Meta entend utiliser vos données pour entraîner son Intelligence artificielle (IA), et vous avez seulement jusqu'au 27 mai pour vous y opposer. La maison mère de Facebook, Instagram, Whatsapp et Threads a mis en ligne un formulaire en ce sens ce mardi, a constaté l'AFP.
Ce lundi 14 avril, Meta a annoncé que tout le contenu public de ses plateformes, à l'exception de sa messagerie privée WhatsApp, allait désormais être utilisé pour entraîner ses modèles d'IA générative. Un «scandale» pour Sébastien Fanti, avocat spécialisé de la protection des données, surtout en plein pendant le procès de Mark Zuckerberg.
Vos publications, vos photos et leur légende ainsi que les commentaires que vous publiez sont concernés. De même – sauf pour Whatsapp – que les requêtes et questions envoyées à Meta AI, le robot conversationnel disponible depuis fin mars en Suisse sur les applications de la multinationale américaine. A moins que les utilisateurs ne s'y opposent formellement.
Le consentement par défaut
Une notification devrait informer les utilisateurs de cette nouvelle politique et leur fournir un lien vers ce formulaire de refus. Ce système où le consentement est donné par défaut, en anglais opt-out, n'est pas du goût de Sébastien Fanti: «L'opt-out n'est pas conforme, parce qu'il repose sur la responsabilité individuelle, déplore l'homme de loi au téléphone. La communication doit être compréhensible. Il doit être très simple de refuser que nos données soient utilisées.»
Celles et ceux qui n'effectueront pas cette démarche pourront voir leurs données publiques être utilisées par Meta pour nourrir ses IA dès le 27 mai. Ils auront toujours la possibilité de remplir le formulaire après cette date. «Si vous faites objection, nous enverrons un e-mail confirmant que nous n'utiliserons plus vos informations publiques sur les produits Meta ni vos interactions avec les fonctionnalités de l'IA de Meta à des fins de développement et d'amélioration des modèles d'IA générative destinés à l'IA de Meta», explique le géant de la tech sur les pages d'aide de Facebook et Instagram.
Ce changement ne devrait pas concerner les comptes des moins de 18 ans, ni les messages privés des utilisateurs adultes «avec leurs amis et leur famille», a assuré le géant des réseaux sociaux et de la récolte de données.
L'Europe et la Suisse laisseraient filer
Pour Sébastien Fanti, la démarche commerciale de Meta «vient s'ajouter à la longue litanie de cas qui ne génèrent aucune réaction des autorités». Prévu en 2024, le lancement dans l'UE de Meta AI avait été retardé pendant plus d'un an en raison des réglementations européennes qui encadrent les nouvelles technologies. Comme le règlement général sur la protection des données (RGPD) et les règles sur les marchés numériques et sur l'IA.
Meta s'appuie désormais sur une décision du Comité européen de la protection des données. En décembre, celui-ci a considéré que «l'intérêt légitime» pouvait constituer une base légale valable pour l'utilisation de données personnelles pour le développement et le déploiement de modèles d'IA dans l'UE.
Sebastien Fanti se désole de voir qu'en mars dernier, le préposé fédéral à la protection des données (PFDT) a accepté la même chose de la part d'X, pour alimenter son IA Grok. «En l'absence de ligne rouge claire, Meta avance derrière X et avancera jusqu'à se faire vraiment taper sur les doigts.»
Une vision libérale des données
Pour l'avocat valaisan, qui estime que «la bataille pour la protection des données est déjà perdue», la Suisse doit voir la vérité en face: «Sur la protection des données, nous avons le même libertarisme que les Etats-Unis. Nous ne sommes plus crédibles depuis longtemps.» Il assure que les USA sont en pleine «guerre des données contre la Chine, afin d'obtenir l'IA la plus performante et précise possible.»
Meta précise en outre que l'opposition sera également appliquée à tous les comptes liés à celui utilisé pour envoyer le formulaire. Toutefois, l'entreprise américaine avertit qu'elle est susceptible de continuer à traiter des informations concernant les utilisateurs qui ont exprimé leur refus dans certaines situations. Notamment lorsque leurs informations apparaissent dans une image partagée publiquement ou mentionnées par un autre utilisateur.
Les conseils de l'avocat spécialisé
Mais alors, faut-il faire confiance à Meta, qui assure prendre des précautions et être dans son bon droit? Evidemment que non, pour Sébastien Fanti. «Les Suisses qui veulent avoir des interactions avec les Etats-Unis doivent le comprendre: ils doivent absolument remplir ce formulaire d'opt-out et modérer le contenu de leurs propres publications et interactions.»
En somme, il s'agirait de s'autocensurer sur ses propres réseaux sociaux pour éviter de dévoiler des informations trop personnelles. «L'autocensure devrait prévaloir sur ces plateformes, en raison de l'attitude des USA depuis l'élection de Donald Trump, assène l'avocat spécialité. C'est ce que je fais moi-même, en mentant parfois sur mes publications.»
Cette récolte de donnée est d'une ampleur sans précédent, puisqu'elle concerne sur les réseaux sociaux parmi les plus utilisés. «Il ne faut pas donner plus. Cela se passe surtout au niveau individuel, car si vous ne le faites pas, qui le fera pour vous, conclut Sébastien Fanti.