La question est simple, mais la réponse ne l'est pas. Qui profiterait réellement de la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) soumise à la votation le 22 septembre? Les caisses elles-mêmes ont actuellement du mal à chiffrer son impact. Lukas Müller-Brunner est directeur de l'ASIP, l'association suisse des caisses de pension. Il réagit aux critiques virulentes de la gauche.
Monsieur Müller-Brunner, plusieurs grandes caisses de pension ne peuvent ou ne veulent pas dire quelles seraient les conséquences de la réforme de la LPP pour leurs assurés. Qu'est-ce que les caisses de pension ont à cacher?
Je comprends que les caisses de pension ne souhaitent pas faire de déclarations de portée générale. Les caisses de pension ne fonctionnent pas comme les caisses-maladie, où il y a une assurance de base et des assurances complémentaires séparées. Presque toutes les caisses de pension proposent plus que le minimum légal. Si l'on veut connaître les effets des modifications de la loi, il faut examiner au cas par cas. C'est ce que feront bien sûr les caisses si la réforme entre en vigueur et si la mise en œuvre exacte se précise. Mais actuellement, nous ne pouvons pas répondre à la question de manière globale.
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Cela représente une situation difficile pour les votants. Ils devront se prononcer sans connaitre l'impact de leur vote.
Pas du tout! Au cœur de cette réforme, il y a un renforcement durable du deuxième pilier. Premièrement, nous adaptons le taux de conversion à l'augmentation de l'espérance de vie. Deuxièmement, nous assurons mieux les travailleurs à temps partiel et les employés ayant plusieurs employeurs. La grande majorité des caisses ont déjà introduit ces nouveautés dans le régime surobligatoire, où elles ont plus de liberté. Il s'agit maintenant d'adapter l'obligation légale à la réalité.
Beaucoup plus d'employés sont concernés, du moins indirectement. On peut se demander pourquoi certaines caisses de pension font preuve d'un tel mutisme et ne veulent pas rendre publiques les estimations existantes.
Il y a des caisses de pension qui craignent de se mettre les politiques à dos. De plus, notre démocratie directe vit du fait que l'on prend sa propre décision de vote, même si l'on n'est pas directement concerné. Ce qui est décisif, c'est de savoir si l'on veut renforcer la prévoyance professionnelle de manière générale.
Toutes les caisses de pension ne soutiennent pas la réforme. Votre association n'est pas enthousiasmée par le compromis qui est désormais sur la table. Qu'est-ce qui vous dérange le plus?
Pour certains de nos membres, le point crucial est la manière dont nous traitons la génération de transition. Il est néanmoins incontestable que nous voulons d'une manière ou d'une autre atténuer les pertes immédiates de rentes pour les plus de 50 ans. Notre association ne cache pas que nous aurions préféré une variante moins généreuse. Mais en fin de compte, la question sur le bulletin de vote n'est pas de savoir si nous avons une meilleure idée. Mais si nous disons oui ou non à l'ensemble de la proposition.
Vous dites donc oui en grinçant des dents?
Nous nous rangeons derrière le compromis politique. Après 20 ans et plusieurs tentatives infructueuses, une réforme du deuxième pilier s'impose.
Malgré vos réserves, les opposants disent que les véritables gagnants de la réforme sont les groupes d'assurance.
C'est un argument tiré par les cheveux. La prévoyance professionnelle est une assurance sociale, elle ne fait pas de bénéfices. Mais gérer l'argent des assurés et engager par exemple des spécialistes à cet effet n'est pas gratuit, même pour une caisse de pension. La question n'est donc pas de savoir si la prévoyance coûte quelque chose. Mais si le prix des prestations offertes est correct.
L'ancien surveillant des prix Rudolph Strahm reproche aux caisses de pension d'être devenues «un self-service pour les banques et les fonds spéculatifs». Elles encaisseraient des frais de gestion beaucoup trop élevés. Que répondez-vous à ce reproche?
C'est loin de la réalité et c'est un dénigrement du deuxième pilier! Le rapport qualité-prix du deuxième pilier est très satisfaisant. En moyenne sur plusieurs années, les frais de gestion des fonds des assurés s'élèvent à environ 0,5%. Par rapport à l'avoir de vieillesse, cela correspond à peu près au coût d'un cabas en papier lorsque je fais mes courses à la Migros pour 60 francs. Si je compare les frais administratifs des caisses de pension au niveau international ou avec ceux d'un investisseur privé, c'est très avantageux.
Mais là aussi, le secteur s'oppose à la transparence. Pourquoi?
Ce n'est pas vrai. Les exigences de Rudolph Strahm pour plus de transparence sont déjà réalisées depuis plus de dix ans, comme le confirme l'autorité de surveillance. Chaque caisse de pension indique dans ses comptes annuels à combien s'élèvent les frais. Il est possible de les demander à sa caisse de pension ou de les consulter sur son site Internet.
Les différences de frais entre les caisses sont énormes. Comment l'expliquer?
C'est justement la force du deuxième pilier, que chaque caisse de pension investisse différemment. C'est pourquoi les frais varient. La caisse de pension de Swissair, par exemple, dont tous les assurés sont à la retraite depuis longtemps, a un tout autre comportement face au risque que la caisse de pension d'une start-up. Mais cela ne veut pas dire que la caisse dont les coûts sont plus élevés est moins bonne.
La votation montre à quel point le système du deuxième pilier est complexe et opaque. Il existe 1300 caisses de pension. Ne faudrait-il pas simplifier le système de fond en comble?
Je suis d'accord avec vous, la complexité augmente. Mais en contrepartie, le système fonctionne. Comme chaque caisse de pension peut réagir différemment en fonction des exigences de ses assurés, il est possible de trouver des solutions sur mesure. En même temps, l'État fixe un cadre qui fonctionne comme un filet de sécurité pour tous.
En tant qu'employé, on n'a pas le choix de l'endroit où l'on est assuré. Qu'est-ce qui s'oppose à la liberté de choix en matière de caisse de pension?
Ce serait la mort du deuxième pilier! Sa raison d'être réside justement dans le fait qu'il s'agit d'une communauté entre employés et employeurs. Si l'employeur devenait un simple financeur, il ne pourrait plus participer à l'organisation et ne serait donc plus disposé à assumer un risque. Sans cette participation, notre prévoyance vieillesse ne serait plus soutenue que par deux piliers: l'AVS publique et la prévoyance privée. Prenons garde à ne pas sacrifier notre système éprouvé des trois piliers.
Mais la réforme dont il est question aujourd'hui a du mal à passer. Et si elle était rejetée?
Ce ne serait pas la fin du monde. Car les caisses de pension ont déjà fait leurs devoirs là où elles ont une marge de manœuvre. Et elles continueront à le faire à l'avenir.
Alors pourquoi un changement est-il nécessaire?
Nous devons aussi assumer notre responsabilité envers les personnes qui ne sont assurées qu'à titre obligatoire. Aujourd'hui, quelqu'un qui a trois emplois à temps partiel n'a aucune chance de s'en sortir dans le cadre de la prévoyance obligatoire. La loi actuelle date de 1985, la LPP a tout simplement besoin d'une mise à jour.