Johanna Gapany défend AVS21
«Dire aux femmes que leur problème c'est l'AVS est malhonnête»

Avec un soutien en recul, notamment chez les femmes et en Suisse romande, AVS21 est en danger. Convaincue de la qualité de la réforme, Johanna Gapany repousse les assauts de la gauche et les critiques des femmes qui devraient travailler un an de plus.
Publié: 02.09.2022 à 08:14 heures
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Dernière mise à jour: 02.09.2022 à 09:48 heures
Economiste de formation, Johanna Gapany ne partage pas du tout les petits calculs de la gauche sur AVS21.
Photo: keystone-sda.ch
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Johanna Gapany, 34 ans, devra-t-elle encore travailler 30 ou 31 ans avant de prendre sa retraite? Les Suisses répondront (indirectement) à cette question dans trois semaines, dans le cadre de la réforme de l’AVS. Le projet ficelé par le Parlement est attaqué par un référendum d’une gauche particulièrement combative.

L’économiste de formation n’a pas la tâche facile. Elle qui veut «faire de la prévoyance non pas une désillusion ou un rêve, mais un système simple à comprendre qu’on construit tout au long de notre vie professionnelle», se retrouve doublement minorisée. Selon un sondage datant de ce mercredi, les Romands et les femmes sont largement opposés à la réforme, contrairement à la tendance nationale (52% de oui, en recul).

Pour autant, Johanna Gapany n’en démord pas: un âge de la retraite équivalent pour tous est un pas vers davantage d’égalité, assure-t-elle. Et les écarts salariaux injustifiés? Comment la première sénatrice fribourgeoise de l’histoire peut-elle soutenir une réforme faite «sur le dos des femmes»?

À trois semaines du scrutin, nous lui avons donné rendez-vous dans un café de sa capitale cantonale pour l’expliquer à Blick. «En tout cas, qu’on ne me dise plus que les jeunes ne s’intéressent pas à leur retraite. Tout le monde parle d’AVS21!», sourit l’énergique Fribourgeoise au moment de prendre place.

Plus de 50 milliards de francs: c’est la fortune actuelle de l’AVS. La gauche assure que cette assurance se porte bien, et les chiffres de l’Office fédéral des assurances sociales lui donnent raison. Faut-il vraiment être si pessimiste?
L’AVS ne va pas bien et ignorer l’évolution démographique n’est pas une option si l’on tient à cette assurance sociale. Très concrètement, les recettes ne sont plus suffisantes pour couvrir les dépenses. C’était un déficit de plus de 1 milliard en 2019 et si des apports externes (via la réforme de la fiscalité notamment) ont temporairement permis de garder la tête hors de l’eau, nous signons la fin de ce système si nous renonçons à toute réforme.

Dans un monde aussi volatil, peut-on encore faire des projections à long terme? Le Conseil fédéral prédisait le pire pour 2020 voici dix ans…
Pas besoin de se projeter trop loin pour comprendre le problème. Tout le monde le constate: nous vivons de plus en plus longtemps et il y a de moins de moins d’actifs pour de plus en plus de retraités. Le résultat de l’équation n’a rien de réjouissant, mais c’est la vérité: les recettes ne suffisent plus pour couvrir les dépenses et le véritable risque est le nivellement des rentes vers le bas. Ce que l’on veut à tout prix éviter.

Avec la gauche, vous êtes au moins d’accord sur un point: les baby-boomers qui arrivent à la retraite déséquilibrent le rapport entre travailleurs et rentiers. Mais il y a aussi de plus en plus de femmes sur le marché du travail, non?
Exact, et c’est une bonne nouvelle qui confirme une meilleure répartition des tâches entre les hommes et les femmes. Une meilleure répartition qui passe aussi par une augmentation du temps partiel chez les hommes, ce qui rend l’évolution moins frappante. A long terme, cette évolution peut changer la donne, mais cette réforme dessine l’AVS et la consolide d’ici 2032. On parle de très court terme.

