Moment charnière de la guerre
Appel à intensifier les livraisons d'armes à l'Ukraine

Le chef du Pentagone Lloyd Austin a appelé mercredi ses alliés à «intensifier» les livraisons d'armes aux Ukrainiens, en difficulté face aux Russes dans le Donbass, alors que le président chinois Xi Jinping marquait son soutien à son «vieil ami» Vladimir Poutine.
Publié: 15.06.2022 à 20:15 heures
«L'Ukraine est confrontée à un moment charnière sur le champ de bataille», a déclaré mercredi le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin.
Photo: YVES HERMAN / POOL

«L’Ukraine est confrontée à un moment charnière sur le champ de bataille», a déclaré le secrétaire américain à la Défense, lors d’une réunion au siège de l’Otan à Bruxelles des pays du «groupe de contact» créé par les Etats-Unis pour aider l’Ukraine. «Nous devons donc intensifier notre engagement commun» et «redoubler d’efforts pour qu’elle puisse se défendre», a-t-il ajouté.

L'Ukraine s'impatiente

Près de 50 ministres de la Défense – dont le ministre ukrainien Oleksiï Reznikov – devaient participer à cette réunion, en marge d’une réunion ministérielle de l’Otan. Une réunion très attendue par Kiev, qui réclame depuis des semaines des armes lourdes en quantité pour repousser les forces russes dans le bassin du Donbass.

«Bruxelles, nous attendons une décision», a encore tweeté mercredi matin Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne. «Le ratio Russie/Ukraine en artillerie est de l’ordre de 10 contre 1 dans certaines zones, je reçois quotidiennement des messages de nos combattants disant 'Nous tenons, dites-nous juste quand les armes arriveront'», a-t-il ajouté.

Depuis leur offensive avortée sur Kiev en mars, les forces russes et séparatistes prorusses, qui contrôlent partiellement cette région industrielle depuis 2014, se sont donné pour objectif d’en prendre le contrôle total.

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a assuré avant la réunion que les membres de l’Alliance allaient fournir davantage d’armes lourdes modernes à l’Ukraine, mais a averti que cela «demande du temps».

«Il s’agit d’artillerie, de systèmes à longue portée, de systèmes antiaérien aux normes Otan, ce qui impose une formation, un entretien, une maintenance», a insisté Jens Stoltenberg.

Au menu: lance-roquettes et canons automoteurs

Parmi les armes que réclame l’Ukraine figurent des systèmes de lance-roquettes multiples, que Washington et Londres ont promis de fournir. Le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a déclaré mercredi, depuis Oslo, que les livraisons étaient «imminentes».

Les Ukrainiens réclament aussi des canons automoteurs, comme les canons automoteurs français Caesar. La France en a livré six exemplaires à Kiev ces dernières semaines, et l’AFP a vu mercredi des soldats ukrainiens utiliser des Caesars pour tirer sur des cibles russes dans le Donbass.

«L’Ukraine doit obtenir tout ce qui est nécessaire pour remporter la victoire», a martelé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une téléconférence avec les députés tchèques.

Livraisons détruites par la Russie

Il a réaffirmé que l’invasion de l’Ukraine n’était qu’une première étape pour Moscou, qui entend reprendre ses anciens satellites de l’ère soviétique. La Russie est «un tyran qui […] veut tout, ne s’arrêtera jamais», a dit le président ukrainien.

Moscou tente d’intercepter les livraisons occidentales, et annonce régulièrement avoir détruit des armes fournies par l’Otan. Mercredi, l’armée russe a encore affirmé avoir détruit la veille un entrepôt d’armes occidentales, notamment des obusiers M777 de 155 mm, près de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine.

Face à cet appel occidental à intensifier l’aide militaire à l’Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a obtenu mercredi une marque de soutien de son homologue chinois Xi Jinping.

«La Chine est disposée à poursuivre avec la Russie le soutien mutuel sur les questions de souveraineté, de sécurité, ainsi que sur d’autres questions d’intérêt fondamental et préoccupations majeures», a indiqué Xi Jinping, cité par l’agence de presse Chine nouvelle, qui n’a lié ces propos à aucun exemple précis comme l’Ukraine ou Taïwan.

Le Kremlin a indiqué de son côté que les deux dirigeants étaient convenus d'élargir la coopération dans les domaines énergétique, financier, industriel, des transports et autres, en tenant compte de la situation économique mondiale qui s’est compliquée en raison des sanctions illégitimes de l’Occident».

Ils ont aussi discuté du «développement des relations militaires et militaro-techniques», selon la présidence russe, qualifiant l’échange de «chaleureux et amical».

Baisse du gaz et augmentation des prix

Face aux sanctions occidentales, le géant russe Gazprom a annoncé une nouvelle baisse d’un tiers de ses livraisons de gaz à l’Europe via le gazoduc Nord Stream, au lendemain d’une première diminution drastique.

«Il s’agit clairement d’une stratégie visant à perturber et faire grimper les prix», a riposté le ministre de l’Economie et du Climat Robert Habeck, dans un communiqué.

Ces déclarations interviennent sur fond d’assaut russe sur la ville de Severodonetsk et sa voisine Lyssytchansk, deux villes clé du Donbass, et sur d’autres localités de la région, selon Kiev.

Tenir le coup

«Il faut tenir le coup», avait déclaré mardi soir le président Zelensky, alors que cette bataille dure depuis des semaines. «Il est vital de rester dans le Donbass […], la défense de la région est essentielle pour donner une indication sur celui qui dominera dans les semaines à venir», a-t-il ajouté dans son message vidéo quotidien.

Les autorités ukrainiennes ont reconnu ces derniers jours que leurs troupes avaient été chassées du centre-ville de Severodonetsk, et ne plus disposer que de «voies de communication compliquées» avec elles après la destruction de tous les ponts vers Lyssytchansk.

Les forces ukrainiennes sont notamment retranchées dans l’usine chimique Azot, emblématique de cette ville de 100’000 habitants, avec plus de 500 civils à l’intérieur, selon le maire de Severodonetsk Oleksandre Striouk.

L'évacuation des civils

Moscou a proposé mardi un «couloir humanitaire» qui permettrait d’évacuer ces civils vers des territoires contrôlés par les Russes, mais Kiev ne l’a pas confirmé. Un responsable séparatiste prorusse a accusé mercredi matin les Ukrainiens d’avoir empêché son instauration.

Une situation qui rappelle celle de l’immense aciérie Azovstal, qui fut des semaines durant la dernière poche de résistance ukrainienne dans le port stratégique de Marioupol, sur la mer d'Azov au sud-est, avec des centaines de civils réfugiés avec eux et de rares opérations coordonnées d’évacuation.

Les bombardements persistent

Kiev a démenti jusqu’ici tout encerclement de ses forces dans Severodonetsk, largement détruite et vidée de ses habitants, alors que les forces séparatistes prorusses ont affirmé qu’il leur faudrait «se rendre ou mourir».

Selon une journaliste de l’AFP sur place, les routes reliant Lyssytchansk à Kramatorsk, autre ville clé du Donbass sous contrôle ukrainien, sont utilisées pour acheminer des armes, notamment des lance-roquettes multiples Grad et des canons d’artillerie.

«Les Russes bombardent le centre-ville sans arrêt», a indiqué à l’AFP un policier local. «C’est 24h/24, 'non stop'», ajoute son collègue.

(ATS)

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