Mercredi 14 juin a lieu la grève féministe en Suisse. Alors que l'égalité salariale fait partie des revendications du mouvement, une majorité des grands groupes cotés en bourse sont absents de la liste des «bons élèves», mise en place par Travail.Suisse.
Parmi les 20 titres de l'indice phare Swiss Market Index (SMI) seuls y figurent Swisscom et ABB, en plus d'une dizaine de sociétés du marché élargi. Sollicité par l'agence AWP, le géant bleu a indiqué que «la participation à la journée de grève féminine est ouverte à toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs, mais elle se fait sur le temps libre» et suppose l'accord préalable de la hiérarchie.
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Roche et UBS n'ont rien prévu de particulier pour la grève
Même son de cloche du côté du géant électrotechnique, qui se targue de disposer d'un modèle de travail flexible tant au niveau temporel que géographique permettant de «s'engager à titre privé pour un thème important comme l'égalité entre femmes et hommes et, par conséquent, de participer à la grève des femmes».
Roche dit ne pas encourager la grève, mais ne pas l'entraver, alors que pour Novartis, la participation à la manifestation «ne constitue pas une absence justifiée et n'est donc pas rémunérée». Chez UBS également, elle doit se faire sur le temps de vacances ou être compensée dans le cadre du temps de travail annuel, «en accord avec le responsable hiérarchique».
La discrimination salariale est encore bien réelle
Responsable de la politique de l'égalité auprès de Travail.Suisse, Valérie Borioli Sandoz reconnaît que «sauf rares exceptions, la grève féministe n'en est pas une à proprement parler au regard du droit suisse» et qu'à ce titre «les entreprises ont la liberté d'autoriser et de payer ou non, les collaboratrices et collaborateurs souhaitant y participer».
A ses yeux, la manifestation est pourtant plus que jamais nécessaire, dans la mesure où la part de la différence salariale qui n'est pas expliquée autrement que par le genre a régulièrement augmenté au cours des dix dernières années. Selon la dernière enquête de l'Office fédéral de la statistique (OFS) sur la structure des salaires, la part discriminante représentait en 2020 près de la moitié (47,8%) de tous les écarts mesurés, soit 717 francs par mois en moyenne.
Liste noire des mauvais élèves
«Si la discrimination salariale n'existait pas en Suisse, l'AVS serait plus riche de 825 millions de francs et on n'aurait pas eu besoin de relever l'âge de la retraite pour les femmes en 2021», assène la responsable de la faîtière syndicale. Face à l'absence de sanctions pour les entreprises ne respectant pas les dispositions révisées de la loi sur l'égalité (LEg), Travail.Suisse a récemment musclé son discours, notamment en lançant une liste noire.
Valérie Borioli Sandoz déplore également la multiplication d'instances de certification à la méthodologie souvent opaque, alors que «la seule méthode de calcul juridiquement et scientifiquement reconnue est celle développée à l'université de Genève qui a donné naissance à Logib», l'outil standard d'analyse de l'égalité salariale gratuitement mis à disposition des entreprises à des fins d'autoévaluation.
Elle s'insurge en outre contre le seuil de tolérance communément admis de 5% d'écart salarial discriminatoire, qui «découle d'une estimation grossière de la marge d'erreur lors de la création de Logib il y a 20 ans». Tout écart salarial qui n'est pas justifié par différents critères objectifs (formation, secteur d'activité, taux d'occupation, ancienneté) «constitue une discrimination des travailleuses, contraire à la loi et à la constitution fédérale».
Quotas chez le régulateur boursier
Parmi les grands groupes ayant accepté de prendre position sur ce point, seul Nestlé assure que selon sa dernière analyse, «les résultats ont montré qu'il n'y a pas d'écart de rémunération entre les genres», la plupart des autres affirmant répondre aux exigences légales. Swisscom reconnaît pour sa part de «faibles différences», inférieures toutefois au seuil de tolérance de 5% fixé par le Bureau fédéral de l'égalité.
Le régulateur boursier SIX Exchange Regulation (SER) impose pour sa part aux sociétés cotées une représentation féminine minimale de 30% dans les conseils d'administration et de 20% dans les directions générales, mais ne fait aucune mention spécifique des écarts salariaux dans sa directive sur les informations relatives à la gouvernance.
(ATS)