
Les problèmes découlent de la désuétude des tarifs. «Cela conduit à une situation intenable pour les médecins de famille», poursuit Yvonne Gilli. Les prestations contenues dans le Tarmed, la structure des prestations médicales, datent encore de l'époque pré-numérique.
Les caisses-maladie se rejettent la responsabilité
Yvonne Gilli ne trouve pas d'écho à son argumentation auprès des caisses maladie. «L'envoi de documents est indemnisé par les tarifs actuels, déclare le porte-parole de Santésuisse Matthias Müller. Si les patients font l'effort louable d'établir un dossier électronique et de l'alimenter en informations, ils doivent être soutenus dans cette démarche.» Ce dernier considère que les fournisseurs de prestations ont un devoir à remplir: «Nous attendons du corps médical qu'il contribue à faire avancer la numérisation et qu'il ne la freine pas avec des taxes injustifiées.»
Pour Sarah Wyss, il n'est pas non plus question de répercuter les coûts du DEP sur les patients. La conseillère nationale PS déclare: «Une facturation n'est pas indiquée.» Au cas où les fournisseurs de prestations auraient besoin d'un soutien financier temporaire pendant le passage au DEP, Sarah Wyss estime que les cantons ont une responsabilité: «Le financement du dossier électronique du patient ne doit certainement pas passer par la caisse-maladie.»