Ils voulaient bâtir leur nid d’amour dans un endroit idyllique. Les bonnes fées étant de leur côté, ils trouvèrent, pour réaliser leur rêve, une parcelle de 1000 m² à un prix plus qu’abordable (140 francs le m²), située à Baar, hameau de la commune de Nendaz.
Un grand balcon perché à flanc de coteau, dominant la ville de Sion avec, à ses pieds, le bucolique domaine des Iles, l’impressionnant bassin de surf Alaïa Bay et la verdoyante plaine du Rhône. Restait à édifier leur «mirador» de 200 m², sur deux étages, projet validé par une banque de la place, Manou ayant nanti ses deux piliers de machiniste, alors qu’Isabelle, chauffeuse de poids lourds et déjà mère d’un garçon de 9 ans, assurait le quotidien.
Tout semblait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que Manou tombe sur l’annonce d’une société de promotion immobilière de la région publiée sur la Toile, garantissant à ses clients la construction clé en main et dans les règles de l’art, de la maison de leur rêve. Le début du cauchemar en fait.
Descente aux enfers
Sous le charme de ces promesses et de leurs auteurs, Y.R. et R.K., associés aux commandes de l’entreprise, le couple se lia à cette dernière via un contrat d’entreprise générale signé à fin 2021. Un engagement qui mit du temps à se matérialiser.
«Sous prétexte d’une surcharge de travail, le chantier débuta avec quatre mois de retard», explique à Blick Manou, d’entrée échaudé par ce fâcheux contretemps. Conséquence? Programmée en août, la prise de possession fut reportée à octobre.
Pas (encore) dramatique, pensaient les deux amoureux, lorsque le premier coup de pelle fut donné, mi-avril. Sauf que deux mois plus tard, le 14 juin, la société déposait son bilan et était déclarée en faillite. Manou et Isabelle lui avaient déjà versé des acomptes, et ce, malgré l’apparition de premières malfaçons.
«À ce moment-là, on a réellement commencé à flipper et à penser qu’il y avait anguille sous roche, bien que R.K. a très vite créé une nouvelle société, seul, sur les cendres de la précédente. Pourtant omniprésent au moment de l’acquisition du mandat, Y.R., disparut totalement des radars depuis ce jour-là, alors que R.K. s’est improvisé directeur des travaux», poursuivent les deux maîtres d’œuvre.
Ils détaillent: «Ensuite, la construction avançait par à-coups, mais surtout, rien n’allait. Il y avait des infiltrations d’eau partout. Au toit, aux façades, aux portes, aux fenêtres, au sol. Une catastrophe. Et quand on appelait R.K. pour nous plaindre et lui demander des comptes, soit il ne nous répondait pas, soit il racontait des bobards pour s’en sortir. Franchement, on croyait qu’il n’y avait qu’en France que des trucs pareils arrivaient».
Le promoteur se défend
«Pire, à chaque fois qu’on versait de l’argent, on avait l’impression que c’était un autre chantier dont il s’occupait, situé de l’autre côté de la vallée, qui avançait», renchérit Isabelle, qui tient aujourd’hui encore son conjoint pour responsable de ce fiasco. «Depuis qu’il a décidé de se lier à ces gens, notre vie a tourné H24 autour des problèmes de la maison et notre relation s’est gravement dégradée», note-t-elle, en estimant que «la maison» est pour beaucoup dans leur rupture.
Pourtant, à ce moment-là, le couple n’est de loin pas encore au bout de ses surprises. Face à la multiplication des soucis et voyant arriver un nouveau retard, il exige d’être relogé aux frais du constructeur. Et ce, jusqu’à la fin du chantier, ayant donné le congé de l’appartement qu’il occupait pour la fin octobre. Ce que R.K. accepta.
Le récit continue: «Le hic, c’est que trouver un appartement à louer dans la région de Sion en quelques semaines s’avéra mission impossible. Afin de ne pas nous retrouver à la rue, quelques jours avant l’échéance de notre congé, nous avons aménagé dans un Airbnb, à Veysonnaz, pas du tout à notre goût, ni adapté à nos besoins.» Un petit appart' que R.K., de surcroît, n’a payé que deux mois. Avant d’informer Manou qu’il mettait fin avec effet immédiat et unilatéralement au mandat de construction que l’architecte lui avait confié.
Problème, contacté, R.K. nous a avoué tout de go que l’architecte en question était en réalité… lui-même! Et d’enfoncer le clou: «Le couple ne veut pas comprendre que depuis la faillite de la première société, il ne bénéficiait plus d’un contrat d’entreprise générale», tente-t-il de justifier, avant d’incriminer son manque de budget. «Leurs moyens étaient insuffisants», assène avec un bel aplomb celui dont la société a été radiée du Registre du commerce le 4 mars dernier.
Appel à la solidarité
Au final, Isabelle et Manou ont déjà déboursé 600’000 francs pour une maison qui se trouve aujourd’hui dans un état de délabrement avancé et dont la construction est à l’arrêt depuis décembre 2022. «Même les raccordements de l’eau, de l’électricité et des égouts n’ont pas été faits», se désole Manou, en désignant les tuyaux Geberit jonchant le sol.
Miné par les soucis, il tombera dans une sévère dépression courant 2023, qui l’éloignera de son job durant cinq mois. Aujourd’hui rétablis, lui et la maman de Lou voient poindre une lueur d’espoir grâce au soutien d’un promoteur du Valais central.
Ému par leur descente aux enfers, Dominique, dont un des fils est un proche collègue d’Isabelle, a en effet bénévolement repris le chantier en main. «J’ai vécu récemment un drame familial similaire à celui qui a touché de plein fouet Isabelle il y a quelque mois. Tout cela m’a sensibilisé à la situation qu’elle endure et je ferai tout pour les sortir les deux de là», promet-il, bien décidé à ne rien lâcher.
Le hic, c’est que le couple ne dispose plus que de 130’000 francs de crédit alors qu’il en faudrait au moins le double pour remettre leur propriété en état. «Je suis sans doute un doux rêveur, mais qui sait, votre article touchera peut-être une personne fortunée qui se déclarera prête à donner un coup de pouce? Ou pourquoi ne donnerait-il pas naissance à un financement participatif qu’Isabelle et Manou rembourseraient petit à petit? Nous allons essayer de les aider par tous les moyens», assure le quinquagénaire, déterminé.
Le geste de la banque aux épis
Concernée au premier chef, la banque aux épis de blé qui a accordé le crédit a déjà fait un geste substantiel, en bloquant momentanément le versement des intérêts. «Même s’il faudra s’acquitter de ces annuités un jour, c’est à la fois très appréciable et motivant», se réjouissent les deux malheureux propriétaires.
Ces derniers se remettent à rêver malgré la douloureuse épreuve qu’ils traversent. «Le jour où ce cauchemar prendra fin, il faut que l’un de nous réside une année ou deux dans la maison pour tester sa fiabilité et déceler ses derniers défauts. Après quoi, il pourra racheter la part de l’autre ou nous pourrons la vendre», imagine Isabelle en esquissant un sourire. Qui a dit que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir?