L'association Schutzinitiave (Initiative de protection) est indignée. Les raisons de sa colère? Une brochure d'information de 60 pages intitulée «Hey You». En neuf chapitres, ce document éducatif destiné aux écoles fournit des informations sur l'amour, le sexe ou encore la contraception. Celle-ci donne aux adolescents de 12 à 18 ans des réponses à des questions telles que «Comment reconnaître un orgasme?» et évoque aussi l'utilisation de divers sextoys par exemple.
Cela ne passe pas pour l'association. Au mois de juin déjà, son comité — au sein duquel siège notamment la conseillère nationale UDC zurichoise Verena Herzog — a sévèrement critiqué cette «brochure perverse». Selon les membres, l'ouvrage édité par Santé sexuelle Suisse (SSCH), partenaire de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), doit être retiré de la circulation.
Après les accusations de cet été, les éditeurs se sont fermement défendus. L'association Schutzinitiative a donc désormais déposé une plainte pénale contre eux ainsi que contre deux rédactrices.
«Encourager les enfants à utiliser des jouets sexuels»
La brochure «incite, sous couvert d'information, les enfants et les adolescents à utiliser des jouets sexuels tels que godemichés ou des plugs anaux», critique l'association dans un communiqué, n'hésitant pas à qualifier l'ouvrage de «brochure porno».
Il est précisément reproché aux responsables d'avoir enfreint l'article 187 du code pénal, intitulé «Actes d'ordre sexuel avec des enfants». Il s'agit d'un délit dit de mise en danger abstraite, qui ne suppose pas de mise en danger immédiate, mais qui suffit à ce que les éléments constitutifs de l'infraction soient réunis. L'incitation à un acte sexuel est donc déjà un motif de poursuite.
Selon l'association, il ressort de la brochure que «le public cible - c'est-à-dire les enfants à partir de douze ans - est incité à utiliser des jouets sexuels et donc à commettre un acte sexuel», peut-on lire dans un communiqué. En plus de la plainte pénale, l'entité agit également sur le plan administratif contre les responsables de la brochure et critique l'aide financière accordée par la Confédération. Concrètement, la Fondation Santé Sexuelle Suisse est soutenue par celle-ci à hauteur de 800'000 francs par an.
Un précédent en 2011
Ce n'est pas la première fois que l'éducation sexuelle dans les écoles suisses se heurte à une résistance considérable. En 2011, des valises contenant des objets sexuels avaient été distribuées dans les écoles bâloises. Outre des vagins en peluche et des pénis en bois, les valises contenaient aussi des vidéos d'éducation sexuelle pour les enfants et les adolescents de différentes tranches d'âge. Un tollé. L'initiative populaire «Protection contre la sexualisation à l'école maternelle et primaire» avait été lancée en 2013, puis retirée, car les valises en question avaient cessé de circuler.
Fin de l'épisode? Loin de là puisque deux familles bâloises ont porté plainte par la suite devant la Cour européenne des droits de l'homme. En cause, les cours d'éducation sexuelle qui ont été déclarés obligatoires dans le programme scolaire. Elles ont perdu le procès en 2018, mettant ainsi fin à un débat émotionnel qui durait depuis des années, mais qui couve toujours.