Suleyman Kerimov s’est fait connaître en Suisse par un coup d’éclat. En novembre 2006, l’homme d’affaires russe fonce dans un palmier à Nice, au volant d’une Ferrari immatriculée à Lucerne. Les images de la voiture de sport coupée en deux ont fait le tour du monde. Suleyman Kerimov a subi de graves brûlures et est resté dans le coma pendant des semaines.
La Ferrari appartenait à l’homme d’affaires lucernois Alexander Studhalter. Selon ses propres dires, celui-ci est un partenaire commercial de longue date et un ami personnel de Suleyman Kerimov. Il a notamment été président du conseil d’administration de la «Suleyman Kerimov Foundation», installée à Lucerne depuis 2007 et qui recevait entre autres des dons de l’oligarque. Il y a quelques années encore, son frère Philipp Studhalter faisait partie du conseil de fondation. L’ex-patron du FC Lucerne est aujourd’hui président de la Ligue suisse de football.
Selon l’objet de la fondation, celle-ci devait servir «la charité et l’utilité publique dans le monde entier», par exemple en soutenant des personnes et des entreprises dans le besoin ou en encourageant l’éducation, la recherche et la culture.
Le plus riche des Russes
Ses liens avec la Suisse centrale ont valu à Suleyman Kerimov le surnom d'«oligarque de Lucerne». En 2020, le magazine «Forbes» a parfois placé l’homme d’affaires et sénateur originaire du Dagestan en haut de sa liste des Russes les plus riches, avec une fortune de 25 milliards de dollars américains. Depuis la mi-mars, Suleyman Kerimov figure sur une autre liste, plus infamante que fameuse, celle des sanctions de l’UE et de la Suisse en raison de ses liens étroits avec le président russe Vladimir Poutine.
La «Suleyman Kerimov Foundation» a été dissoute il y a quelques semaines. Cela n’aurait rien à voir avec la guerre en Ukraine, a assuré le président du conseil de fondation Alexander Studhalter à la «NZZ». La fondation aurait tout simplement rempli son objectif. «Sa dissolution a été décidée et engagée dès novembre 2021, alors que personne ne pouvait prévoir la guerre en Ukraine.» Le fait que cette décision soit justement entrée en vigueur maintenant ne serait qu’un «simple hasard».
Depuis 2007, la fondation a versé près d’un demi-milliard de francs suisses à des fins caritatives, comme l’a écrit la «Luzerner Zeitung». En 2018, elle a été rebaptisée Human Diversity Foundation après que Kerimov et Studhalter se sont retrouvés dans le collimateur de la justice française pour des affaires immobilières. Ils ont par la suite été blanchis des soupçons de fraude fiscale et de blanchiment d’argent.
Partenaires commerciaux depuis 1995
Celui qui a donné son nom à la fondation n’était pas le seul bailleur de fonds de la Suleyman Kerimov Foundation. Il n’a jamais fait partie du conseil de la fondation. «Elle n’a jamais rien eu à voir avec les activités commerciales de Kerimov», a déclaré Alexander Studhalter à la «NZZ». «Nous recevions environ cinq demandes de soutien par semaine, que notre équipe de Lucerne traitait, examinait et prenait une décision par cas.»
Alexander Studhalter a précisé qu’il avait fait la connaissance de Kerimov par hasard à Moscou en 1995. «Je vendais alors des ordinateurs en Russie et j’étais heureux de tout bon contact.»
(Adaptation par Jocelyn Dalloz)