Raphael et Yvette Hüppeler, un couple quarantenaire vivant dans la commune de Shinznach, en Argovie, sont à couteaux tirés avec cette dernière. En effet, cela fait deux ans maintenant que les restaurateurs cherchent à faire enregistrer leur roulotte de cirque, qu'ils ont restaurée, en petit «jardin à bières» (Biergarten) sur quatre roues. Mais ils ne voient pas le bout de leur projet, car le couple doit sans cesse batailler avec les exigences de l'administration communale des travaux publics – et payer pour régler chaque nouveau problème détecté.
A lire aussi
La principale plainte du couple est la suivante: «Pour une roulotte mobile, nous avons besoin du même permis de construire qu'une maison individuelle» ! Alors que l'intérêt même de la roulotte est sa mobilité. Mais ce qui dérange particulièrement les Hüppeler est de savoir que quelqu'un, à savoir l'administrateur des travaux publics, profite de leur situation pour se remplir les poches.
Comme plusieurs autres communes rurales d'Argovie, la commune de Shinznach a engagé une personne externe au poste d'administrateur des travaux publics pour contrôler les projets. Son travail est entièrement aux frais des Hüppeler, sans que l'État ne propose de remboursements. Et l'addition risque d'être salée, car l'administrateur fait son travail de manière extrêmement précise.
La roulotte de cirque provoque une discorde
Les Hüppeler font l'acquisition de leur roulotte de cirque en 2021. Au prix de centaines d'heures de travail, ils la rénovent et la transforment en cuisine. En effet, depuis plusieurs années déjà le couple s'est lancé dans la gastronomie, d'abord avec son entreprise Rolling Bistro. Celle-ci consistait en l'utilisation de vélos cargos qui se transforment en quelques secondes en machines à crêpes. Face au succès de leur entreprise, ils décident d'agrandir et de louer une ferme avec un grand jardin.
À cette période, la commune manque d'offres de restauration et c'est ainsi que mûrit dans l'esprit du couple l'idée de transformer leur roulotte de cirque en petit «Biergarten», lorsqu'elle n'est pas utilisée pour des événements en extérieur tels que des festivals.
Mais à peine les premiers essais effectués avec des amis, la commune vient freiner leur enthousiasme: il faut un permis de construire spécifique pour mener à bien leur projet.
Un conseiller externe devient un problème
Le couple fait donc une demande aux autorités et reçoit une réponse après quelques semaines. Ils doivent en effet déposer un «grand» permis de construire, comme pour une maison individuelle. Étrange, alors que la loi cantonale stipule que les établissements de restauration en activité pendant moins de deux mois au même endroit n'en ont pas besoin.
La première chose que l'on demande au couple de faire en vue d'acquérir ce fameux permis de construire, c'est d'établir une expertise de protection contre le bruit. Pourtant, la commune admet clairement qu'elle n'a jamais reçu de plaintes pour le bruit de la part du Biergarten improvisé des Hüppeler. «Pour autant que nous le sachions, nous sommes les seuls de la région à devoir clarifier ce point pour un food truck», explique Raphael Hüppeler.
Prochaine étape: on leur dit qu'il faut avoir des places de parking à proximité immédiate, pour lesquelles le couple doit aussi soumettre une demande, «alors que notre clientèle est presque exclusivement en transports publics ou à vélos». Plusieurs mois plus tard, c'est la situation des eaux usées qui devient un sujet de préoccupation, alors que la plupart du temps, les eaux sales des food trucks sont collectées dans des seaux spéciaux et éliminées sans problème dans les canalisations.
Possible violation du territoire
L'hypocrisie de la commune irrite le couple: «Ils se font de l'argent sur notre dos avec des conditions délirantes.» Mais il y a pire. Sans que le couple en ait eu connaissance, l'administrateur des travaux publics se serait entre-temps rendu sur leur terrain. «Je suis comme la police, j'ai le droit d'aller n'importe où», aurait-il dit aux Hüpeller.
A lire aussi
Mais lorsque le couple se plaint aux autorités, ils découvrent une autre version de l'histoire. «On nous a d'abord dit qu'en tant que locataires, nous ne pouvions pas dénoncer une violation de terrain, puis on nous a soudainement expliqué qu'il avait effectué son expertise depuis le terrain voisin.» Or, celui-ci se trouve à environ 40 mètres à vol d'oiseau. «Il est absolument impossible de voir quoi que ce soit de là-bas», affirment les Hüppeler.
Des impôts élevés, peu de services
Le taux d'imposition de la commune est de 110%, soit environ 10% de plus que la moyenne suisse. Pourtant, les expertises de construction sont confiées à une entreprise externe malgré leur coût élevé, facturé aux requérants.
Blick a tenté de confronter les responsables, mais le conseil municipal invoque le secret de fonction. L'administrateur des travaux publics concerné préfère lui aussi garder le silence. Le canton, quant à lui, renvoie au pouvoir de décision de la commune et ne peut pas non plus aider les Hüppeler. Beaucoup de temps et d'argent seront encore perdus avant que la première bière ne soit tirée dans le jardin des Hüppeler.