Lorsque la Russie s'est attaquée à l'Ukraine fin février, le Conseil fédéral a été pris de court. Il préférait ne pas prendre de sanctions contre le belligérant, ou plutôt pas directement et si possible sans commentaire.
C'est la pression extérieure (celle des autres pays occidentaux) et intérieure (celle de la rue et du Parlement) qui a contraint le gouvernement national à changer de cap. Avec la bataille qui fait rage dans l'est de l'Ukraine et la tendance à durer du conflit, difficile d'estimer où s'arrête la neutralité et où commence l'indifférence froide.
Le département de l'économie a hésité
Il y a une semaine, le Conseil fédéral a décidé de reprendre le sixième paquet de sanctions de l'Union européenne (UE) contre la Russie. Celui-ci comprend un embargo sur le pétrole brut russe et certains produits pétroliers. Des interdictions d'importation qui entrent désormais progressivement en vigueur jusqu'au début de l'année prochaine.
Mais certains fonctionnaires du Département de l'économie (DEFR) du conseiller fédéral Guy Parmelin (UDC) auraient hésité à appliquer ces sanctions.
Selon eux, la Suisse devrait prendre son temps avant de décider si elle soutient l'embargo sur le pétrole. Avant la séance du Conseil fédéral du 10 juin, le DEFR a préparé un arrêté du Conseil fédéral de plusieurs pages. Le SonntagsBlick a pu se procurer ce document. Dans ce dernier, le DEFR conseille de consulter d'abord ses collègues du département des finances (DFF) et de l'environnement (DETEC). «Les mesures concernant le pétrole brut et les produits pétroliers doivent faire l'objet d'une analyse approfondie par le DEFR en collaboration avec le DFF et le DETEC et être soumises ultérieurement au Conseil fédéral pour une décision de reprise.» Ailleurs, on peut lire: «Compte tenu de la grande portée politique et économique de la décision de reprise et du manque de temps, les interdictions de l'UE doivent être soumises à une analyse approfondie avant qu'une décision de reprise ne soit prise.»
Le projet du Département de l'économie a été pulvérisé
La date à laquelle cette décision aurait dû être prise n'est pas mentionnée, le projet ne cite aucun délai. Mais la réaction des Européens, qui se sont battus pendant des semaines sur les exceptions et ont de plus en plus de mal à resserrer les rangs, aurait été assez claire. Un tir croisé de la Suisse, grande plaque tournante pour les matières premières russes, aurait été mal perçu à Bruxelles.
C'était également l'avis des autres départements lorsqu'ils ont examiné le projet. Lors de la consultation des offices, au cours de laquelle les différentes unités administratives prennent préalablement position sur les affaires du gouvernement, ils ont écarté l'idée de ne décider de l'embargo qu'ultérieurement. En conséquence, Guy Parmelin a finalement demandé au Conseil fédéral de reprendre l'intégralité des sanctions, et le gouvernement a accepté. Les experts de la Confédération analysent désormais les répercussions possibles de cette décision.
La politique de parti n'a rien à faire en temps de guerre
Les dégâts en matière de politique étrangère n'ont pas eu lieu - mais à Berne, la querelle sur l'attitude à adopter face à la guerre en Ukraine s'enflamme à nouveau. Le président du PLR Thierry Burkart a vivement critiqué les réflexions du CSF. «Ce n'était pas un secret que cet embargo pétrolier de l'UE allait arriver!», déclare le conseiller aux États argovien. «C'était dans tous les journaux. Il est incompréhensible que le Département de l'économie n'ait pas préparé à temps différents scénarios.» Selon lui, des planifications éventuelles sont nécessaires pour prendre des décisions fondées et en temps voulu.
«Si le Conseil fédéral n'avait pas immédiatement déclaré qu'il soutiendrait l'embargo, cela n'aurait rien apporté à notre économie», est convaincu Thierry Burkart. Au lieu de cela, la réputation de la Suisse en aurait pâti. «Les divergences au sein de l'Occident ne profitent qu'à la Russie», estime le chef du PLR. Pour lui, cette affaire n'est pas qu'une escarmouche entre fonctionnaires, mais un sujet hautement politique. «Le conseiller fédéral Parmelin est manifestement très influencé par son parti sur la question des sanctions, avance Thierry Burkart. Les interventions des autres départements étaient nécessaires. Car la politique de parti n'a pas sa place au Conseil fédéral par les temps qui courent.»
Le DEFR rejette les critiques
La critique vient également du PS. «Retarder, reporter, bloquer», ce sont toujours les mêmes signaux qu'envoie le Secrétariat d'État à l'économie (Seco), déclare Cédric Wermuth (AG), coprésident du parti. Ni en Suisse ni à l'étranger, un report de la reprise de ces sanctions n'aurait pu être négocié. «Le gouvernement se serait à nouveau ridiculisé.» Selon lui, il est temps que le Seco en prenne également acte.
Le département de Guy Parmelin rejette fermement ces critiques. «Le DEFR n'a pas hésité», écrit le chef de la communication Urs Wiedmer. En raison des longs délais transitoires allant parfois jusqu'à plusieurs mois, il n'y a pas de pression temporelle et donc pas de risque de contournement. «Le principe de reprendre les sanctions de l'UE à l'égard de la Russie a en outre déjà été décidé avec le premier paquet. Pour le DEFR, il est toutefois important de pouvoir évaluer en détail les effets des différentes sanctions.» Les sanctions en elles-mêmes ne sont pas remises en question. Des clarifications approfondies prennent justement du temps, explique le DEFR.
(Adaptation par Lliana Doudot)