L’égalité, venons-en! Les milieux féministes sont extrêmement engagés dans ce dossier, réalisé «sur le dos des femmes» par le Parlement. En tant que première élue fribourgeoise aux Etats, vous ne trahissez pas vos électrices?
Loin de là! Le jeu de la gauche n’est pas correct, puisque cette même gauche était favorable à l’égalisation de l’âge de la retraite lors de la réforme PV2020 (finalement refusée par la population). La majorité de la réforme va être financée par l’augmentation de la TVA. C’est l’ensemble de la population qui va participer à la stabilisation et à la consolidation de ce système.

Mais pourquoi céder sur l’âge de la retraite avant que les salaires soient équivalents?
Ce sont deux choses différentes. L’inégalité salariale n’est ni excusable, ni défendable. Et c’est un débat qui prend trop de temps. Mais maintenir une inégalité sous prétexte qu’une autre persiste n’a pas de sens et ne fait que repousser le moment où nous vivrons dans une société vraiment égalitaire. L’égalité, on la gagne en avançant dans tous les domaines.

Pourtant, cet argument convainc beaucoup de femmes en Suisse romande, puisqu’elles sont majoritaires contre cette réforme…
Les opposants se sont contentés de faire penser aux femmes que leur problème est l’AVS. Pourtant, c’est faux! Ce qui pénalise aujourd’hui les femmes, c’est le système de la LPP. Il est peu flexible et il n’est pas pensé pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui cumulent plusieurs revenus. La réforme de la LPP est en cours et je m’engage aussi pour qu’on rende ce système meilleur, en particulier pour les femmes.

Quels arguments sont malhonnêtes, selon vous?
Prenons les principaux. D’abord, l’opposition à l’égalisation de l’âge de la retraite alors que la gauche l’avait approuvé dans la précédente réforme. Ensuite, le fait de dire que les femmes sont les victimes de l’AVS. Il y a une différence au détriment des femmes dans la LPP, notamment parce que les personnes travaillant à temps partiel ou cumulant plusieurs revenus n’ont pas pu suffisamment cotiser. Mais les femmes gagnent sensiblement plus que les hommes au niveau de l’AVS! Surtout, on doit saisir l’occasion de cette réforme pour consolider notre AVS et en même temps pour sensibiliser les générations qui travaillent aujourd’hui et qui vont commencer à travailler afin qu’elles pensent aussi à leur retraite. On n’est pas là pour vendre du rêve, c’est la réalité que la population est en droit d’entendre.

Il y a un certain problème de confiance: les jeunes générations ne sont plus sûres d’avoir une retraite suffisante…
Justement! On ne peut pas dire aux gens qui cotisent toute leur vie qu’on ne sait pas trop où l’on va et conditionner le destin de l’AVS à des rentrées extraordinaires ou réalisées sur les marchés. Si tout à coup cela se passe mal, on fait quoi?

Vous l’avez dit: la situation actuelle n’est pas bonne, notamment sur le front du pouvoir d’achat. Peut-on vraiment se permettre d’augmenter la TVA de 0.4 point d’un coup?
La première version de cette réforme qui était proposée par le Conseil fédéral tablait sur une augmentation de 0.7 point — et ce n’était pas la première préoccupation de la gauche! Nous avons travaillé sur une augmentation supportable et la situation actuelle nous donne raison. Il fallait toutefois trouver le bon équilibre pour stabiliser la situation financière de l’AVS, attribuer des compensations aux femmes concernées par l’alignement de l’âge de la retraite et en même temps rendre cette réforme supportable pour toutes et tous.

Vous avez 34 ans. À quel âge Johanna Gapany sera-t-elle retraitée?
Il est très difficile de faire des pronostics. Mais davantage que ma retraite, j’espère voir cette réforme réussir pour garantir le niveau des rentes de toutes celles et ceux qui y sont aujourd’hui et celles et ceux qui y arrivent. Quant à la suite, il faudra sans doute travailler sur des modèles plus flexibles, en tenant compte de celles et ceux qui ont des métiers pénibles et celles et ceux qui veulent et peuvent travailler plus longtemps.

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