«Shitstorm» sur Bassersdorf
La crémation d'une statue trans suscite une indignation internationale

Lors des habituels Sechseläuten alémaniques, censés célébrer le printemps, la ville de Bassersdorf a brûlé une sculpture à l'effigie d'une personne trans. Un acte lourdement critiqué et dénoncé par la presse internationale et la communauté LGBT.
Publié: 21.06.2022 à 20:07 heures
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Dernière mise à jour: 22.06.2022 à 00:15 heures
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Lors des Sechseläuten de Bassersdorf (ZH), un «Diversity-Bögg» a été brûlé.
Photo: Raisa Durandi
Sermîn Faki

Avec ses 12’000 habitants, quelques restaurants et une boucherie, le village de Bassersdorf est une bourgade plutôt tranquille du canton de Zurich. Jusqu’à maintenant, elle n’avait défrayé la chronique internationale que fin novembre 2001, lorsqu’un avion Crossair s’y était écrasé. Le crash avait provoqué la mort de 24 personnes.

Moins de 21 ans plus tard, la commune zurichoise fait à nouveau les gros titres de médias internationaux. Cette fois-ci, ce n’est pas pour y déplorer un tragique accident, mais pour y dénoncer une pratique jugée scandaleuse à l’occasion d'une fête du village.

«Une effigie de femme trans brûlée en Suisse», titre «The Advocate», le principal magazine LGBT des États-Unis. «Une ville met le feu à une femme trans de paille», écrit également le portail britannique Metro. Le média en ligne LGBT allemand queer.de titre à son tour: «Une figure de la diversité brûlée lors d’une manifestation coutumière». Que s’est-il donc passé?

À chaque année son thème

La «manifestation coutumière» dont parle le portail queer.de est celle des Sechseläuten: une fête annuelle qui a lieu fin avril et marque le début du printemps à Zurich. Après de joyeux défilés, la fête se termine par la crémation d’un Böögg, une statue de paille censée représenter l’hiver.

Depuis 2004, Bassersdorf organise une version réduite de cette célébration dans sa propre bourgade. Pour ne pas copier simplement ce qui se fait à Zurich, le village a décidé de donner un thème annuel à son propre Böögg.

En 2022, le comité d’organisation a donc choisi d’ériger un «Diversity-Bögg», comme l’a expliqué le maître de cérémonie Christian Weiss au portail zueritoday.ch. Le personnage avait à la fois des seins, un pénis et des testicules, sous une jupe arc-en-ciel dont il avait été affublé. «Lorsque la jupe du Böögg a été soulevée par le vent, beaucoup de gens ont souri», raconte Christian Weiss.

Dictateurs et conseillère fédérale au bûcher

Ce n’est pas la première fois que la crémation d’un Böögg à Bassersdorf crée la polémique. Par le passé, des sculptures à l’effigie des dictateurs Mouammar Kadhafi et Kim Jong-un, ainsi que de l’ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard avaient été brûlées.

Pour Christian Weiss, le «Diversity-Böögg» qu’ils ont créé avec les autres employés de la commune n’est pas discriminatoire. En avril, il défendait ainsi sa position: «Sur Facebook, on peut désormais choisir son sexe parmi de nombreuses possibilités. C’était aussi le cas pour le Böögg de cette année. Il a différentes caractéristiques, et il y en a pour tout le monde.»

Un habitant dépose plainte

Pour Adolf Kellenberger, 82 ans, cela ne passe pas. L’habitant de Bassersdorf a trouvé que cette action était un «dérapage total» et «méprisait l’être humain». Il a déposé une plainte auprès du Ministère public zurichois contre le conseil municipal de sa commune. Les autorités sont tenues d’agir contre la discrimination, pas d’en faire partie, a estimé l’octogénaire.

Christian Weiss ne veut pas entendre parler de discrimination. Dans les colonnes du «Tages-Anzeiger», il estime qu’Adolf Kellenberger attribue au Böögg une symbolique «que celui-ci n’a pas».

Au printemps déjà, Christian Weiss avait assuré que le genre et la diversité étaient des thèmes importants à l’heure actuelle, raison pour laquelle on avait voulu les aborder. Il avait également été question du Covid et de la guerre en Ukraine, mais ces thèmes avaient finalement été écartés pour conserver le caractère festif des Sechseläuten.

«Un manque d’humour pathologique»

Le directeur du comité argue encore qu’il faut considérer le Böögg de cette année «comme un pamphlet contre l’hypersensibilité narcissique rampante et le manque d’humour pathologique».

Le Ministère public a d’ailleurs rejeté la plainte d’Adolf Kellenberger. Quant au conseil municipal, sa présidente, Doris Meier (PLR), a souligné au «Tages-Anzeiger» que le conseil municipal n’avait pas connaissance de la conception du Böögg: «Je le regrette vivement si des sentiments de personnes ont été blessés.» Elle est sûre que ce n’était pas l’intention du comité.

La communauté LGBT indignée

La communauté LGBT est beaucoup moins clémente avec la municipalité. «À l’Est, un dictateur brûle l’Ukraine, et votre plus gros problème c’est la diversité? Sérieusement?», s’énerve une personne trans suisse sur Reddit. Adolf Kellenberger est considéré comme la «seule voix de la raison».

Pour d’autres, la crémation de ce «Diversity-Böögg» ne fait que confirmer à quel point la société suisse est encore hostile aux trans. Dimanche dernier encore, lors de la Pride de Zurich, un service religieux avait été perturbé par des homophobes.

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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