L'Union patronale suisse (UPS) donne une bonne note aux grandes entreprises en matière d'égalité salariale: selon une étude réalisée par l'Université de Saint-Gall à la demande de l'UPS, seuls 3,3% des écarts salariaux entre hommes et femmes demeurent sans explication.
Cette portion pourrait par exemple s'expliquer par l'interruption de carrière d'une employée – pendant quelques années en raison de la naissance de deux enfants – qui la priverait de l'expérience professionnelle acquise par son collègue masculin entre temps.
Les chiffres de la Confédération disent le contraire
Seulement voilà, l'étude contredit les données de la Confédération. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), les femmes gagnent en effet substantiellement moins que les hommes. Dans le secteur privé, la différence de salaire était de 19,5% en 2020, selon l'OFS. Et ce ne sont pas les serveuses et les vendeuses qui gagnent beaucoup moins – en valeur absolue comme en pourcentage – que leurs pairs masculins, mais les employées des banques et des assurances, qui reçoivent presque un tiers de moins sur leur compte que les hommes. La part inexplicable de la différence salariale est de 45,3% dans le secteur privé.
L'UPS, sous la direction de son président, Valentin Vogt, qui quittera ses fonctions à la fin du mois, n'a examiné que les salaires du secteur privé. Les employés de la Confédération, des cantons et des communes ne sont donc pas pris en compte dans l'enquête.
Une méthodologie qui réduit la représentativité
Mais surtout, seules les entreprises comptant 100 salariés et plus ont été prises en compte. La raison: la loi sur l'égalité actuellement en vigueur dit que seuls les employeurs de cette taille sont tenus d'effectuer une analyse des salaires tous les quatre ans – aucune sanction n'étant prévue pour les contrevenants.
Or, l'OFS ne s'est pas restreint à la limite des 100 salariés dans son analyse. Il précise d'ailleurs que les différences de salaires sont les plus importantes dans les entreprises de moins de 20 employés. Cela explique en partie les différences de résultats entre l'étude de l'Université de Saint-Gall et l'analyse de l'OFS.
En outre, l'étude commandée par l'UPS ne prend en compte que les entreprises qui ont effectué leur analyse avec l'instrument de l'égalité salariale de la Confédération (Logib). L'Université de Saint-Gall a fait ce choix méthodologique afin que les entreprises soient facilement comparables. De ce fait – et parce que des données manquaient – son étude repose sur un échantillon restreint de 461 entreprises seulement.
Il faut aussi relever que Logib repose sur une auto-déclaration des entreprises et qu'il existe un seuil de tolérance de 5%. Cela signifie que si la discrimination salariale ne dépasse pas 5%, on ferme les yeux et on l'oublie. Seul ce qui est supérieur à ce taux est signalé.
L'étude de l'UPS arrive ainsi à la conclusion que 99,3% des 461 entreprises prises en compte – soit 458 entreprises – sont dans les clous. Seules trois entreprises ne le sont pas. Mais si l'on renonce au seuil de tolérance arbitraire, la différence de salaire inexplicable passe à 8,3%.
Les hommes sont parfois perdants
L'étude présente néanmoins des résultats intéressants:
- Dans 124 cas sur 130, les femmes gagnent certes moins que les hommes, mais pour les 6 restants, ce sont les hommes qui sont perdants.
- C'est au Tessin que la différence de salaire entre hommes et femmes est la plus faible. Mais seules 23 entreprises y ont été étudiées. La pertinence est donc très limitée.
- En Suisse orientale, une différence salariale inexplicable a été constatée dans 28 entreprises sur 73, soit environ un tiers des entreprises. L'est de la Suisse est donc en queue de peloton en matière d'égalité salariale. Mais là encore, le nombre total d'entreprises considérées est si faible que l'on peut se poser la question de la représentativité.
- Il existe effectivement un plafond de verre pour les femmes, que très peu franchissent: les salariées ont beaucoup plus de mal que leurs collègues masculins à obtenir des promotions à des postes de cadre.