Trois semaines décisives pour nos retraites
La gauche croit plus que jamais à son «séisme politique»

Le 25 septembre, les Suisses décideront s'ils acceptent de faire travailler les femmes jusqu'à 65 ans et augmenter la TVA pour financer leurs retraites. Revigorés par les sondages, les opposants à AVS21 ne lâcheront rien jusqu'à la dernière minute.
Publié: 01.09.2022 à 07:57 heures
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Dernière mise à jour: 02.09.2022 à 11:44 heures
Le sondage de mercredi a redonné le sourire à Benoît Gaillard, combatif.
Photo: Thomas Egli
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Un coup d’œil sur le calendrier le montre: nous sommes entrés dans le mois de tous les combats en politique fédérale. La session d’automne s’annonce musclée, sur fond de crise du pouvoir d’achat et de l’énergie, et les votations du 25 septembre doivent redessiner le visage de l’AVS. Un refus de la réforme esquissée par le Parlement aurait tout d’un séisme politique, et la gauche le sait bien.

Ce mercredi, la publication d’un nouveau sondage par Tamedia faisant état d’un soutien en recul (52%) pour le relèvement de l'âge de la retraite des femmes et la hausse de la TVA a donné un coup de boost aux référendaires dans cet objet marqué par un double clivage (hommes-femmes et Röstigraben).

A l’heure où les Suisses commencent à remplir leurs bulletins de vote, Blick a décidé de donner aux deux camps l’occasion de livrer leurs derniers arguments. Commençons avec les réfractaires à AVS21 et Benoît Gaillard. L’élu socialiste à Lausanne mais aussi — et surtout — responsable de la communication et des campagnes à l’Union syndicale suisse, qui mène la fronde dans ce dossier.

La baignoire fuit-elle vraiment?

Les objets concernant les retraites sont traîtres. Ils sont très émotionnels, concernent tout le monde mais sont aussi très techniques. Ils donnent donc lieu à des batailles de chiffres où il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. Il n’y a qu’à consulter les réseaux sociaux des principaux protagonistes du dossier, qui s’affrontent à grands renforts de graphiques et de projections, pour le constater. Les partisans de la réforme qualifient l’AVS de baignoire qui fuit et menace de se vider dans les décennies à venir.

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Benoît Gaillard ne veut rien entendre de ce catastrophisme de la droite libérale. «Selon les scénarios actuels, sans AVS 21, l’AVS aura encore 43.5 milliards de réserve. Soit pratiquement autant qu’aujourd’hui. Avec AVS21 il est prévu qu’on en ait 60 milliards, avance le socialiste. Donc on nous dit qu’il faut augmenter la TVA et surtout l’âge de la retraite des femmes pour constituer 13 milliards de plus de réserves – de réserves!»

L’AVS se porte bien mieux que prévu, et les chiffres de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) donnent raison au Vaudois. «L’OFAS prévoyait un capital de l’AVS en baisse à 25 milliards en 2032. C’est sur ces chiffres-là que le Parlement a concocté AVS21. Or, en mai dernier, de nouvelles prévisions faisaient état sans cette réforme d’un capital de 43,5 milliards, soit 18,5 milliards de plus.»

Pour amener de l’eau à son moulin, le syndicaliste brandit un communiqué du Conseil fédéral datant de 2011, qui prévoyait des réserves sous la barre des 23 milliards dès… 2020. «Aujourd’hui, nous en avons le double: les réserves correspondent à 105% des dépenses d’une année, elles ont rarement été aussi élevées.»

Trois portraits pour mesurer l'inflation

L’inflation. On ne parle que de ça depuis quelques mois. Commençons par les chiffres. «Le Temps» détaillait fin juillet l’analyse de Comparis et du Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sur le sujet. Selon leur calcul, la hausse des prix est de 1,4% sur une année, au premier semestre 2022. Pour la même période, le Secrétariat d'État à l'économie parle, lui, de 0,5%.

Conséquence: sans augmentation des salaires, le pouvoir d’achat des Suissesses et des Suisses plonge. Pour quels impacts humains? Afin de le comprendre, Blick développera cette thématique dans la semaine du 29 août au 2 septembre.

Première étape, des rencontres avec trois personnes au profil très différent: une travailleuse précaire valaisanne, une retraitée genevoise et un employé communal fribourgeois tout en haut de l’échelle salariale depuis cinq ans. Ces deux femmes et cet homme racontent leur quotidien, leurs choix, leurs factures, leurs doutes et leurs craintes face à l'envol du coût de leur vie.

