«Il y a assez de gaz sous la Suisse pour que nous puissions nous approvisionner nous-mêmes!» Patrick Lahusen, éternel optimiste, n'a jamais cessé de l'affirmer: il existe de nombreuses réserves gazières en Suisse.
Ce pionnier connaît le sous-sol du pays comme sa poche. Il fore depuis des décennies à la recherche de pétrole et de gaz, et possède donc de nombreuses données précieuses pour l'exploitation éventuelle de gisements. L'ancien banquier zurichois avait même voulu, il y a longtemps, extraire de l'or gris de la réserve des Grangettes, près de Villeneuve. Un projet qui avait toutefois été abandonné, car jugé trop risqué.
Une lueur d'espoir
Ses études sont aujourd'hui une lueur d'espoir dans la quête désespérée de la Suisse pour remplacer le gaz naturel russe. Notre pays dépend actuellement uniquement des importations: il pourrait donc être touché par les mêmes pénuries que l'UE, puisque Moscou referme toujours plus le robinet. De plus, il faut de nouveaux gazoducs pour acheminer le gaz du Golfe ou des Etats-Unis vers l'Europe, et donc vers la Suisse. Or, le détournement de ces flux mondiaux est une entreprise très coûteuse.
C'est pourquoi on a toujours cherché des gisements de pétrole et de gaz au sein notre pays. Sur les bords du Léman, dans le canton de Vaud, mais aussi dans le canton de Zurich, où la méthode controversée car polluante de la fracturation hydraulique a même été utilisée. Celle-ci consiste à fracturer la roche de stockage à grands frais afin de pouvoir exploiter les gisements de pétrole et de gaz. A ce sujet, Peter Lahusen tient à préciser que cette façon de faire serait bien moins dommageable de nos jours. Le spécialiste l'assure, «cette technologie est maintenant bien mieux maîtrisée».
L'ancien financer de Credit Suisse a participé à la plupart des projets en la matière. Il reste dans notre pays quelques forages fermés de façon très simple, affirme-t-il: «Ceux-ci ont pu être rouverts en quelques semaines!» Il se refuse toutefois à révéler l'emplacement exact des forages d'essai. Par respect pour la population locale, poursuit-il, qui ne doit pas apprendre par les médias que la solution aux problèmes gaziers de la Suisse se trouve peut-être sous ses maisons.
De l'or gris à Lucerne
Jusqu'à présent, un seul un gisement important de gaz a été exploité en Suisse. Il se trouve à Lucerne, plus exactement à Finsterwald, et a été trouvé lors de recherches de pétrole. Extrait entre 1985 et 1994, le gaz a été injecté dans le gazoduc de transit voisin. L'opération n'a pas rapporté d'argent, mais a permis de couvrir les coûts de production et une partie des coûts de forage.
A Saint-Gall aussi, du gaz a été découvert dans le cadre d'un projet de géothermie. L'exploitation du gisement n'a pas été envisagée à l'époque: il était bien moins cher d'importer du gaz de l'étranger que d'extraire cette source d'énergie sur son propre territoire. Une situation qui a radicalement changé avec l'éclatement de la guerre en Ukraine.
Des travaux préliminaires prometteurs?
Très concrètement, au Tessin, du gaz naturel pourrait être extrait tout prochainement, comme l'écrit la «SonntagsZeitung». «Si tout se passe bien et que les autorités responsables nous soutiennent, ce sera possible dès la fin de l'année 2025», a affirmé Pietro Oesch, un entrepreneur à la retraite qui s'occupe depuis longtemps de la recherche de gaz dans le canton italophone.
Le pionnier de l’exploration gazière au Tessin a déjà fouillé le sol de son canton à la recherche de gisements. «Près de 65% des travaux préparatoires et des investigations ont déjà été effectués entre 2000 et 2010», détaille-t-il. Et si les premiers résultats étaient éloquents, ce n'est pas surprenant, appuie-t-il: l'Italie voisine extrait du gaz depuis des décennies.
Task force dans le secteur gazier
Peter Lahusen, quant à lui, se montre sceptique sur le potentiel du gisement situé sous le lac Majeur. «Il y a des fuites de gaz dans le lac en permanence, explique le Zurichois. Autrement dit, le réservoir fuit!» De plus, les plaques eurasienne et africaine se rencontrent au sud de la Suisse, ce qui signifie que la pression dans le sous-sol est élevée: le gaz est emprisonné dans de tout petits pores de roches. Le spécialiste continue toutefois de considérer le Tessin comme un endroit «fondamentalement intéressant pour la recherche de gaz».
En attendant, afin de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de cet hiver, le secteur gazier a mis en place la semaine dernière une task force nommée Approvisionnement hivernal 2022/2023, à laquelle participent également les autorités fédérales. Celle-ci prévoit des accords avec les pays voisins et des plans d'attaque en cas de pénurie.