L’éditeur de l’hebdomadaire de la «Weltwoche», le conseiller national UDC Roger Köppel, est de nouveau sous les feux des critiques. Le journal fait les gros titres en Suisse alémanique depuis la semaine dernière. «Die Weltwoche» ferait de la «propagande poutinienne», titre le «Tages-Anzeiger». Et la NZZ de renchérir: «Vladimir Poutine, l’incompris, et Roger Köppel, le soi-disant incompris qui comprend Poutine.»
C’en était trop pour un éminent publiciste allemand. Henryk M. Broder a décidé de tirer la prise et de mettre fin à sa longue collaboration avec le média de la droite conservatrice, ouvertement à cause du «poutinisme» de l’hebdomadaire suisse. En juin dernier, un reporter de guerre, Kurt Pelda, avait aussi pris ses distances avec Köppel après ses déclarations. L’éditeur de la «Weltwoche» est-il allé trop loin?
Roger Köppel contre-attaque
Faire marche arrière ne fait pas partie des habitudes du conseiller national zurichois: le polarisant Roger Köppel est passé à l’offensive pour défendre sa position sur la guerre en Ukraine. Il accuse les autres médias de partialité dans un entretien avec la «SonntagsZeitung». Mais dément toutefois toute sympathie pour Poutine: «Ni moi ni aucun autre représentant de l’UDC n’a jamais fait l’éloge de Poutine ou éprouvé de la sympathie pour lui, affirme-t-il. J’ai condamné cette guerre dès le début et je veux qu’elle s’arrête!»
«Mais les sanctions contre la Russie ne fonctionnent pas, critique-t-il ouvertement. Poutine avance imperturbablement, gagne plus que jamais grâce aux prix élevés de l’énergie dus aux sanctions et a 84% d’approbation du peuple en Russie. Avant la guerre, ce soutien n'était que de 40 à 50%!» Alors, que faire? Pour Roger Köppel, il n'y a qu'une solution. «Si l’on veut que cette guerre s’arrête bientôt, il faut négocier avec le président russe!, affirme-t-il. Même si on le considère comme l’homme le plus malfaisant de la terre. Sans quoi l’économie suisse risque de tourner à la catastrophe et le monde pourrait plonger dans la plus grande famine depuis 60 ans.»
«Arrogants et aveugles»
Que pense-t-il de l’aide militaire occidentale? Aussi inutile que le reste des mesures, selon le conseiller national UDC, car on «ne connaît pas les véritables buts de guerre du président russe». «Cette politique pourrait prolonger la guerre, assène-t-il encore. Si l’on ne peut ou ne veut pas vaincre un adversaire militairement, il ne reste rien d’autre à faire que de négocier.» Il qualifie de «scandale» la manière dont la Suisse prive les entrepreneurs russes de leur fortune. «Le Conseil fédéral a abandonné la neutralité sans réfléchir, tonne-t-il. Les médias y ont contribué, avec un culte de la diabolisation de Poutine qui nous rend arrogants et aveugles à nos propres valeurs et intérêts.»
D'après le conservateur, la Suisse aurait laissé passer sa chance d’être «la zone neutre» pour que «les belligérants négocient la paix»: elle aurait repris à l’identique les sanctions de l’UE, ce qui ferait de notre pays un participant de la guerre économique contre la Russie.
«Notre sécurité est gravement menacée»
Pour Roger Köppel, les conséquences de cette reprise des mesures sont «graves»: «Les Russes, une puissance mondiale dotée de 6000 ogives nucléaires, nous ont placés sur la liste des États hostiles. Notre sécurité est gravement menacée.»
Le conseiller national «plaide résolument pour le concept de neutralité intégrale qui a fait ses preuves, tel que la Suisse l’a appliqué pendant la Seconde Guerre mondiale.» Il balaie le fait que notre pays ait livré des armes aux Allemands et qu’elle ait également servi de zone de transit. «C’était une question de survie.» À un moment donné, le Conseil fédéral a dû ordonner aux entreprises de faire des affaires avec les Allemands.
Garder la tête droite face aux intérêts nationaux
Subsiste encore une question à laquelle l’éditeur de la «Weltwoche» ne semble pas avoir envie de répondre. Vladimir Poutine est-il un criminel? L’UDC zurichois élude la question. Il affirme dans un premier temps qu’il faudrait prouver que les «accusations sont fondées», ajoutant dans un second temps que, «oui, toute guerre d’agression est criminelle, un méfait, injustifiable, même si l’histoire de la Russie et de l’Ukraine est très complexe».
«Chaque jour de guerre est une catastrophe pour tout le monde: pour la population civile, pour tous les soldats, ajoute-t-il. Ces horreurs doivent cesser! Mais elles ne doivent pas nous empêcher de garder la tête froide face aux conséquences de nos actes et à nos intérêts nationaux.»