L’inflation. On ne parle que de ça depuis quelques mois. Commençons par les chiffres. «Le Temps» détaillait fin juillet l’analyse de Comparis et du Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sur le sujet. Selon leur calcul, la hausse des prix est de 1,4% sur une année, au premier semestre 2022. Pour la même période, le Secrétariat d'État à l'économie parle, lui, de 0,5%.

Conséquence: sans augmentation des salaires, le pouvoir d’achat des Suissesses et des Suisses plonge. Pour quels impacts humains? Afin de le comprendre, Blick développera cette thématique dans la semaine du 29 août au 2 septembre.

Première étape, des rencontres avec trois personnes au profil très différent: une travailleuse précaire valaisanne, une retraitée genevoise et un employé communal fribourgeois tout en haut de l’échelle salariale depuis cinq ans. Ces deux femmes et cet homme racontent leur quotidien, leurs choix, leurs factures, leurs doutes et leurs craintes face à l'envol du coût de leur vie.

«Le problème, c'est le 2e pilier»

En s'écharpant sur l'AVS, on se trompe de combat, estime Benoît Gaillard. Car cette assurance se débrouille bien malgré un problème structurel ponctuel (les baby-boomers) compensé par les travailleurs de plus en plus nombreux, notamment les femmes. «L’urgence, ce n’est pas de couper dans l’AVS, mais de garantir le niveau des rentes. Le problème, c’est que les rentes du 2e pilier baissent depuis des années!», tonne Benoît Gaillard.

Les turbulences économiques actuelles mettent cet instrument sous pression. «Les rentes LPP sont en baisse depuis 20 ans et voilà que l’inflation entre dans la danse. Le 2e pilier n’est pas armé face à ce nouveau problème, puisque les rentes ne sont pas indexées contrairement à l’AVS.» La bataille pour «défendre l’AVS» devient donc encore plus importante aux yeux de la gauche, puisque les rentes LPP sont amenées à baisser.

Autre enjeu de taille dans ce conflit gauche-droite: la taxe sur la valeur ajoutée. L’utilisation de la fameuse TVA comme outil «miracle» dans AVS21 fait tiquer Benoît Gaillard. «Jusqu’à présent, la droite était sceptique face aux augmentations de la TVA. Nous avions pu l’admettre lorsqu’il y avait des améliorations de l’autre côté. Mais là, pour la première fois, il faudrait dire oui 0,4 point d’augmentation d’un coup avec pour seule contrepartie des baisses de prestation dans l’AVS? Qui peut accepter ça?»

Pour le Vaudois, ce n’est pas anodin si le «tabou» de la TVA est tombé à droite, à l’heure où chaque dixième d’inflation est combattu avec beaucoup d’efforts. «Pourquoi pousser la TVA? Parce qu’ainsi, on met le moins possible à contribution les hauts revenus. On déplace les coûts vers des impôts payés de façon antisociale.»

La TVA, un autogoal à droite?

Au-delà des slogans, le responsable de la communication à l’Union syndicale suisse ressort sa calculatrice pour joindre les chiffres à la théorie: «Pour avoir les mêmes effets que ce que rapporterait cette hausse de TVA, il suffirait d’augmenter quand ce serait nécessaire les cotisations de 0,16%, pour les salariés et les employeurs, propose le Lausannois. Conjoncturellement, alors qu’on scrute chaque dixième de pourcentage de renchérissement, le choix de la TVA comme instrument est délirant!»

Benoît Gaillard espère que cette stratégie puisse avoir un effet boomerang dans trois semaines: une hausse de la TVA ferait bondir les prix de tous les biens de consommation — et ce n’est jamais bon lorsque le porte-monnaie des électeurs est touché. «Le sondage publié mercredi matin montre une baisse de l’adhésion dans l’électorat de gauche, mais aussi à l’UDC sur la TVA. Il y a une hostilité latente, notamment dans les milieux populaires, qui s’exprime à nouveau.»

S'ils veulent exploiter ces failles, le socialiste et ses camarades doivent se presser: le sprint final est lancé, et chaque vote va compter.

Le point de vue des partisans d'AVS 21 avec Johanna Gapany (PLR/FR).

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