Traitement anti-cancer refusé
Un patient meurt un jour avant le verdict contre son assurance

Une thérapie anticancéreuse coûteuse était le dernier espoir de Karl Riebli-Föhn. Sa caisse maladie s'est refusée à payer jusque devant les tribunaux. Ces retards ont coûté la vie à l'octogénaire. Sa famille est en colère.
Publié: 23.12.2021 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 23.12.2021 à 07:20 heures
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Armin Riebli a perdu son père Karl Riebli-Föhn des suites d'un cancer. Pourtant, une thérapie spéciale aurait peut-être pu lui sauver la vie.
Photo: Fabian Fuhrer
Johannes Hillig (texte) et Fabian Fuhrer (photos)

Il est triste, mais surtout en colère. Il y a de quoi: «Mon père pourrait encore être en vie. Assis à côté de moi. Si seulement il avait eu une autre caisse maladie».

Armin Riebli vit en Suisse centrale. Il raconte à Blick les déboires de son père, à présent défunt, avec l'assurance «SLKK», anciennement «Caisse maladie des enseignants suisses». Plutôt que de payer le traitement contre le cancer dont Karl Riebli-Föhn, 82 ans, aurait eu besoin, elle a préféré aller en justice contre lui.

Tout a commencé en septembre 2018: à cette époque, le senior souffrait de diverses douleurs et s'est fait examiner à l'hôpital cantonal d'Obwald. Là, les médecins découvrent une tumeur. Un cancer, plus précisément: un lymphome non hodgkinien.

Les médecins commencent immédiatement une chimiothérapie. Dans un premier temps, tout semble aller bien. Karl Riebli-Föhn semble même guéri. Mais le cancer revient. En mai 2020, une tumeur est à nouveau détectée lors d'une tomodensitométrie. Une deuxième chimiothérapie commence. Avec des chances de rémission amoindries: les médecins conseillent donc vivement de recourir à une immunothérapie spécifique contre le cancer. Seule la thérapie par cellules CAR-T, que Novartis commercialise sous la marque Kymriah, pourrait être efficace. Les chances de succès, entre 50 et 60%, redonnent de l'espoir.

La thérapie fait partie de l'assurance de base

Le patient est envoyé à l'Hôpital de l'Île de Berne, leader dans le domaine de la thérapie concernée. Les spécialistes sur place abondent dans le sens de leurs collègues de Suisse centrale. Ils disent aussi qu'il faut agir vite. Karl Riebli-Föhn n'a plus que quelques mois à vivre. Pourtant, il ne sera pas traité. La demande des médecins du 27 mai 2020 adressée à la caisse maladie est rejetée.

Commence alors une odyssée juridique pour la famille Riebli. La caisse maladie refuse catégoriquement de prendre en charge les frais, alors qu'elle devrait le faire: la thérapie fait partie depuis le 1er janvier 2020 des prestations de base et figure donc à l'annexe 1 de l'Ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS).

La thérapie est très onéreuse: jusqu'à 370'000 francs. «La SLKK voulait économiser. Mon père n'en valait tout simplement pas la peine pour eux», accuse Armin Riebli.

Les médecins de la SLKK ne sont pas des oncologues

La caisse maladie justifie son refus par le fait que les critères «EAE» ne sont pas remplis. Selon ces critères, un traitement doit être efficace, approprié et économique. «Quelle absurdité, s'insurge Armin Riebli. La thérapie fait partie des prestations de base. Cela signifie que la caisse maladie doit payer, point.»

La SLKK s'y refuse et se réfère à ses médecins-conseils. Ce ne sont pourtant pas des spécialistes du cancer. «L'un est gynécologue, l'autre spécialiste en médecine interne», nous explique le fils en secouant la tête.

Il meurt la veille de l'arrêt du Tribunal fédéral

Le médecin-chef de l'hôpital de l'Île bataille contre la décision de la caisse maladie et explique à quel point son patient devrait être traité d'urgence pour avoir une chance de continuer à vivre. Rien ne se passe. «Entre-temps, le cancer a dévoré mon père. Il s'affaiblissait de jour en jour», raconte Armin Riebli. Alors que son père voit ses derniers jours arriver, l'affaire passe devant le tribunal administratif du canton d'Obwald, en février 2021. Avec un jugement à titre superprovisoire: la SLKK doit prendre en charge les frais.

A nouveau, la caisse maladie fait obstruction. Elle dépose un recours contre la mesure superprovisoire auprès du Tribunal fédéral. Devant lequel elle perd à nouveau. La thérapie par cellules CAR-T pourrait enfin commencer, neuf mois après ce qui était prévu. Trop tard. Karl Riebli-Föhn est mort le 13 avril 2021, un jour avant le verdict du Tribunal fédéral.

«Pas d'argent pour mon père, mais assez pour des frais de justice»

La peur pour son père, le combat au tribunal, son décès: tout cela a coûté beaucoup d'énergie à Armin Riebli. Il ne lui reste que sa colère. «Comment se fait-il qu'une caisse maladie puisse faire cela? La SLKK a laissé mourir mon père pour de l'argent. Elle en a pourtant trouvé, de l'argent, pour payer les frais de justice. C'est irrévérencieux. Il n'y a aucune excuse à tout ça», dénonce-t-il.

Il semblerait que le cas de son père n'est pas isolé. La caisse maladie zurichoise a refusé à un autre patient, beaucoup plus jeune cette fois (59 ans) le même traitement. Il a eu plus de chance, puisqu'il a réussi à réunir l'argent nécessaire au traitement en attendant le verdict et a survécu à son cancer, comme le rapporte l'équivalent alémanique de TTC «Kassensturz».

L'OFSP a ouvert une procédure de surveillance contre la caisse-maladie

Que répond la SLKK à propos de cette affaire? Nous lui avons demandé à plusieurs reprises de prendre position. Armin Riebli a même délié la SLKK de son obligation de garder le secret, lui permettant donc de donner des renseignements et de s'exprimer sur le cas. Elle s'est refusée à tout commentaire.

Armin Riebli en veut aussi à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). L'office aurait été au courant très tôt des pratiques de la caisse maladie, mais n'aurait rien fait. Le porte-parole de l'OFSP, Grégoire Gogniat, rejette ce reproche: «L'OFSP est intervenu auprès de l'assurance-maladie dès qu'il a eu connaissance du cas», nous dit-il.

Une procédure de surveillance a été immédiatement engagée. L'enquête n'est toutefois pas encore terminée. L'OFSP condamne les pratiques de l'assurance, par le biais de Grégoire Gogniat: «Il ne doit pas y avoir d'inégalités de traitement dans de tels cas.»

«La caisse maladie doit payer pour la mort de mon père»

Armin Riebli est également de cet avis. Et c'est pourquoi il lance un appel à tous les assurés en Suisse: «Il y a assurance de base et assurance de base. Ce sont justement les petites caisses-maladie qui essaient d'économiser de l'argent, sur le dos des patients. La SLKK a laissé mourir mon père. Pour moi, c'est un homicide volontaire.»

Il est en train d'examiner s'il peut poursuivre la SLKK en justice. «Je veux que la caisse maladie paie pour la mort de mon père. Des dommages et intérêts pour la douleur. Et garantir que cela ne se reproduise plus jamais.»

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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