Les autorités devront-elles dérouler le tapis rouge pour un migrant qu'elles ont renvoyé de force en janvier? Mardi, le Canton de Vaud a emboîté le pas à Genève. Le Grand Conseil a voté cet après-midi une résolution du député Hadrien Buclin (Ensemble à Gauche) qui demande au Conseil d’Etat d’intervenir auprès de la Confédération pour qu’elle octroie un permis humanitaire à Solomon Arkisso, requérant d’asile débouté, expulsé en début d'année.
Fin mai, le Grand Conseil genevois adoptait un texte similaire concernant Tahir Tilmo, un compatriote de Solomon Arkisso. Ce dernier était domicilié à Yverdon-les-Bains avant d’être expulsé. Il serait maintenant «en danger dans son pays», d’après plusieurs ONG. Le quadragénaire serait en effet membre de l’ethnie Oromo, contre laquelle le pouvoir central mène une politique de discriminations et de persécutions, et serait proche du parti OLF (Oromo Liberation Front), groupe politique victime de persécutions de la part du pouvoir actuellement en place.
Un plaidoyer vibrant
Le député PLR Guy Gaudard, un des signataires de la résolution, s’attendait dans nos colonnes à ce que sa position soit peu suivie au sein de son parti. L’entrepreneur, qui a reçu en mai le prix Diversité – Emploi – Formation de la Ville de Lausanne parce que son entreprise d’électricité a permis à 34 jeunes migrants d’obtenir un CFC, ne s’est pas trompé. Mais son engagement a probablement fait la différence. «Je peux vous affirmer qu’aucun de mes collaborateurs n’est venu en Suisse pour profiter du système, a-t-il plaidé au sein de l’hémicycle. Solomon Arkisso a été renvoyé huit ans après son arrivée dans notre pays, ce qui peut être assimilé à de la maltraitance.»
Et le libéral-radical de poursuivre: «Il respecte toutes les exigences que je demande aux jeunes que je forme: apprentissage de la langue, intégration dans des clubs sportifs, participation au nettoyage des centres d’accueil… Je m’engage à lui fournir une place d’apprentissage dans mon entreprise dès son retour en Suisse.» Le député vert’libéral Blaise Vionnet a, lui, axé sa prise de position sur la situation humanitaire en Ethiopie, où un conflit armé déchire la région dissidente du Tigré et déborderait depuis peu dans le reste du pays. «Je pense comprendre les motifs du Secrétariat d’Etat aux migrations, fruit d’un regard sur l’Ethiopie depuis la Suisse, mais ces raisons ne sont aujourd’hui plus d’actualité, a-t-il assuré. Il n’est pas admissible que Solomon Arkisso doive vivre dans la clandestinité.»
Serge Melly (Libre) s’est pour sa part adressé à la droite du Grand Conseil: «Mesdames et Messieurs qui avez toujours voté non à des pétitions de soutien à des migrants, en disant qu’il fallait accorder le droit d’asile avec parcimonie pour laisser de la place aux personnes qui en ont vraiment besoin, vous avez aujourd’hui l’occasion de prouver votre bonne foi!» Le député PLR Philippe Vuillemin a, quant à lui, exprimé des doutes sur le texte de la résolution: «Avez-vous le début d’une garantie que le Conseil fédéral va nous suivre? La réponse est non.» L’homme a donc demandé s’il était plutôt possible d’envisager un «sauf-conduit humanitaire», sorte de sésame qui permettrait à Solomon Arkisso d’aller et venir en Suisse, sans toutefois pouvoir s’y établir.
Des faits, pas des «supputations»
Taclant la presse au passage, le conseiller d’Etat PLR Philippe Leuba — sans se prononcer sur le fond — a tenu à rectifier «un certain nombre de faits» pour éviter les «supputations». «Seul Solomon Arkisso peut demander un permis humanitaire auprès de l’ambassade qui couvre la zone géographique, pas un tiers, a insisté l'ancien arbitre de football. Il est en outre frappé par une interdiction de territoire.»
Concernant les propos de son collègue de parti Guy Gaudard, Philippe Leuba rappelle que l’Ethiopien est arrivé en Suisse en 2012 et qu’il a reçu une décision négative en 2014. «La période entre cette décision et son renvoi résulte de recours qui ont tous été rejetés.» L’élu a enchaîné en martelant qu'«il ne suffit pas de vouloir entrer en Suisse et vouloir s’intégrer pour résider ici. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la loi suisse, approuvée par le peuple».
Concernant Solomon Arkisso, Philippe Leuba affirme qu'«il n’a jamais travaillé»: «Il n’a jamais fait état d’une appartenance politique ou à une ethnie victime de persécutions, sa demande d’asile a été faite au seul motif que sa sœur est ici». Les arguments du conseiller d’Etat, qui a précisé que la démarche avait de toute manière très peu de chances de changer quoi que ce soit, n’ont pas été entendus. Le Grand Conseil, à une courte majorité — 72 oui, 5 abstentions et 63 non — a décidé de soutenir la résolution d’Hadrien Buclin. Philippe Leuba et ses collègue devront bel et bien défendre le destin de Solomon Arkisso à Berne.