Ses rarissimes portraits révèlent toujours les mêmes particularités. Un regard vif tapi derrière des verres de lunettes carrés, un costume impeccablement taillé, une chemise sobrement colorée et une cravate parsemée de motifs discrets. Et parfois, un élégant chapeau de feutre vissé sur le crâne.
Sans oublier une place d'honneur, occupée en toute subtilité. Juste derrière Elizabeth II aux courses hippiques d'Ascot en 2015, sur la pelouse de l'hippodrome de Chantilly, à l'occasion du Prix de Diane Longines, en 2011... Les apparitions sont exceptionnelles, mais lorsque Gérard Wertheimer, 74 ans, accepte de se révéler aux yeux du monde, il sait choisir les bonnes occasions. Tout en restant fameusement discret. Copropriétaire de la maison Chanel, qu'il partage avec son frère Alain, l'homme d'affaires français préfère mille fois les seconds rangs aux podiums.
La seule place flagrante qu'il occupe désormais traditionnellement est le sommet de la liste des 300 personnalités les plus riches de Suisse. Publiée le jeudi 28 novembre par le magazine «Bilan», celle-ci lui attribue la colossale fortune de 37,5 milliards de francs. Gérard Wertheimer conserve donc la tête du classement, qu'il avait déjà obtenue en 2023, détrônant les frères Kamprad. Or, le Français est le seul de la liste à afficher une perte, puisque sa fortune atteignait 41,5 milliards, l'année dernière. Une petite dégringolade qui passerait presque inaperçue, au cœur de cet océan de nombres démesurés.
Figure très discrète de la mode française
Mais qui est-il, ce milliardaire installé à Genève? Difficile à dire, comme cette grande réserve est un peu devenue sa marque de fabrique. Dans un portrait publié cet été, «Le Monde» soulignait que même le gratin de la haute-couture ne le connaît que très peu: allergique aux photos, le businessman aurait effectivement le chic de disparaître sans piper mot dès la fin des défilés, «fuyant discrètement, mais sûrement» avec son frère. «Venir pour ne pas être vus, c'est le contraire de ce que font la plupart des gens», souligne l'une de leurs amies auprès du journal français.
Grâce aux informations de «Forbes», on sait toutefois que son grand-père, Pierre, s'était allié avec la mythique Coco Chanel dans les années 20, enracinant sa lignée dans la célèbre maison française. C'est d'ailleurs sa mère, l'avocate Eliane Heilbronn, qui avait engagé Karl Lagerfeld en 1982, partageant son amour de la littérature et des potins parisiens, d'après «Le Monde».
Féru des courses hippiques
À la tête de la division horlogère de Chanel, Gérard s'est logiquement installé dans la Cité de Calvin avec sa femme et ses deux enfants, toujours selon «Forbes». Mais l'univers du luxe ne constitue pas son unique passion: à l'instar de son frère, le milliardaire est un adepte des courses hippiques et de l'élevage de pur-sang. Le magazine américain souligne en outre que certains des très nombreux chevaux Wertheimer ont brillamment remporté plusieurs compétitions, dont le Derby français et le Breeder's Cup Turf, aux États-Unis.
Des vignobles en Californie et à Bordeaux, une collection d'art léguée par leur père, un demi-frère directeur d'une fructueuse «family office» basée aux îles de Grand Cayman... L'histoire des frères Wertheimer est loin d'être ennuyeuse, à en croire «Le Monde».
«Voir leur nom cité dans la presse les inquiète», précise le journal français. Ceux qui refusent d'apparaître lors de dîners officiels à l'Élysée ont également renoncé à accueillir Emmanuel Macron lors de l'inauguration de 19M, l'espace de Chanel dans le 19e arrondissement, en 2021. Ils n'aiment pas l'attention. Dans les rues de Genève, personne ne reconnait Gérard Wertheimer. Peut-être que le classement de «Bilanz» le gênera. Peut-être que, trop occupé, il n'en prendra pas connaissance. Mais s'il croise quelques regards fascinés, lors de sa prochaine balade le long des quais, il saura pourquoi.