Le paquet de mesures de Karin Keller-Sutter pour réguler les banques systémiques a pris un mauvais départ. «Pas de punch», «moins dur que ce que l'on craignait», «pas vraiment surprenant». Les premiers jugements ont été accablants.
Selon ces voix critiques, le Département fédéral des finances (DFF) n'a pas su proposer de règles efficaces pour éviter un nouvel effondrement des grandes banques. De nombreux observateurs s'attendaient à ce que le gouvernement introduise des ratios de fonds propres plus stricts.
Par exemple, que l'UBS doive couvrir ses actifs avec 10% de fonds propres au lieu de 5% seulement. Une telle mesure aurait sans doute reçu un meilleur accueil, mais elle aurait eu du mal à passer au Parlement. Au lieu de cela, Karin Keller-Sutter a publié mercredi un rapport exposant 22 mesures. De quoi semer la confusion. Qu'est-ce qui est important, qu'est-ce qui ne l'est pas? À première vue, ce n'était pas clair.
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Une mesure attire l'attention
Dans de telles situations, il vaut souvent la peine de jeter un coup d'œil à la bourse. L'action de l'UBS s'est immédiatement effondrée lorsque le rapport du Conseil fédéral sur la surveillance des grandes banques a été publié mercredi après-midi. La baisse s'est poursuivie le jour suivant et l'action UBS a également terminé dans le rouge vendredi. Au total, l'UBS a perdu plus de cinq milliards de francs en bourse.
Cette réaction violente était le signe que la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter avait peut-être frappé plus fort que prévu. Et peu à peu, il est devenu clair qu'une mesure en particulier, listée au numéro 15 du rapport, était probablement la plus impactante. Elle s'intitule «Modifier les exigences en matière de fonds propres destinés à couvrir les participations étrangères». Elle exige que les banques d'importance systémique détiennent davantage de fonds propres pour leurs filiales à l'étranger.
Les dirigeants de l'UBS auraient menti?
Cela semble anodin, mais cela pourrait coûter cher à l'UBS avec ses nombreuses filiales à l'étranger. Jusqu'à présent, les grandes banques n'étaient autorisées à couvrir la valeur de ces filiales dans le bilan de la maison mère qu'à hauteur de 60% avec des fonds propres, le reste avec des capitaux étrangers. Credit Suisse a exploité ce rabais jusqu'à l'excès. En conséquence, la banque n'a pas pu se défaire de la banque d'investissement américaine à l'été 2022, car les fonds propres de la maison mère auraient été beaucoup trop fortement grevés. La Finma n'était alors plus disposée à accorder de nouvelles dérogations à la banque, ce qui rendait le déclin pratiquement inéluctable.
Ce n'est donc pas vrai, ou seulement à moitié, lorsque les dirigeants de l'UBS Sergio Ermotti et Colm Kelleher affirment que Credit Suisse n'a pas périclité faute de fonds propres suffisants. Un coup d'œil sur les bilans des filiales et de la maison mère montre que les fonds propres étaient bel et bien un problème majeur et décisif.
Selon les recherches, le DFF s'est rapidement accordé sur le fait que ce rabais sur les fonds propres devait être supprimé. On s'est également appuyé sur des rapports d'experts de la société d'analyse financière Autonomous Research, qui avait déjà signalé la minceur des fonds propres de Credit Suisse bien avant son effondrement. Au sein du DFF également, des estimations ont été faites sur le coût que la suppression du rabais de capital pourrait avoir pour l'UBS.
Il est intéressant de noter que vendredi, une étude d'Autonomous Research a été rendue publique, qui prévoyait un manque de fonds propres de 10 à 15 milliards. Ces chiffres ne sont pas irréalistes et sont confirmés dans les milieux du DFF. Il est également possible de calculer soi-même que le montant peut rapidement atteindre des milliards: la filiale UBS Americas Holding LLC présente des fonds propres de base de 17 milliards de dollars à la fin 2023. Dans la maison mère UBS, la banque ne doit en détenir que 10,2 milliards. Ce qui donne un rabais de 6,8 milliards qui pourrait être supprimé à l'avenir.
Les banques nationales épargnées
En Suisse, l'UBS n'est pas la seule banque d'importance systémique visée par les nouvelles mesures. La Banque cantonale de Zurich, Raiffeisen et Postfinance sont également concernées. Un observateur déclare: «Le charme de ce pack de mesures réside dans le fait qu'il touche de manière ciblée l'UBS, tout en épargnant les banques axées sur le marché intérieur.» Il en aurait été autrement si le taux de fonds propres avait été relevé de manière générale à 10%. Cela aurait presque certainement entraîné un renchérissement des crédits.
L'effet recherché est clair: si l'UBS veut se développer fortement à l'étranger, cela lui coûtera nettement plus cher à l'avenir. Les projets d'expansion de la grande banque aux Etats-Unis en prennent un coup. Le chef de la banque d'investissement de l'UBS, Rob Karofsky, a annoncé vouloir rattraper les grandes banques de Wall Street dans le domaine de la banque d'investissement américaine. Et l'UBS veut également développer le Wealth Management d'Iqbal Khan aux Etats-Unis, mais aussi augmenter les fonds des clients à 5000 milliards de dollars.
Karin Keller-Sutter met encore des bâtons dans les projets de la banque. L'UBS devra sans doute reconsidérer les rachats d'actions qu'elle avait annoncés. La semaine dernière encore, la grande banque a indiqué qu'elle rachèterait ses propres actions pour une valeur de deux milliards de dollars. Les rachats d'actions sont le contraire d'une augmentation des fonds propres. La direction de l'UBS devra s'expliquer à ce sujet. Prochaine échéance: l'assemblée générale du 24 avril.