Qui succédera au ministre des Finances Ueli Maurer? Il semble à peu près certain qu'il ne s'agira pas d'un Zurichois. Les candidats les plus prometteurs - l'ancien président du parti Albert Rösti et le conseiller aux Etats Werner Salzmann - sont tous deux originaires du canton de Berne. La conseillère nationale Esther Friedli de Saint-Gall est également pressentie.
Le fait que Zurich doive se passer de conseiller fédéral est une exception: depuis la création de l'Etat fédéral moderne en 1848, les Zurichois ont presque toujours participé au gouvernement - sauf pendant une interruption de six ans.
Cela n'est pas simplement dû au fait que Zurich est le canton le plus peuplé, mais aussi à une réglementation qui était en vigueur jusqu'à la révision de la Constitution fédérale de 1999: Zurich, Berne et Vaud avaient légalement droit à un représentant au Conseil fédéral. Les trois cantons occupent donc les trois premières places du hit-parade des conseillers fédéraux: 20 Zurichois, 15 Vaudois et 14 Bernois ont siégé au gouvernement fédéral au cours des 124 dernières années.
Zurich, Berne et Lucerne avaient autrefois des droits spéciaux
De manière plutôt surprenante, le minicanton de Neuchâtel arrive en quatrième position (9 conseillers fédéraux), suivi du Tessin (8), puis du canton de Soleure, lui aussi plutôt petit (6). A titre de comparaison, Lucerne, qui compte environ 420 000 habitants, soit plus du double de Neuchâtel, n'a que cinq conseillers fédéraux.
Ce classement n'est pas le fruit du hasard, mais s'explique en grande partie par l'histoire suisse. Tout le monde n'a pas toujours eu les mêmes droits, comme l'explique le politologue et historien Claude Longchamp. Il y avait des cantons souverains et des régions soumises. Entre 1815 et 1847, Zurich, Berne et Lucerne étaient considérés comme les «meilleurs» cantons, et dotés de droits particuliers. Après que les cantons catholiques conservateurs eurent déclenché - et perdu - la guerre du Sonderbund en 1847, Lucerne, le canton perdant, fut exclu de ce cercle illustre. Le canton de Vaud réformé a été admis à sa place.
A partir de 1848, les trois grands cantons envoyèrent chacun un représentant à la Berne fédérale, tandis que les 19 autres devaient se partager les quatre sièges restants.
Pendant longtemps, seuls les hommes libéraux-radicaux étaient admis comme représentants: les cantons catholiques avaient finalement perdu la guerre. «L'État fédéral est une fondation libérale», souligne Claude Longchamp.
Un PS modéré dans les années 1940
Cela explique aussi pourquoi les cantons de Suisse centrale comme Lucerne sont encore aujourd'hui à la traîne en ce qui concerne le nombre de leurs conseillers fédéraux. Ce n'est qu'en 1891, après plus de 40 ans, que le premier représentant catholique-conservateur a été élu au Conseil fédéral.
Les cantons à tendance libérale comme Neuchâtel et Soleure ont profité de cette disposition. Au 19e siècle, ils ont envoyé un nombre relativement élevé de représentants à Berne. Lorsque les socialistes ont été admis pour la première fois au gouvernement après 1943, ils en ont à nouveau profité: dans les deux cantons, le PS fait partie de l'aile modérée. Cela rendait les candidats plus facilement éligibles pour l'Assemblée fédérale conservatrice.
Reste le canton du Tessin - également surreprésenté dans les statistiques du Conseil fédéral. Les Tessinois ont longtemps eu droit à un siège en vertu de la Constitution, tout comme la Suisse romande. Puis les Romands ont fait valoir leur droit à deux sièges. Le Parlement a alors promis aux Tessinois de prendre en compte leurs représentants «au cas par cas», comme le révèle l'historien. C'est aussi la raison pour laquelle le reste de la Suisse ne voulait pas que les Tessinois soient exclus trop longtemps du gouvernement.
Deux conseillers fédéraux du même canton? Possible
Voilà pour l'histoire. Avec la révision de la Constitution fédérale de 1999, il n'est plus question de cantons, mais de «régions nationales et linguistiques» qui doivent être représentées de manière adéquate. Une réglementation qui permet nettement plus de flexibilité - et qui a pour conséquence que deux représentants du même canton siègent parfois au Conseil fédéral.
C'était le cas dernièrement avec les Bernois Johann Schneider-Ammann et Simonetta Sommaruga. Ce qui pourrait bientôt se répéter avec Albert Rösti ou Werner Salzmann. Berne rejoindrait alors mathématiquement Vaud, son ancien territoire de sujétion.