Alors qu’en Suisse romande, des communes comme Gland n’hésitent pas à mettre en œuvre des restrictions d’eau face à la sécheresse, une situation paradoxale fait froncer les sourcils à plus d’un outre-Sarine.
Dans la commune saint-galloise de Bad Ragaz, les fontaines d’un club de golf gargouillent paisiblement. Pourtant, le Giessensee, petit lac situé juste à côté, a soif d’eau. Les poissons meurent et les canards pataugent dans la boue. Le panorama habituellement idyllique s’est en transformé en un terrain aride, où les couleurs brunes et jaunâtres ont remplacé la verdure et le bleu transparent.
Paul Bollhalder est responsable du nettoyage du parc autour du lac et veille à l’ordre sept jours sur sept. La situation actuelle l’attriste. «Je ne comprends tout simplement pas. Notre magnifique lac est désormais vidé de sa substance. Seul le golf peut encore y puiser à plein régime», déplore le retraité. Car chaque jour, les pelouses du golf de Bad Ragaz sont arrosées. Le terrain dispose également de nombreux petits étangs à l’eau transparente et de fontaines cossues.
«La boue est toxique»
Le garde-pêche Sigi Jäger se plaint lui aussi de l’état du lac: «Le plus gros problème, c’est qu’il n’y a plus d’arrivée d’eau», explique-t-il à Blick. Toutes les entrées et les sorties sont en effet bloquées. Il en résulte des écoulements de boue qui ne pourraient pas donner davantage au lac un aspect de mare: «Vu le niveau d’eau actuel, on pourrait se promener sans problème dans le lac, s’il n’y avait pas autant de boue», assure Sigi Bollhalder.
Mais l’aspect du lac n’est pas ce qui inquiète le plus Paul Bollhalder: «La boue est toxique et détruit toute la faune. Il faudrait sans tarder assainir le lac», poursuit-il. Pour cela, une certaine somme serait nécessaire. Mais la commune de Bad Ragaz ne veut pas entrer en matière. «Nous avons déjà attiré son attention à plusieurs reprises sur la situation. Mais rien n’y fait», regrette le natif de la commune.
Toutes les solutions proposées par Paul Bollhalder et Sigi Jäger sont restées lettre morte, bien qu’elles soient tout à fait réalisables: «On pourrait sans problème pomper l’eau de la Tamina (ndlr: un affluent du Rhin à proximité), ou du Rhin lui-même pour l’amener dans le Giessensee», explique Sigi Jäger.
La commune rejette toute accusation
La commune de Bad Ragaz confirme que le niveau d’eau du lac est actuellement très bas. Mais elle conteste la présence de toxines dans l’étendue d’eau. Interrogé par Blick, Ron Itthasombat, secrétaire municipal, l’assure: «Ni les accès au lac, ni l’écoulement ne sont boueux.» Comme la boue ne serait pas non plus toxique, l’état actuel du lac ne représenterait aucun danger.
«Nous sommes de plus en contact permanent avec l’Office de la nature, de la chasse et de la pêche de Saint-Gall», précise-t-il. Comme de nombreux cours d’eau en Suisse sont actuellement confrontés à une pénurie, pomper l’eau dans une rivière avoisinante n’est pas considéré comme «efficace». Si le terrain de golf est si bien irrigué, c’est parce que le club dispose de sa propre station de pompage des eaux souterraines.
Selon Ron Itthasombat, bien qu’il n’y ait «aucune raison» d’améliorer l’état du Giessensee, une entrée d’eau supplémentaire dans le lac sera examinée dans le cadre du projet de revalorisation et d’élargissement du Rhin.
(Adaptation par Thibault Gilgen)