Le Covid a touché vos amis, vos enfants, vos grands-parents, la plupart de vos collègues de travail. Pour certains, ce n'était qu'une question de temps avant que leur tour ne vienne.
Pour d'autres, ce tour n'est jamais venu. Pourquoi? Est-ce que ce sont de longs trajets en transports en commun qui les auraient endurcis, comme cela a parfois été suggéré? «Cette thèse relève du domaine de la spéculation», déclare le virologue Ulf Dittmer, basé à Essen (All).
Pas de réponse définitive pour les non-contacts avec le virus
Certaines personnes pensent qu'ils n'ont tout simplement pas eu le Covid parce qu'ils ont bien respectés les gestes barrière. D'autres se disent qu'ils ont eu de la chance, même en ne se restreignant pas. D'autres se demandent s'ils n'ont pas eu le virus à leur insu, ou si les tests n'ont pas détecté de charge virale.
Les explications scientifiques de la question sont plus profondes. Mais il n'existe pas de réponse définitive. La clé peut plutôt résider dans une combinaison de circonstances. «Il y a quelques hypothèses qui semblent plausibles», explique Leif Sander, qui dirige la clinique d'infectiologie de l'hôpital Charité de Berlin.
Les gènes peuvent jouer un rôle dans la reconnaissance des infections
Tout d'abord, il ne faut pas oublier qu'une partie non négligeable des cas passe largement ou totalement inaperçue. Dans un travail de synthèse publié fin 2021 dans le Jama Open Network, les auteurs se sont penchés sur le fait que même parmi les personnes dont l'infection au Covid a été confirmée, environ 40% ne présentaient aucun signe de la maladie au moment du test. Ils se sont basés sur près de 100 études internationales différentes avec des données concernant au total environ 30 millions de personnes.
Dans ce contexte, la fréquence des tests joue un rôle dans la détection des infections. Les personnes qui se font tester plutôt irrégulièrement ont plus de chances de passer à côté d'une infection très légère ou asymptomatique. Les tests fréquents permettent de détecter plus facilement les cas bénins.
En dehors de cela, les gènes peuvent également jouer un rôle. «Il y a des gens qui, en raison de leurs caractéristiques génétiques, échappent à la malaria ou au VIH par exemple. C'est aussi le cas, à certains degrés, pour le Sars-Cov-2», explique Leif Sander. Mais les facteurs génétiques ne sont pas encore totalement compris.
La protection vaccinale est souvent sous-estimée
Comme l'explique Ulf Dittmer, directeur de l'institut de virologie de l'hôpital universitaire d'Essen, la dotation génétique du système immunitaire – les molécules HLA – joue un rôle important dans la protection contre le Covid-19. Par ailleurs, les groupes sanguins n'influencent pas seulement la gravité de la maladie, mais peut-être aussi la transmission du Sars-Cov-2.
La protection vaccinale est probablement souvent sous-estimée: les taux d'anticorps dans le sang, qui peuvent rendre inoffensifs les coronavirus qui pénètrent dans l'organisme, diminuent certes dans la période qui suit la vaccination. «Mais la protection reste tout de même significative pendant des mois. Cela aussi réduit le risque de contamination», explique Leif Sander.
Les réponses immunitaires à la vaccination diffèrent en outre d'une personne à l'autre. «Si la réponse est particulièrement bonne, la combinaison de la vaccination et d'une infection antérieure par l'un des quatre coronavirus normaux du rhume peut également jouer un rôle», fait remarquer le professeur de la Charité.
Le virologue Ulf Dittmer affirme que l'on sait désormais qu'une sous-classe particulière d'anticorps confère une protection très efficace contre une infection au coronavirus: «Mais mesurer la teneur de ces anticorps dans le sang est compliqué, c'est pourquoi personne ne saura pour l'instant s'il a ces anticorps ou non.»
Selon Leif Sander, les enfants sont également plutôt préservés car ils ont généralement un système immunitaire inné plus activé, le système immunitaire étant pour ainsi dire souvent pré-activé. Enfin, certaines personnes sont moins susceptibles d'attraper le virus après l'avoir eu une première fois, contrairement à d'autres: «Cela est notamment dû à ce que l'on appelle les interférons, des substances immunitaires particulières présentes dans les muqueuses, qui réduisent également la réceptivité au Sars-Cov-2 en cas de contact dans ce laps de temps.»
«On n'est pas à l'abri pour toujours»
Autre facteur envisageable: chez certaines personnes, le système immunitaire peut éventuellement expulser très rapidement le virus de l'organisme, comme le dit Leif Sander: «Dans une étude suédoise, des chercheurs ont trouvé des cellules T spécifiques chez des personnes qui n'étaient pas devenues positives après des contacts avec des membres du ménage infectés – un signe que leur système immunitaire s'était bien occupé du Sars-Cov-2, même si une infection et aussi des anticorps contre le virus n'étaient pas toujours détectables.»
Que faut-il en conclure? Ceux qui pensent avoir été épargnés jusqu'à présent pourraient tout de même être passés par la case infection. Ou avoir profité de certains effets temporaires, de facteurs génétiques encore inconnus, voire de coïncidences. Conclusion de Leif Sanders: «Le fait de ne pas avoir eu Covid jusqu'à présent ne signifie pas que l'on est à l'abri pour toujours. La situation peut changer pour tout un nombre de facteurs, notamment en cas de nouveau variant.»
(Adaptation par Jocelyn Daloz)