Sur la table, un bol rempli d’une sous-marque de Sugus, un roman graphique signé Riad Sattouf, des bandes dessinées usées des éditions Dupuis et la presse régionale imprimée. Dans les haut-parleurs, Demis Roussos puis deux Joe: Dassin et Cocker. À l’intérieur des murs de cette échoppe du haut de l’Avenue de la gare, à Lausanne, il n’y a pas que les tarifs raisonnables et les lames aiguisées du coiffeur et barbier Abdesselem Ben Abdallah qui sont à l’ancienne. Tant mieux!
Le salon pour hommes Figaro-correctif n’échappe cependant pas complètement aux exigences du XXIe siècle. Notamment à celle, pour les commerçants, d’afficher une vitrine en ligne. Mais voilà: Abdesselem manie mieux son coupe-choux et son fil à épiler que les plateformes de Meta.
En voulant — «naïvement», concède-t-il — rendre service à une amie Facebook qui lui demandait de lui transmettre un code reçu sur son téléphone portable «pour participer à un concours thermomix», l’as des ciseaux a en réalité permis à un escroc de prendre le contrôle de sa petite entreprise sur le réseau social de Mark Zuckerberg. Le début d’une sacrée galère.
Attention, arnaque!
Ce Tunisien d’origine, qui a taillé sa première nuque à l’âge de neuf ans contre des bonbons, désespère. «Je suis comme coupé du monde, lance-t-il à Blick. Pour venir chez moi, il n’y a pas besoin de rendez-vous. Mais beaucoup préfèrent s’assurer en m’écrivant un message sur Messenger qu’il n’y a pas ou peu d’attente avant de se présenter. Depuis le piratage informatique, ce n’est plus possible.»
Embêtant, il est vrai. Mais pas le plus grave: «Le hacker harponne mes clients en mon nom pour leur extorquer de l’argent, déplore le coupe-tifs. Je le sais car certains me demandent ensuite, un peu gênés, si j’ai vraiment besoin d’aide.»
Celui qui n’a jamais caché à ses fidèles la précarité de sa situation face à la concurrence qu’il juge «déloyale» des nouveaux barbers shops craint sérieusement pour sa réputation et sa trésorerie. Il se veut toutefois rassurant: «Je prends la parole pour que tout le monde sache que les prestations que je facture me suffisent et que j’ai contacté Facebook pour essayer de rétablir la situation au plus vite.» Une démarche, appuyée par Blick, pour l’instant restée lettre morte.