Au mois de juillet, le lac de Tracouet à Nendaz (VS), asséché par la canicule, avait été réalimenté par 5000m3 d’eau. Ironie du changement climatique, le barrage valaisan de Gibidum a aujourd’hui un tout autre problème: celui-ci est beaucoup trop plein et doit même gaspiller de l’eau. L’eau gaspillée se fait à un débit pouvant aller jusqu’à 120m3 par seconde, comme le rapporte le «bz». Ce qui correspond à peu près à l’Aar, lorsqu'elle coule à travers Berne.
Alors pourquoi, en pleine période de sécheresse en Europe, le barrage de Gibidum doit-il gaspiller l'or bleu? Cette apparente contradiction est due au glacier d’Aletsch, ou, plutôt, à la chaleur. «Les températures élevées de ces dernières semaines mettent les glaciers des Alpes à rude épreuve», écrit sur Linkedin le groupe énergétique Alpiq, coresponsable de l’exploitation du barrage de Gibidum. Les turbines fonctionneraient depuis des semaines à leur puissance maximale.
Cette année, «environ 50% d’eau de plus que la moyenne à long terme» ont été turbinés, déclare le porte-parole d’Alpiq Andreas Meier au «bz». Mais cela ne suffit tout simplement pas.
Danger de mort dans les gorges
«Cet été est extrême», explique Daniel Farinotti, professeur de glaciologie à l’EPF de Zurich, au «bz». Il craint que celui-ci, comme l’année record de 2003, ne fasse à nouveau exploser les diagrammes. Peut-être même davantage.
A l’époque, une masse incroyable de 3,8% des glaciers suisses avait fondu. Cette année, à la fin de la période de canicule, ce chiffre pourrait même dépasser les 4%.
La Massa, rivière qui serpente dans la vallée, n’est souvent rien de plus qu’un petit ruisseau. Mais pas cet été. Les exploitants du barrage de Gibidum ont même averti qu’il fallait éviter de s’aventurer dans les gorges. Le danger y est élevé.
L’été n’est pas le seul à poser problème
Ce n’est pas seulement la chaude saison estivale qui fait transpirer les massifs glaciers. L’hiver sec a également donné du fil à retordre au glacier d’Aletsch et à ses collègues. Il est tombé moins de neige.
Or, comme une couverture de protection, la neige isole la masse en dessous d’elle et la maintient au froid. Si cette couverture disparaît, le glacier commence à griller au soleil. Combiné aux périodes de chaleur de cette année, «c’est le pire des scénarios pour les glaciers locaux», explique Daniel Farinotti.
Gaspiller l’eau n’est pas nécessaire
Il n’est toutefois pas forcément nécessaire de gaspiller toute cette réserve d'H2O. Celle-ci pourrait être acheminée par des galeries vers une centrale électrique située 700 mètres plus bas, afin d’y faire tourner les turbines. C’est en tout cas ce que propose le projet Oberaletsch. La centrale devrait ainsi pouvoir couvrir les besoins annuels d’environ 25’000 familles moyennes, soit 100 gigawattheures (GWh).
«Cela permettrait de réduire les débordements, de stocker une partie du débit dans le lac d’Oberaletsch et de transférer environ 50GWh en hiver», explique le porte-parole d’Alpiq Andreas Meier. Le projet est encore en cours de planification et est soumis à la décision du canton du Valais.